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SIXIÈME LETTRE

Table des matières

Conditions de l’Allaitement maternel.

SOMMAIRE: Qualités physiques et morales qu’il réclame. — Spontanéité indispensable. — La mère sera peu accessible aux émotions. — État de santé générale. — S’abstenir quand la faiblesse est évidente, qu’il y a quelque maladie organique ou crainte d’affection héréditaire, etc. — La mère peut ne pas être aussi robuste qu’une nourrice. — Les femmes les moins bien partagées ont du lait au début de l’allaitement. — La mère compromet tout à la fois sa santé et la vie de son enfant, si elle essaie de nourrir sans en être réellement capable. — Exemple.

MADAME,

L’aptitude d’une mère à nourrir son enfant exige des conditions physiques et morales.

Deux mots des dernières.

L’allaitement est une fonction dont il faut s’acquitter de plein gré. La jeune mère y aspirera franchement, sans contrainte aucune exercée par le mari ou la famille, sans complaisance envers la mode en vigueur.

Il est des personnes qui, bien qu’excellentes mères, ne se sentent pas la force de nourrir. Avec elles, gardons-nous de tenter une entreprise aussi délicate; ce serait courir trop de chances défavorables. Mieux vaut y renoncer.

Rappelez-vous aussi, Madame, qu’une nourrice doit se montrer peu impressionnable. Non-seulement la nature du lait en souffrirait, mais de plus toute mère, qui ne saurait pas supporter les cris de son enfant, serait entraînée pour y mettre un terme à lui offrir le sein continuellement.

Elle nuirait à la santé du nouveau-né et n’aurait jamais qu’un très-mauvais élève.

Je ne parle pas de ces mouvements de colère, d’emportement ou tout au moins de mauvaise humeur, auxquels s’abandonne malheureusement notre pauvre espèce humaine. J’espère que le sentiment maternel leur donnera relâche durant l’allaitement.

Si la mère savait qu’après une émotion morale très-vive, le lait peut devenir pour son enfant un poison rapidement mortel, elle ne se rendrait point coupable de pareilles faiblesses. Or, des exemples de ce genre sont consignés dans les annales de la science.

Cela posé, quelles sont les qualités physiques nécessaires à une femme qui veut nourrir?

Cette question comporte l’examen de deux points très-importants:

L’état de santé générale;

La disposition particulière de l’appareil de la lactation.

Vous comprendrez, Madame, que, pour s’instituer la nourrice de son enfant, une mère a besoin de bien se porter. Est-elle faible, d’un tempérament lymphatique exagéré, a-t-elle quelque affection organique du côté des poumons ou du cœur, existe-t-il dans sa famille quelque maladie héréditaire; est - elle tourmentée par des digestions pénibles, laborieuses; n’a-t-elle même que le défaut de présenter un ensemble de maigreur qui ne s’accorde pas avec les qualités d’une nourrice?... Évidemment elle s’abstiendra.

Persister dans une résolution regrettable, c’est vouloir faire deux victimes à la fois. C’est aussi provoquer chez un enfant des prédispositions à l’héritage d’une maladie que l’on verra se manifester à une époque plus ou moins éloignée de sa naissance.

La mère a pu lui transmettre un sang qui laisse à craindre pour l’avenir. Sans opérer une métamorphose absolue, la nourrice modifiera ces tendances fâcheuses et relèvera probablement ainsi la constitution de l’enfant.

Je n’irai pas demander à une mère toutes les garanties de tempérament et de santé que j’exigerais d’une étrangère. A ce titre, j’éliminerais nombre de jeunes Dames; mais je ne procède point de la sorte.

Au contraire, toute femme, même d’une complexion moyenne, qui observera scrupuleusement les règles de l’allaitement, dont vous prendrez connaissance plus tard, parviendra sans trop de fatigue à nourrir son enfant. J’en ai vu tout récemment encore deux exemples.

Cependant les avantages que je reconnais à l’allaitement maternel ont leurs limites.

Parfois, soit qu’on n’ait pas consulté préalablement le Médecin, ou qu’après avoir pris son avis, on n’en ait pas tenu compte, de nouvelles accouchées entreprennent d’allaiter leur enfant. Pendant quelque temps, elles se moquent des décrets de la Faculté et se drapent dans leurs qualités de nourrice en apparence si remarquables.

Mais elles ne tardent pas à acquérir la conviction que l’erreur n’était point de notre côté. La raison de ce qui se passe en pareil cas est nettement exposée dans le passage suivant de M. Donné :

«Ce qui trompe beaucoup de jeunes femmes,

» ce qui leur fait souvent illusion sur les forces

» qu’elles se supposent, c’est l’abondance du lait

» pendant les premiers temps qui suivent l’ac-

» couchement. Elles se livrent avec ardeur à leur

» désir d’allaiter et elles se croient d’excellentes

» nourrices, parce que le lait afflue momentané-

» ment dans leurs seins. Mais cette abondance au

» début n’est pas une grande garantie; les fem-

» mes les moins bien partagées produisent d’a-

» bord du lait en assez grande proportion, et il

» est rare que la sécrétion n’ait pas une certaine

» activité dans les premiers temps chez toutes les

» femmes bien ou mal constituées, bien ou mal

» organisées.»

Et, savez-vous, Madame, ce que l’on gagne le plus souvent par cet essai infructueux que le bon sens et l’expérience avaient rejeté ? Le voici.

La femme éprouve des tiraillements d’estomac, des douleurs de toute espèce, à la région du dos, à la poitrine, et tombe dans un état de prostration qui fait naître de justes alarmes. De plus, en excitant un organe qui n’est pas disposé pour fonctionner régulièrement, on voit s’y développer des accidents inflammatoires. Les crevasses, les abcès du sein sont la conséquence de ces folles tentatives, qui n’ont abouti qu’à rendre un enfant malingre et à reporter le rétablissement complet de la mère à une époque très-éloignée de l’accouchement.

Permettez-moi, Madame, en terminant cette lettre, de vous citer à l’appui de ce que j’avance, un fait emprunté à ma pratique.

Une jeune femme, d’une constitution très-frêle, eut dernièrement son troisième enfant. Elle avait essayé de nourrir aux couches précédentes. A la première, elle n’avait pu reprendre sa vie ordinaire que fort tard, après avoir beaucoup souffert et s’être vue réduite à élever au biberon un enfant qui mourut au bout de quelques mois d’une fluxion de poitrine.

La deuxième fois, je fus chargé de la soigner; malgré mes conseils, on tint la même conduite. Le retour des forces se fit longtemps attendre et l’enfant, allaité enfin par une personne de la campagne, se porte aujourd’hui très-bien.

Dès le commencement de sa troisième grossesse, ma cliente, instruite par ses insuccès, était bien décidée à confier immédiatement le nouveau-né à une nourrice. Dix jours après sa délivrance, la santé avait repris ses allures normales et nous n’avons jamais eu à nous occuper de celle de l’enfant.

Daignez agréer, etc.

«Il est bien des mères que je n’accepterais pas comme

» nourrices, pour allaiter d’autres enfants que les leurs,

» et que je crois parfaitement bonnes pour nourrir leurs

» propres enfants et souvent même préférables aux meil-

» leures nourrices étrangères.»

(DONNÉ, p. 43.)

«Beaucoup d’entre elles, même avec une apparence

» chétive, ont en elles une force latente qui se révèle

» dans cette rude épreuve; loin d’en ressentir aucune

» fatigue, elles se développent, elles prennent plus

» d’embonpoint, plus de vigueur et de santé... Il est

» difficile de deviner à priori ce résultat.»

(RICHARD (de Nancy), p. 63.)

Lettre à une mère sur l'alimentation du nouveau-né

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