Читать книгу Le Théâtre de Saint-Cyr (1689-1792) : d'après des documents inédits - Achille Taphanel - Страница 10
Les classes.
ОглавлениеLes Demoiselles étaient partagées en quatre classes, que l’on distinguait par la couleur du ruban: les toutes petites filles portaient des rubans rouges; celles des autres classes en portaient successivement de verts, de jaunes et de bleus. On choisissait en outre vingt Demoiselles, parmi les meilleures de la classe bleue, à qui l’on donnait le ruban noir. Celles-ci avaient rang, comme nous l’avons dit plus haut, de quatrièmes maîtresses; elles occupaient une salle particulière et pouvaient aller seules dans la maison. On les attachait ordinairement aux Dames en charge, telles que l’infirmière, la lingère, la dépositaire, l’économe, pour les aider dans leurs offices. Il y avait enfin dix Demoiselles décorées du ruban couleur de feu, et qui méritaient, par la perfection de leur conduite, d’être appelées les filles de Madame de Maintenon.
Chaque classe était gouvernée par quatre Dames. Les élèves se groupaient par bandes ou familles et travaillaient à des tables séparées. Chacune de ces bandes se composait généralement de neuf Demoiselles. Les trois plus sages dirigeaient et surveillaient les autres: la première comme chef, la seconde comme aide, la troisième comme suppléante.
Les classes de la maison royale de Saint-Cyr ne ressemblaient en rien, même pour la disposition intérieure, à celles de nos pensionnats modernes.
L’été, elles étaient fraîches et gaies: on pouvait voir par les fenêtres ouvertes les fleurs et les jets d’eau des jardins. L’hiver, un grand feu flambait dans une large cheminée, autour de laquelle les jeunes filles venaient s’asseoir pour lire ou broder. Les sièges étaient, non pas des bancs, mais des tabourets de moquette ou de tapisserie. Sur la cheminée un tableau de piété, un crucifix, ou même, plus tard, après la mort de la fondatrice, un portrait de Madame de Maintenon «en sainte Françoise.» Les rideaux des fenêtres étaient de serge pour l’hiver et de toile pour l’été.
Chaque groupe ou famille d’élèves avait sa table de travail à tiroirs, ses boîtes de jeux, ses damiers, ses totons «pour jouer à la ressource, » une provision de papier et de plumes, une écritoire, une boîte à poudre,
Les murs étaient tendus de belles tapisseries, dites tapisseries de Bergame, et garnis d’estampes, d’images pieuses, de figures héraldiques pour l’étude du blason, et de cadres dans lesquels on affichait diverses prescriptions sous ces titres: Soins des Dames; Soins des Demoiselles.
Le reste du mobilier consistait en un ou plusieurs bureaux à guichets et des chaises en bois tourné à l’usage des maîtresses; vingt-quatre pupitres pour la musique; «une table pour relier, avec les choses nécessaires,» un globe pour la géographie, «une tête de bois, avec ou sans visage,» des tablettes pour mettre les manchons, un dévidoir, des flambeaux, des lampes, etc.
Chaque classe avait sa bibliothèque particulière contenant quelques-unes des tragédies imprimées ou manuscrites qui constituaient le répertoire du théâtre, et qu’on appelait les Tragédies de la maison: Esther, Athalie, Jephté, Absalon, Gabinie, etc.; les Conversations et les Instructions de Madame de Maintenon, les Quatrains de Pibrac, et surtout l’Introduction à la vie dévote, que l’on regardait à Saint-Cyr comme le livre par excellence; enfin, plusieurs recueils de musique religieuse et même quelques morceaux choisis des opéras de Quinault.
Les maîtresses étaient dépositaires d’un certain nombre d’objets, tels que des croix d’argent portant la lettre initiale de la classe; une croix spéciale pour «la Maintenon», c’est-à-dire pour la plus sage et la plus instruite; des gants, des pièces de ruban de la couleur de la classe; enfin plus de soixante-cinq clefs, parmi lesquelles nous remarquons celle de la prison, celle de «l’armoire où sont les jeux» et celle du théâtre.
Les cahiers où sont inscrits les inventaires des classes datent de la fin du XVIIIe siècle: on le reconnaît aisément à l’écriture, à l’orthographe, et aux ramages de la couverture. Mais le mobilier n’avait certainement pas été renouvelé depuis Madame de Maintenon. On lit dans les Mémoires des Dames que, cinquante ans après la fondation, une partie du linge donné à la maison par Louis XIV servait encore.