Читать книгу Lettre à une mère sur l'alimentation du nouveau-né - Achille Dehous - Страница 5
ОглавлениеJalons de la Correspondance.
SOMMAIRE. — Division du sujet. — Marche à suivre. — On ne négligera aucun détail, fût-il minutieux, s’il a une utilité pratique. — L’alimentation a, dans l’hygiène en général, des adjuvants dont il faut nécessairement tenir compte. — La pratique sera le seul guide. — Rien ne concernera spécialement notre correspondante. — Tout devra être accepté à titre de généralité. — Avant toute considération, il faut veiller sur la mère et sur l’enfant. — La mère ne peut que savoir gré de cette vigilance. — Importance de cette question justifiée par un assez grand nombre de travaux récents. — Accord général des Médecins sur ce point. — Quelques rares exceptions à signaler.
MADAME,
Votre mari vient de m’annoncer une nouvelle qui doit vous rendre bien heureuse. Dans quelques mois vous serez mère.
Charles n’a point oublié notre vieille amitié, et il me prie de diriger votre inexpérience dans cet apprentissage de la maternité que vous allez bientôt faire.
Je le remercie, Madame, de ce bon souvenir et de cette démarche. Homme d’un sens droit et juste, il ne veut pas qu’à l’exemple de beaucoup d’autres, vous vous avanciez en tâtonnant au milieu des ténèbres, sans jamais savoir si la voie que vous suivrez est bien celle qui vous conduira à l’objet de tous vos vœux: la santé de votre enfant.
Je ne saurais donc trop le féliciter d’avoir songé à votre éducation de nourrice, et très-honoré du mandat qu’il me confie, je m’empresse de mettre à votre service tout ce que mes études et mon expérience personnelle ont pu me faire acquérir sur l’alimentation du nouveau-né.
Il me serait impossible de répondre dans une seule lettre aux nombreuses questions qui me sont posées.
Un pareil laconisme ne serait point en rapport avec l’importance du sujet. J’ai préféré traiter séparément chacun des points et je compte avoir terminé le travail que cet examen nécessitera avant la fin de votre grossesse.
Permettez-moi donc, Madame, je vous prie, de vous adresser un certain nombre de missives où je relaterai successivement les détails sur lesquels vous tenez, avec tant de raison, à être renseignée et éclairée.
Ne fût-ce que pour leur but, je suis persuadé qu’elles seront lues avec toute la religion dont le cœur d’une future mère est capable, et aussi avec le désir fervent de mettre en pratique les principes qui y seront exposés.
Charles se fera un plaisir de vous relire et de commenter avec vous les passages principaux. Ce sera là un très-bon moyen de les posséder complètement et d’en rendre l’application plus facile.
L’amour maternel et l’amitié sont les deux motifs qui ont amené cette correspondance. Ma plume ne pouvait donc marcher sous de meilleurs auspices.
Sans assigner à mes lettres des divisions exactes, car je ne connais pas à l’avance l’extension que je donnerai à chacune d’elles, je crois cependant pouvoir adopter les jalons suivants:
1° Importance de l’allaitement;
2° Du lait;
3° De l’allaitement maternel envisagé pendant la grossesse (hygiène de la femme enceinte), et après l’accouchement;
4° De l’allaitement par une nourrice sédentaire, interne ou sur lieu;
5° De l’allaitement par une nourrice externe, à la campagne;
6° De l’allaitement par un animal (chèvre). — De l’allaitement artificiel (biberon, petit pot, etc.);
7° Du sevrage;
8° Des vêtements, du berceau et de l’hygiène du nouveau-né ;
9° Coup d’œil général sur les petits accidents qui peuvent altérer la santé du nouveau-né ;
10° Aperçu sur l’hygiène de la première enfance.
D’après cet exposé, vous voyez, Madame, que je ne ferai point partir la question de l’allaitement du jour même de l’accouchement. Déjà, au contraire, j’y songerai pendant la grossesse, afin de ne pas être pris plus tard à l’improviste.
Ensuite je surveillerai l’enfant dès sa naissance et le suivrai jour par jour, heure par heure, dans toutes les péripéties que sa frêle existence pourra nous offrir pendant cette quasi-préface de la vie.
Tout est dans tout, a-t-on dit; aussi ne négligerai-je point les détails les plus puérils si je puis leur trouver quelque caractère d’utilité. En un mot, Madame, je guiderai pas à pas votre sollicitude maternelle et je ferai tous mes efforts pour que cette dernière trouve, dans mes lettres, réponse ou explication pour tous les incidents qui viendraient à surgir en ce qui concerne l’alimentation du nouveau-né.
Or, celle-ci constitue une question très-complexe autour de laquelle viennent se placer, comme satellites, des corollaires d’une importance incontestable.
En effet, parler de l’alimentation de l’enfant, sans m’occuper des conditions d’hygiène dans lesquelles il doit se trouver, quant à la propreté, à l’exposition, à l’air, etc., ce serait ne tenir aucun compte de l’influence de ces excitants naturels sur l’accomplissement des fonctions digestives. Ce serait morceler un sujet dont la physiologie et l’hygiène nous prescrivent de respecter l’ensemble.
Je me garderai donc de commettre cette faute, et je vous parlerai assez longuement même, de la toilette et des promenades de votre nourrisson.
Dans ce qui va suivre, je ne me laisserai aller à aucune idée de système, de parti pris; je n’aurai pour guide que l’enseignement de l’expérience et de la pratique. Bien décidé à ne faire aucune espèce de concession quand il s’agira de choses utiles, indispensables, je montrerai cependant moins d’exigence et serai au contraire d’un commerce très - facile quand les faits en litige ne seront que d’un intérêt secondaire. Ma devise sera toujours le salut de la mère et celui de l’enfant. Notre devoir en effet est de viser constamment à cet heureux résultat, en ne demandant à l’organisme de l’un et de l’autre que ce qu’il est capable de donner.
Ainsi, ne vous attendez pas, Madame, à trouver dans ces lettres le rigorisme philosophique de J.-J. Rousseau. Vous n’y trouverez pas non plus son talent.
Sans aucun doute, les règles générales sont bonnes à établir, mais leur application se trouve souvent en présence de cas exceptionnels qu’il ne nous est pas permis de négliger et pour lesquels il faut chercher une solution satisfaisante.
C’est ce que je m’efforcerai de faire toutes les. fois que l’occasion se présentera.
Les citations que j’ai mises sous forme d’épigraphes, vous donneront la matière de la correspondance du jour, et pour vous permettre de résumer chaque lettre après l’avoir lue, j’y joindrai un court sommaire qui, dans peu de lignes, en reproduira la substance.
J’appellerai votre attention, Madame, sur quelques remarques sérieuses dont vous reconnaîtrez la justesse.
Charles me dit que vous avez une bonne constitution et que vous jouissez habituellement d’une excellente santé.
Mais comme je n’ai pas l’honneur de vous connaître, je suis obligé de tout prévoir et je dois vous avertir que je resterai toujours dans le domaine des généralités.
Rien ne vous concernera donc personnellement.
Il en sera du moral comme du physique.
Certaines faiblesses seront signalées dans ce cadre; quelque rares qu’elles soient, on les rencontre cependant. Je n’ai donc pu les passer sous silence, mais je les exposerai avec franchise et vérité.
Avant toute autre considération, je veux être utile.
La crainte de désobliger une mère doit céder le pas à la volonté bien arrêtée de veiller sur elle et sur son enfant.
Et d’ailleurs, pourriez-vous jamais, Madame, me faire un crime de cette sollicitude et vous offenser de mon langage qui vient répondre sans vernis, sans fard, mais avec conviction et sincérité, aux questions que vous avez bien voulu me poser?... Non, évidemment.
Mère avant d’être femme, ne verrez-vous pas que mon véritable but n’est pas de capter faussement votre bienveillance par une adhésion complaisante et coupable, mais bien de conserver à vos caresses cet enfant né d’hier et qui occupe déjà tout votre cœur?...
Loin de me garder rancune, ne penserez-vous point au contraire que la reconnaissance est seule digne et capable d’accueillir l’accomplissement de ce devoir et de récompenser un pareil service?... Je vois naître sur vos lèvres quelques paroles pleines de douceur et de bonté qui viennent témoigner de vos remerciements... Je ne m’étais point trompé.
Quoiqu’il en soit, ayez l’obligeance de ne pas vous appliquer la moindre de mes réflexions, car, je le répète, je ne fais l’histoire d’aucune individualité.
Ce que je viens de dire plus haut relativement à la santé de la mère, s’adresse aussi à l’enfant qui peut arriver au monde, faible ou robuste, particularité que nous ignorons à l’avance. Il n’appartient qu’à votre accoucheur, Madame, de juger ce qui vous conviendra à tous les deux. Mon rôle de consultant éloigné se réduit à confirmer les sages conseils que ce praticien ne manquera pas de vous donner.
S’il est des cas en médecine où les opinions soient loin de s’accorder, cela n’arrive pas pour le sujet actuel. Nous sommes tous ici du même avis.
Vous pourrez jeter un coup d’œil, Madame, sur l’Index bibliographique qui accompagnera ces lettres et vous acquerrez la certitude que l’immense majorité des médecins est pénétrée de l’utilité des réformes à apporter et s’efforce d’imprimer à l’alimentation du nouveau-né une meilleure direction.
En effet, sur ce petit coin du terrain de la science médicale, nous ne comptons pas moins de cinq publications nouvelles de 1855 à 1859 (BERGERET, LE BARILLIER, GUIET, DÉCLAT et CARON), en négligeant même les travaux de la presse périodique. Le mal est donc général, puisqu’on l’attaque ainsi tout à la fois, à Arbois, à Bordeaux, au Mans et à Paris.
Quelques retardataires persistent néanmoins à rester dans l’ornière où ils se sont engagés. Ils font parade d’un nombre très-respectable d’années de pratique et, s’en rapportant à leur seule expérience, ils continuent à suivre comme le dernier mot de nos connaissances, les errements que nous devrons combattre. Ils eussent été bien mieux inspirés et eussent au moins donné des preuves de jugement et de bonne observation si, depuis longtemps déjà, ils avaient fait table rase de ces absurdités qui encombrent le berceau du nouveau-né.
Mais ne prêchons point dans le désert et tachons au contraire, en prévoyant toutes les circonstances particulières qui peuvent se présenter, de répondre aux mille et une questions que les clientes ont l’habitude de faire à leur accoucheur.
Daignez agréer,
Madame,
l’hommage de mon respectueux dévouement.
«Élevez vos jeunes filles dans l’observation de ces
» bonnes et saines pratiques et bientôt toutes ou presque
» toutes s’y résigneront; elles y trouveront une satis-
» faction bien légitime, une véritable récompense dans
» la santé de leurs enfants.
».......... De cette alimentation dépendent la santé
» du nourrisson et la constitution à venir de l’homme
» social, du citoyen appelé à donner à la société sa part
» d’intelligence et d’activité, à l’Etat son appui et son
» concours.»
(Dr CARON, p. 56 et 103.)
«Heureux l’enfant qui puise sa première nourriture
» au sein de la mère ou d’une bonne nourrice; la santé
» et la vigueur deviennent son partage pour le reste de
» sa vie.»
(HUFELAND, p. 482.)
«Mais à la vérité, je n’y entends sinon cela que la
» plus grande difficulté et importante de l’humaine
» science, semble estre en cet endroict où il se traicte de
» la nourriture et institution des enfants.»
(MONTAIGNE.)