Читать книгу Le Théâtre de Saint-Cyr (1689-1792) : d'après des documents inédits - Achille Taphanel - Страница 3

PRÉFACE.

Оглавление

Table des matières

On a beaucoup parlé du Théâtre de Saint-Cyr: personne n’en a écrit l’histoire.

M. le duc de Noailles, dans son magnifique ouvrage sur Madame de Maintenon, M. Lavallée, dans son livre sur la maison de Saint-Louis n’ont eu garde d’oublier les grandes représentations d’Esther et d’Athalie; mais ils n’ont pu leur accorder que fort peu de place, la vie et l’œuvre de la fondatrice de Saint-Cyr ayant été l’objet principal de leurs travaux. Ainsi, même après eux, l’étude que nous entreprenons restait à faire, et nous avons cru pouvoir, sans trop d’audace, aborder un sujet qu’ils n’ont point traité.

Le théâtre de Saint-Cyr est une des curiosités du règne de Louis XIV; il a fait parler de lui dans l’Europe entière; il a eu pour auditoire l’élite de la cour de France, c’est-à-dire la société la plus délicate, la plus lettrée et la plus polie qu’il y ait eu en aucun temps; Racine a écrit à son intention deux chefs-d’œuvre, les plus parfaits peut-être de la langue française; le grand poète s’est fait le régisseur de ce théâtre en miniature, distribuant les rôles, règlant la mise en scène, dirigeant et surveillant les répétitions. Les actrices instruites par lui dans l’art de la Champmeslé qu’il connaissait si bien, surpassèrent, dit-on, en grâces et en talent la Champmeslé elle-même. Jamais l’hôtel de Bourgogne, jamais le Théâtre-Français dans. toute sa gloire n’avaient réuni un personnel plus choisi, plus discipliné, plus séduisant. Louis XIV, bien que les années l’eussent rendu sage, n’était certes pas insensible à l’attrait de ces beautés naissantes, de ces «jeunes et tendres fleurs», comme dit Esther, merveilleux produits d’une culture raffinée et savante, en qui se remarquait un piquant mélange de distinction et d’innocence, de coquetterie et de candeur. Il écoutait avec ravissement ces belles jeunes filles chantant et déclamant des vers remplis de ses louanges, et son orgueil blasé trouvait une jouissance nouvelle dans ces caresses d’une poésie ingénieuse dédiée et consacrée à lui seul.

Voilà pourquoi Saint-Cyr obtint tant de faveur et tant de vogue, pourquoi il devint en quelque sorte une annexe de Versailles, une succursale de Marly et de Fontainebleau. Il ne conserva pas, il est vrai, ce caractère pendant la période exclusivement dévote qui marque la fin du grand règne; mais il le retrouva plus tard en partie.

Nous raconterons dans ce livre, l’origine, la fortune et la passagère disgrâce du théâtre de Saint-Cyr; nous le montrerons de nouveau florissant au XVIIIe siècle, célébré dans les salons et dans les journaux, fréquenté par la Cour, et ne disparaissant qu’avec Saint-Cyr même dans la tourmente révolutionnaire.

Les archives de la préfecture de Versailles où se trouve la plus grande partie des papiers et des registres de la maison royale de Saint-Louis nous ont fourni les principales sources de ce travail. Nous y avons découvert, ou, pour mieux dire, le savant archiviste M. Gustave Desjardins qui nous guidait dans nos recherches avec la plus obligeante bonté, a découvert pour nous un certain nombre de documents très-curieux et pour la plupart inédits, tels que l’inventaire général du mobilier à l’aide duquel nous avons pu donner une exacte description des classes et du théâtre, les dossiers des Demoiselles, les lettres patentes de Louis XIV, et surtout les livres de dépenses des dames de Saint-Louis, vingt-et-un volumes in-folio, que nous avons dépouillés en entier, et où nous avons trouvé les plus précieuses indications pour l’histoire du théâtre de Saint-Cyr au XVIIIe siècle. Ces documents ont fait revivre à nos yeux dans ses moindres détails l’Institut de Saint-Louis: tout, matériel et personnel, nous y est devenu familier; nous avons parcouru les jardins, les quinconces, l’orangerie, les cloîtres, la chapelle, la bibliothèque et les parloirs; nous connaissons par leurs noms, à toutes les époques, non seulement les dames en charge, mais encore toutes les personnes attachées à l’administration ou même à la domesticité de la maison: M. Astruc, l’intendant, M. Coqueret, le maître de danse, le cuisinier Laïssus. le jardinier Deschamps, Saint-Louis le cocher, et Pidoux le suisse.

Nous n’avons utilisé qu’une faible partie de ces innombrables renseignements, ne voulant point élargir outre mesure le cadre que nous nous étions tracé. Cependant nous avons cru devoir publier ici, en appendice, la liste complète des jeunes filles sorties de Saint-Cyr. Un avertissement spécial, placé en tête de cette liste, indique de quelle façon elle a été établie. La plupart des noms qui s’y trouvent ont reparu et reparaissent chaque année encore dans le Saint-Cyr moderne; on aime à les retrouver là : ils y évoquent de charmants souvenirs, ils y sont comme un écho du passé.

Nous avons recherché vainement dans les archives de la préfecture de Versailles le plan original du théâtre de Saint-Cyr. Celui que nous donnons a été restitué approximativement quant aux détails, mais exactement dans l’ensemble, à l’aide des Mémoires des Dames, et d’après l’examen attentif des lieux.

Nous avons mis en tête de ce volume un portrait inédit de Madame de Maintenon. C’est la reproduction par l’eau-forte d’une miniature à la gouache, de la fin du XVIIe siècle, ayant appartenu à Louis XIV qui la portait habituellement sur lui, et représentant la fondatrice de Saint-Cyr dans le costume connu du tableau de Mignard. Après la mort du Roi, Madame de Maintenon emporta ce médaillon à Saint-Cyr où il fut conservé jusqu’à la Révolution. L’une des dernières dames de Saint-Louis, madame de Villefort le légua à madame de Gersant dans la famille de qui il est encore.

On nous permettra de remercier ici M. Léon de La Sicotière, ancien député de l’Orne, aujourd’hui sénateur, de l’intérêt qu’il a bien voulu prendre à notre travail et du gracieux témoignage qu’il nous en a donné en nous signalant l’existence de cette belle miniature dont il possédait une photographie .

Le propriétaire actuel du médaillon, M. le vicomte de la Rivière, habite le département de l’Orne; nous lui avions demandé de vouloir bien permettre que M. Waltner, à qui la photographie ne suffisait pas, allât consulter l’original chez lui: il nous a répondu qu’il ne voulait point que l’habile graveur fit le voyage du Perche, et il a envoyé immédiatement à Paris le précieux portrait dans son cadre d’or.

Il nous est pénible de ne pouvoir reconnaître autrement que par de vaines protestations de gratitude un service rendu de cette façon, mais M. de la Rivière s’estimera assez récompensé, nous en sommes sûr, en admirant l’œuvre fine et charmante qui doit le jour à son exquise obligeance.

A. T.

Mars 1876.

Le Théâtre de Saint-Cyr (1689-1792) : d'après des documents inédits

Подняться наверх