Читать книгу Lettre à une mère sur l'alimentation du nouveau-né - Achille Dehous - Страница 9
ОглавлениеDu Lait (suite).
SOMMAIRE: Variations du lait relativement à la mère et à la nourrice. — Caractères de pauvreté ou de richesse du lait. — Deux moyens simples de les reconnaître: 1° lait dans une cuillère; 2° lait dans le lactomètre Donné, ou comparé avec le lait de vache dans deux verres de même capacité. — Apparence du lait pour juger de sa richesse. — Particularités à signaler dans la relation de l’abondance et de la rareté avec la richesse et la pauvreté. — Conséquences à en déduire pour la pratique. — Bien rendant, bien venant. — Peut-on apprécier la quantité de lait fourni par une mère ou une nourrice? — Satisfaction de l’enfant. — Son développement constaté au besoin par la pesée. — Aliments qui produisent beaucoup de lait. — Réputation de la bière, dans le Nord, à ce sujet. — Tout aliment bien digéré fait du lait. — Ce qui est vrai pour la quantité, l’est aussi pour la qualité. — Effets nuisibles à la santé de l’enfant, de la présence du sang et du pus, surtout, dans le lait. — Influence de la menstruation sur la qualité du lait. — Elle est toujours fâcheuse, mais elle est loin d’avoir une grande importance. — Age du lait pour les nourrices. — Deux à six mois. — Inconvénients s’il est plus jeune ou plus vieux.
MADAME,
Parmi les variations du lait dont nous aurons à parler, il en est que nous examinerons tout aussi bien chez la mère que chez la nourrice.
D’autres, au contraire, ont trait exclusivement à cette dernière.
Je vous rappellerai d’abord celle que je vous ai mentionnée déjà dans ma précédente lettre et qui se résume ainsi:
Le lait est d’autant plus pauvre, plus aqueux qu’il a séjourné plus longtemps dans les mamelles.
Viennent maintenant celles qui constituent les caractères de sa pauvreté ou de sa richesse.
Quels sont les moyens de les reconnaître?
Des instruments plus ou moins compliqués, des procédés plus ou moins difficiles à exécuter ont été mis en avant, sans que les différentes solutions aient pleinement satisfait les praticiens.
Aussi ne vous en donnerai-je que deux très-simples, à la portée de tout le monde.
1° Mettre une goutte de lait sur une cuillère et voir s’il coule avec facilité ou s’il reste en masse, adhérent au métal, comme le ferait une goutte d’huile.
Dans le premier cas, c’est un lait pauvre.
2° Laisser déposer du lait dans un lactomètre Donné à cent divisions et voir s’il y a le lendemain, deux ou trois divisions occupées par la crème.
Le lactomètre en question est un instrument peu coûteux, qu’on peut se procurer facilement, et, dans tous les cas, votre Médecin en aura sans doute un à votre disposition.
Au surplus, on le remplace très-bien par deux réservoirs transparents, de même forme et de même capacité, deux verres de table, par exemple. On les emplit de lait de femme et de lait de vache, et en se rappelant qu’il doit y avoir trois degrés d’épaisseur d’un côté et dix ou quinze de l’autre, on détermine approximativement la richesse du produit sécrété par le sein d’une mère.
Pour faire cette expérience, on recueille une certaine quantité du liquide nourricier au moyen de la téterelle de Tier.
Si l’on veut un résultat plus prompt, on se contentera d’examiner l’apparence du lait.
Il est riche, quand il est consistant, jaunâtre; il est pauvre, au contraire, lorsqu’il est aqueux, d’un blanc mat, azuré.
Je ne vous parle pas du goût qui n’est, lui aussi, qu’un appréciateur fort inexact, malgré toute l’importance que les gardes lui accordent.
Remarquez, Madame, que ces caractères, richesse ou pauvreté, ne concordent pas toujours avec deux autres, abondance et rareté.
Ainsi l’abondance peut coïncider avec la pauvreté du lait, qui est alors séreux et peu nutritif.
Mais souvent la pauvreté et la rareté marchent ensemble.
Cette dernière cependant se rencontre avec la richesse.
Voici les conséquences à tirer de tous ces documents, pour la pratique:
Un lait riche et rare nourrit incomplètement, mais ne nuit pas.
Un lait pauvre, fût-il abondant, est nuisible.
Quand le lait est riche et abondant, si l’on n’y prend garde et si l’on n’observe les précautions que j’énumèrerai plus loin, il devient une nourriture trop substantielle qui porte de graves atteintes à la santé de l’enfant. Heureusement, par une sage prévoyance de la nature, l’estomac ne conserve en général que la quantité qu’il est capable d’élaborer et rejette l’excédant.
De là cet axiôme populaire qui est vrai: Bien rendant, bien venant.
Cette surabondance d’alimentation serait une nouvelle preuve, si nous en manquions, de l’aveuglément qui préside aux actes des mères et des nourrices, dont la plupart ne savent pas régler le temps pendant lequel l’enfant peut rester au sein.
Une question m’est quelquefois posée par mes clientes, et elle sera venue bien certainement à votre esprit.
Peut-on apprécier la quantité de lait fournie par une mère ou une nourrice?
Cela est très-difficile, car la quantité n’est nullement en rapport avec le volume des mamelles.
D’après M. le professeur Natalis Guillot, il faudrait un litre de lait par jour pour le nouveau-né.
On juge approximativement de la quantité par la satisfaction qu’éprouve l’enfant, chaque fois qu’il a fini de têter.
Il ne crie plus, ne cherche plus le mamelon en ouvrant là bouche et en faisant avec les lèvres des mouvements de succion.
Il est aisé d’ailleurs de s’assurer que le nouveau-né croît et se développe: cela démontre que la quantité de lait suffit.
Dans le cas de doute, une pesée, répétée tous les huit jours, permettrait de reconnaître positivement si l’alimentation ne fait pas défaut.
Maintenant, quelles sont les boissons, quels sont les aliments à prendre de préférence pour avoir beaucoup de lait? Ma réponse est bien simple.
Tout aliment liquide ou solide, bien digéré, apporte à la sécrétion lactée ce qui lui est nécessaire. La bière jeune a, dans notre pays, une réputation exagérée. En Picardie, en Normandie, on boit principalement du cidre et je ne sache pas qu’en Bourgogne l’usage de notre boisson du Nord soit très-répandu. Cependant ces trois provinces sont renommées pour leurs nourrices.
Ce que je viens de dire de la quantité, s’applique également à la qualité.
Aussi, Madame, croyez-moi, consultez vos goûts, les dispositions parfois capricieuses de votre estomac et ne craignez pas de les respecter. Ne bannissez pas de votre table certains mets, tels que salade, potages maigres, etc., sévèrement défendus parles gardes et les bonnes femmes.
Ne vous en abstenez qu’autant qu’ils s’écartent de cette vérité énoncée plus haut: tout aliment bien digéré donne du lait.
J’aurai à revenir sur ces détails à propos du régime de la nourrice.
Lors de l’allaitement, les mamelons sont le siège de déchirures, d’excoriations, désordres fréquents, mais non sérieux.
Il n’en est pas de même des crevasses proprement dites, gerçures ou fissures plus ou moins profondes, très-douloureuses pour la mère et fournissant un écoulement sanguin ou purulent.
Parfois des abcès sont la conséquence de ces lésions.
Or, le lait peut être altéré par le sang et par le pus; dans ces deux cas, surtout dans le dernier, il faut cesser l’allaitement.
Un pareil fait occasionnerait des accidents très-graves chez les nouveaux-nés. M. le professeur P. Dubois a constaté l’invasion d’abcès, de gangrène dans différentes parties de l’économie, par suite de cette cause infectante.
Je traiterai, Madame, pour terminer, deux points qui concernent spécialement les nourrices.
1° Quelle est l’influence de la menstruation sur la qualité du lait?
Ici encore les solutions sont loin d’être identiques.
Cependant, le lait ne paraît subir que des modifications insignifiantes.
Seulement, aux époques menstruelles, le système nerveux, les appareils de la digestion, de la respiration et de la circulation accusent des troubles variables. Le retour de cette fonction sera donc un signe fâcheux en raison du retentissement qu’il aura sur la santé générale.
M. Cazeaux pense que l’enfant est prédisposé au rachitisme, parceque le sang des règles enlève une portion du phosphate de chaux qui devrait rester dans le lait, en vue de la consolidation des os. Il faut pourvoir à ce déficit par une nourriture appropriée et la semoule Mouriès remplit parfaitement le but.
Enfin, la réapparition des menstrues est souvent l’indice que le lait peut diminuer ou tarir de bonne heure.
En résumé, il est plus avantageux qu’une nourrice ne soit pas dans ces conditions; mais, lorsqu’elle satisfait sous d’autres rapports et qu’elle est réglée, si l’enfant vient bien, ce n’est pas un motif pour la renvoyer.
Cette particularité de la manifestation des règles pendant l’allaitement n’intéresse point la mère; elle l’avertit seulement qu’elle est plus apte à concevoir.
2° Relativement à l’âge du lait, et par âge je désigne le temps qui s’est écoulé depuis l’accouchement de la nourrice, on croit à des difficultés qui, au fond, n’existent pas.
Une femme, accouchée de deux à six mois, est celle qui se trouve dans les limites les plus convenables.
Plus tôt, on ne serait pas toujours certain qu’elle continuera à avoir du lait en abondance.
Plus tard, il faudrait se demander si elle sera capable de nourrir assez longtemps pour mener l’enfant à l’époque ordinaire du sevrage. Le lait pourrait manquer.
Nous reprendrons, Madame, les notions renfermées dans ces deux lettres, quand nous aurons à en faire l’application pratique.
Daignez agréer, etc.
«Il est bon d’observer que le lait maternel étant, par
» la consanguinité même, le mieux approprié à la cons-
» titution du nouveau-né, c’est toujours à lui qu’il faut
» donner la préférence.
» Allaiter elle-même son enfant est, à nos yeux, pour
» une mère un devoir sacré que d’impérieuses circons-
» tances doivent seules empêcher de remplir.»
(Dr DELABARRE, p. 9.)
«Mieux vaut à l’enfant le sein d’une mère de force
» moyenne que celui d’une mercenaire robuste.»
(Michel LÉVY, t. II, p. 132.)
«Une nourrice est une nécessité qu’il faut savoir ac-
» cepter, mais non choisir de préférence, quand aucune
» raison importante ne nous l’impose.»
(DONNÉ, p. 61.)
«Les avantages de l’allaitement maternel sont si
» grands, si nombreux, si variés, qu’ils rachètent bien
» des imperfections de celle qui s’y livre.»
(Dr LÉGER, p. 158.)
«Heureuse la femme sensée, libre et saine, qui peut
» accepter et remplir lès devoirs que lui a imposés la na-
» ture; elle n’aura pas à partager avec une étrangère
» les premières caresses de son enfant; c’est elle seule
» qu’il appellera du doux nom de mère; son premier
» sourire sera pour elle et la nature a fait de ce premier
» sourire le prix le plus doux des souffrances et des soins
» de la maternité.»
(Mme CAMPAN. — De l’Education).
«Sa mère voulut la nourrir et rien n’était perdu pour
» les yeux et pour le cœur de ces progrès charmants de
» l’enfance, qui se développe et se déchiffonne, pour
» ainsi dire, comme un bouton de rose sous le souffle
» du matin.»
(J.-T. DE ST-GERMAIN. — Mignon, p. 73.)