Читать книгу Lettre à une mère sur l'alimentation du nouveau-né - Achille Dehous - Страница 8
ОглавлениеDu Lait.
SOMMAIRE: Composition du lait. — Action physiologique de chacun de ses éléments. — Impossibilité de le remplacer par un autre liquide. — Différence de richesse entre le lait de femme, d’ânesse, de vache et de chèvre. — Lait de la première traite. — Conséquences relatives à la richesse du lait, à son altération par addition d’eau. — Différence d’acidité et d’alcalinité dans le lait de femme et celui de vache. — Modifications de ce dernier selon que l’animal est nourri avec des carottes, des betteraves ou du fourrage.
MADAME,
Avant d’arriver aux détails de l’allaitement, laissez-moi vous donner une idée générale, aussi simple que possible, sans enveloppe scientifique, du liquide auquel cette fonction doit son nom.
Le lait est un aliment type; il est le plus complexe de tous ceux que la nature peut nous fournir. Il contient en dissolution dans l’eau, du sucre, du caseum ou fromage, des substances salines, et en suspension une partie grasse, butyreuse, le beurre.
Or, vous saurez, Madame, que pas un de ces éléments n’est inutile. Chacun, dans la juste proportion qui lui est assignée, a son rôle à remplir.
Tous sont appropriés à la faiblesse des organes qui seront chargés de les élaborer. Ainsi le beurre est, de toutes les matières grasses, celle qui est le plus facilement assimilable.
La chaleur, si nécessaire au nouveau-né, lui est fournie par le sucre de lait, dont la combustion s’opère le plus aisément.
Le caseum ou la caséine qui fait la base des fromages, représente sa partie la plus nutritive. Cette matière animale a deux avantages: absorption prompte et complète d’un côté ; de l’autre, destruction lente et imparfaite.
La Providence a répondu ainsi à l’impérieux besoin de l’enfance: développement sans dépense.
Enfin les sels calcaires vont constituer la charpente osseuse et la consolider; les muscles reçoivent leur nourriture des sels de potasse et les sels de soude servent à former une partie du sang.
Où trouver, Madame, un aliment qui réponde aussi bien à tous les besoins du nouveau-né ?
Les arcanes de la science ou les artifices de l’industrie nous donneront-ils une boisson alimentaire qui remplisse un office aussi multiple?
Mais, me direz-vous, le lait des animaux, de la vache, par exemple, est ou doit être à peu près de même nature, de même composition que le lait de femme et alors l’un peut facilement remplacer l’autre?
C’est là une erreur trop généralement acceptée.
Il n’y a entre ces liquides que des points de rapprochement plus apparents que réels.
Si l’on y rencontre des produits identiques, quant à leur essence chimique, les proportions des différentes parties constituantes sont loin d’être exprimées des deux côtés par les mêmes chiffres.
Je n’entrerai point dans ces parallèles par trop scientifiques, et qui résultent des analyses faites par divers auteurs.
Je n’appellerai, Madame, votre attention que sur un seul détail qu’il vous sera très-facile de vérifier par vous-même.
Vous savez que nous jugeons en général de la qualité d’un lait par l’épaisseur de crême qui reste à sa surface, lorsqu’on l’a laissé reposer pendant un certain nombre d’heures. Or, voici ce que l’expérience a donné pour les laits de femme, d’ânesse, de chèvre et de vache.
Lait de femme......... 3 0/0.
Id. d’ânesse........... 1 ou 2 0/0.
Id. de vache et de chèvre. 10, 15 et même 20 0/0.
Notons en passant que, dans ce dernier cas, la première traite fournit de 5 à 10 0/0 au maximum.
Cette richesse moins grande du lait de vache et de chèvre, lors de la première traite n’est pas particulière à ces deux espèces. On la constate aussi chez la femme.
En effet, contrairement à ce qui arrive pour les autres sécrétions, plus le séjour du lait dans la glande mammaire est prolongé, plus il est aqueux et, par conséquent, moins riche et moins nutritif. On a cherché à expliquer le fait de plusieurs manières, mais ici, cela nous importe peu; il existe et cette notion nous suffit. De part et d’autre elle pourra être heureusement utilisée: nous en tiendrons compte en temps et lieu.
Ainsi, en mettant de côté le lait d’ânesse, qu’il est toujours très-difficile de se procurer, vous voyez que celui de la vache, employé le plus souvent dans l’allaitement artificiel, est au moins cinq fois plus riche que le lait de femme.
Le donner pur c’est donc quintupler les principes alimentaires confiés à l’organisme si faible de l’enfant et, de ce surcroît de besogne, d’approvisionnement, devra résulter une série d’accidents que je vous signalerai en parlant du biberon.
D’un autre côté, si vous cherchez à diminuer la richesse du lait par une addition d’eau ou de tout autre liquide, vous bouleversez, vous détruisez l’harmonie existant entre les différentes parties qui le composent.
Vous obtenez ainsi un breuvage artificiel, sans nom, et j’oserai dire aussi sans but, puisque les éléments qu’on y trouve sont loin d’être en rapport avec les exigences physiologiques du nouveau-né.
Prenons pour exemple certain phénomène chimique que vous saisirez parfaitement.
Le lait de vache est presque toujours acide, même quand le veau tette encore, ce qui est une exception.
S’il est parfois alcalin, il ne l’est que bien faiblement.
Chez la femme au contraire, il est toujours franchement alcalin. Or, l’acidité du lait est une condition défavorable pour le travail de la digestion.
Du reste, le lait de vache en général n’est qu’un lait artificiel, puisque nous l’obtenons de l’animal en dehors du temps de l’allaitement. C’est peut-être aussi un motif pour qu’il soit mal digéré.
Que deviennent ensuite, dans cette espèce de brassage, de fabrication du lait, les doses de beurre, sucre, caséine, etc., qui ont toutes leur raison d’être et qui s’adressent chacune à l’un des tissus ou à l’une des fonctions de l’économie?
Vous comprendrez facilement, Madame, combien toutes ces différences sont de nature à nuire à la santé de l’enfant.
Faisons remarquer, en prévision d’un allaitement artificiel forcé, inévitable, que les vaches nourries de carottes fournissent un lait léger et assez facile à digérer.
Les betteraves donnent naissance à un lait très-substantiel et très-riche; les fourrages produisent un liquide intermédiaire.
Ce qui précède plaide en faveur de l’allaitement naturel ou par la femme.
Voyons maintenant, dans les conditions de ce dernier, les diverses modifications que le lait peut présenter.
Ce sera le sujet de notre prochaine causerie.
Daignez agréer, etc.
«N’oublions pas que le lait se forme aux dépens du
» sang et que la composition de ce dernier ne varie guère
» par le fait du régime alimentaire, quelle qu’en soit la
» nature, pourvu que l’estomac digère bien la nourriture
» qui lui est confiée.
» L’estomac est un véritable creuset dans lequel les
» aliments les plus variés subissent une métamorphose
«complète.»
(Dr BERGERET, p. 157.)
» Je connais bien peu d’aliments qu’on doive refuser
» aux nourrices: les farineux et la salade même n’ont
» pas tous les inconvénients qu’on leur attribue.»
(Dr LE BARILLIER, p. 41.)
«Aucune substance alimentaire n’a la propriété de
» rendre le lait plus abondant chez les femmes, pas plus
» que d’en diminuer la quantité. Tout se réduit pour les
» nourrices comme pour tout le monde à bien digérer
» ce qu’on mange et à ne pas manger avec excès.»
(DONNÉ, p. 157.)
«Un lait médiocre peut, il est vrai, nourrir suffisam-
» ment l’enfant: ses chairs seront grasses, il grandira,
» mais il restera apathique et souvent débile.»
(DÉCLAT, p. 19.)