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Astronomie moderne.

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On a fait dans la seconde partie du XIXe siècle des découvertes qui ouvrent des horizons tout nouveaux sur le monde astronomique, et que l’on ne peut comparer, comme importance, qu’à la découverte du télescope, il y a plus de deux siècles.

Pendant plus de deux mille ans, l’ancienne astronomie fut simplement mécanique et mathématique, restant limitée à l’observation et au mesurage des mouvements apparents des corps célestes, ainsi qu’à l’essai de déduire, à l’aide de ces mouvements apparents, les mouvements réels, et, par suite, la structure actuelle du système solaire.

Le progrès commença lorsque Képler établit ses trois fameuses lois; et, plus tard, lorsque Newton montra que ces lois étaient les conséquences nécessaires de la loi de la gravitation; les savants et mathématiciens prouvèrent, à leur tour, que chaque nouvelle irrégularité dans le mouvement des planètes s’explique par l’application plus exacte des mêmes lois; ce fut alors que cette branche de l’astronomie atteignit son apogée et ne laissa, pour ainsi dire, plus rien à désirer.

Puis, à mesure que le télescope se perfectionna, l’intérêt se fixa sur la surface des planètes et de leurs satellites, qui furent examinés avec la plus grande attention, afin d’arriver à connaître leur constitution physique et leur histoire passée. Une étude également minutieuse fut consacrée aux étoiles et aux nébuleuses, à leur distribution et à leur groupement; on fit des cartes célestes et des astronomes enthousiastes répandirent dans le monde entier des catalogues compliqués.

D’autres se vouèrent à la tâche laborieuse de déterminer les distances des étoiles, et arrivèrent, au milieu de ce siècle, à le faire pour plusieurs d’entre elles.

Ainsi, au milieu du dix-neuvième siècle, il devint probable que l’astronomie future reposerait surtout sur les progrès du télescope, ainsi que sur les différents instruments de mesure, au moyen desquels on pourrait obtenir des déterminations de distances plus exactes.

L’auteur de la Philosophie positive, Auguste Comte, fut lui-même si fort persuadé de ce qui précède, qu’il critiqua tout examen futur des étoiles, en disant que ce n’était qu’un gaspillage de temps, incapable d’amener un résultat utile ou intéressant. Il ajoute que les étoiles, ne nous étant accessibles que par la vue, nous resteront toujours imparfaitement connues; de ce fait, un problème aussi simple que celui de leur température ne pourra jamais être résolu. Notre connaissance des étoiles restera négative, en ce sens que nous ne pourrons jamais que constater qu’elles n’appartiennent pas à notre système.

En dehors de ce système, il n’existe, en astronomie, que de l’obscurité et de la confusion, et il conclut ainsi: «C’est donc en vain que l’on a cherché, pendant un demi-siècle, à distinguer deux astronomies, l’une solaire, l’autre sidérale.

«Chez ceux pour qui la science consiste en lois réelles et non én faits incohérents, la seconde n’existe que de nom, la première seule constitue une véritable astronomie, et je ne crains pas de dire qu’il en sera toujours ainsi.»

M. Comte ajoute encore: «Tous les efforts tentés dans ce sens depuis un demi-siècle n’ont fait qu’accumuler un tas de faits empiriques et sans cohésion qui ne peuvent séduire qu’une curiosité irraisonnée». Et cependant, une éclatante découverte survenue trois ans après la mort de Comte, en 1860, allait donner le démenti à ses assertions.

Je veux parler de la méthode de l’analyse spectrale, laquelle, appliquée aux étoiles, a révolutionné l’astronomie, et nous a fourni précisément cette connaissance que Comte déclarait être pour toujours hors de notre portée.

Par ce moyen, nous avons acquis des notions exactes sur la physique et la chimie des étoiles et des nébuleuses, de telle façon qu’actuellement nous connaissons mieux la nature, la constitution et la température des soleils énormément éloignés de nous, et que nous désignons sous le nom d’étoiles, que nous ne connaissons les planètes de notre propre système.

Cette découverte a également révélé l’existence de nombreuses étoiles invisibles, et nous a permis de déterminer leurs orbites, leur durée de révolution, et même, approximativement, leur masse relative.

L’astronomie stellaire est devenue, de nos jours, la plus captivante partie de cette grande science, et celle qui permet d’espérer le plus grand nombre de découvertes futures.

Comme je devrai m’en référer souvent aux résultats obtenus par ce puissant instrument, il importe de donner ici un court résumé de sa nature et des principes sur lesquels il repose.

Qu’est-ce que le spectre solaire? C’est une bande de lumière colorée que l’on voit dans l’arc-en-ciel et partiellement dans la goutte de rosée, mais plus complètement encore lorsqu’un rayon de soleil passe au travers d’un prisme, c’est-à-dire d’un fragment de verre de section triangulaire.

Il en résulte, qu’au lieu d’une tache blanche, nous avons une bande étroite de couleurs brillantes qui se succèdent dans un ordre régulier, allant du violet au bleu, puis au vert, puis au jaune et enfin au rouge. Nous voyons ainsi. que la lumière n’est pas une simple et uniforme radiation du soleil, mais qu’elle est formée d’un grand nombre de rayons séparés, chacun d’eux produisant à notre œil la sensation d’une couleur distincte.

On explique maintenant l’origine de la lumière comme étant due aux vibrations de l’éther, cette substance mystérieuse qui, non seulement pénètre tous les corps, mais qui remplit l’espace, en tous cas jusqu’aux étoiles visibles les plus lointaines et jusqu’aux nébuleuses.

Les vagues ou vibrations extrêmement ténues de l’éther produisent tous les phénomènes de chaleur, de lumière et de couleur, aussi bien que les actions chimiques auxquelles la photographie doit ses étonnants résultats.

On a mesuré par d’ingénieux procédés les dimensions et la durée de vibration de ces vagues, et il se trouve qu’elles diffèrent considérablement; la lumière rouge, par exemple, qui est la moins réfractée, possède une longueur d’onde d’environ 778 millionièmes de millimètre, tandis que les rayons violets, à l’autre extrémité du spectre, n’atteignent que la moitié de cette longueur, soit 403 millionièmes de millimètre.

Le taux de la vitesse des vibrations est de 302 millions de millions par seconde pour les rayons rouges les plus accentués,et de 757 millions de millions pour le rayon violet à l’autre extrémité du spectre.

Nous donnons ces chiffres pour montrer la merveilleuse délicatesse et la rapidité de ces ondes de lumière et de chaleur, dont dépendent, non seulement toute notre vie terrestre, mais celle de bien d’autres mondes et d’autres soleils.

Mais les couleurs du spectre n’en sont pas la partie la plus importante.

Dès le début du XIXe siècle, un examen attentif prouva que ce spectre était sillonné partout de lignes noires, d’épaisseurs diverses, parfois seules, parfois groupées ensemble.

Plusieurs savants les étudièrent, les reproduisirent sur des dessins ou des cartes; en combinant plusieurs prismes, de manière à ce que le rayon solaire pût les traverser successivement, l’on obtint un spectre de plusieurs mètres de longueur, sur lequel on peut compter jusqu’à 3.000 de ces traits noirs. Mais leur composition et leur cause restaient un mystère, lorsqu’en 1860, le physicien Kirchhoff découvrit le secret et fournit aux chimistes et aux astronomes un instrument de recherches tout à fait inattendu.

L’on avait déjà remarqué que les éléments chimiques et leurs composés, lorsqu’ils sont chauffés jusqu’à incandescence, produisaient des spectres consistant en bandes et en lignes colorées, toujours constantes pour chaque élément, de telle façon qu’on pouvait toujours les reconnaître par leur spectre caractéristique, et l’on remarquait aussi que certaines de ces bandes, par exemple la jaune, produite par le sodium, correspondait comme position à certaines lignes noires du spectre solaire.

Kirchhoff découvrit que, lorsque la lumière d’un corps incandescent passe à travers la même substance à l’état de vapeur ou de gaz, une partie de la lumière est assez absorbée pour rendre noires les lignes ou bandes colorées. Le mystère qui durait depuis plus d’un demi-siècle fut enfin résolu; les milliers de lignes noires du spectre solaire furent reconnues être causées par le fait que la lumière, émanant de la surface incandescente du soleil, traversait les vapeurs surchauffées régnant au-dessus d’elle, transformant par là les bandes colorées de leur spectre en lignes sombres.

Chimistes et physiciens se mirent immédiatement à analyser le spectre des divers éléments, fixant la position des bandes colorées au moyen de mesures exactes, et les comparant avec les lignes noires du spectre solaire. Les résultats furent des plus satisfaisants. Pour un grand nombre d’éléments les bandes colorées correspondirent exactement avec un groupe de lignes noires dans le spectre solaire, prouvant ainsi que les mêmes éléments terrestres existent dans cet astre. Parmi les corps découverts de cette façon, les premiers furent l’hydrogène, le sodium, le fer, le cuivre, le magnésium, le zinc, le calcium, ainsi que beaucoup d’autres.

On a découvert jusqu’ici près de quarante éléments dans le soleil, et il est plus que probable que tous nos éléments s’y trouvent représentés, mais comme quelques-uns d’entre eux sont très rares et n’y figurent qu’en très faible quantité, l’on ne peut pas les retrouver dans le spectre solaire.

Certaines des lignes noires constatées dans le soleil ne purent être identifiées avec aucun élément connu, et comme cette circonstance paraissait indiquer l’existence d’un élément particulier au soleil, on le désigna sous le nom de Hélium. Mais tout récemment, on l’a trouvé dans un minéral d’espèce rare.

Un grand nombre d’éléments sont représentés par une quantité de lignes, d’autres par un petit nombre. C’est ainsi que le fer en compte plus de 2.000, tandis que le plomb et le potassium n’en comptent qu’une chacun.

Le spectroscope fut aussi précieux pour le chimiste, comme moyen de découvrir de nouveaux éléments, que pour l’astronome, en lui permettant de déterminer les corps célestes. Il devint alors capital, de fixer avec un soin extrême la position de toutes les lignes noires sur le spectre solaire, aussi bien que celles des lignes brillantes représentant tous les éléments, et ceci afin de pouvoir établir une comparaison exacte entre les différents spectres.

Au début, cela fut fait au moyen de dessins à une grande échelle, montrant la position exacte de chaque ligne brillante ou sombre. Mais ce moyen fut jugé incommode et insuffisant, et l’on décida alors d’adopter l’échelle naturelle des longueurs d’onde des différentes parties du spectre solaire, au moyen des réseaux de diffraction.

Un réseau de diffraction consiste en une surface polie de métal dur sillonnée de lignes parallèles et rapprochées atteignant parfois le chiffre de 20.000, sur une largeur de 2 centimètres et demi. Lorsque la lumière solaire vient à tomber sur l’une de ces tablettes, elle s’y réflète et par le mélange des rayons provenant des espaces entre les sillons, cette lumière s’étale en un magnifique spectre, lequel, lorsque les lignes sont très serrées, atteint plusieurs mètres de longueur.

Dans ce spectre de diffraction l’on peut discerner bien des lignes noires qui ne s’aperçoivent pas autrement, et elles produisent un spectre bien plus uniforme que celui formé par des prismes de verre, dans lequel de minimes différences dans la composition du verre sont cause que quelques rayons sont réfractés davantage et d’autres moins.

Le spectre produit par les réseaux de diffraction est double, c’est-à-dire qu’il est étalé des deux côtés de la ligne centrale du rayon qui reste blanche; les lignes colorées et les lignes noires sont si nettement reproduites, qu’elles peuvent être projetées à grande distance sur un écran, donnant ainsi au spectre une longueur considérable.

Les longueurs d’onde sont obtenues en calculant la distance entre les lignes, la distance de l’écran et la distance de la première paire de lignes noires de chaque côté de la ligne colorée centrale.

Toutes ces distances peuvent être mesurées avec une extrême exactitude, au moyen de microscopes munis de micromètres et d’autres adjonctions; il en résulte une exactitude qui ne peut être égalée par aucun autre procédé de mesure.

Les longueurs d’onde étant si minimes, il a semblé opportun de fixer une unité encore inférieure de mesure, et, le millimètre étant la plus petite unité de système métrique, on a adopté, pour l’unité de mesure des longueurs d’onde, le dix-millionième de millimètre, de sorte que, dans cette nouvelle unité, les longueurs d’onde des lignes bleues et rouges (de l’hydrogène) sont 4861 et 6563.

L’échelle infiniment exiguë des longueurs d’onde, une fois déterminée par la mesure la plus exacte, est de grande importance. Une fois déterminée, la longueur d’ondulation de deux lignes quelconques d’un spectre, l’espace qui les sépare peut être reproduit sur un diagramme de n’importe quelle longueur, et toutes les lignes qui se reproduisent dans tout autre spectre entre ces deux lignes, peuvent être marquées exactement dans leurs positions respectives.

Maintenant, étant donné que le spectre visible compte environ 300.000 raies, chacune possédant sa longueur d’onde et par cela même une réfrangibilité différente, ledit. spectre doit être étendu sur une assez vaste échelle pour atteindre la longueur de 75 millimètres, espace suffisant pour être discerné à l’œil nu.

La possession d’un instrument d’une délicatesse aussi parfaite et en même temps d’une puissance assez grande pour pénétrer dans la constitution intime des astres les plus reculés de l’espace, permit, durant le dernier quart de siècle, l’établissement d’une nouvelle science, la physique des astres, autrement dit, de la «Nouvelle Astronomie ». Indiquons maintenant les principaux résultats qu’elle a obtenus.

La première grande découverte faite par l’analyse spectrale, après l’interprétation du spectre solaire, fut la nature réelle des étoiles fixes. Les astronomes les avaient considérées pendant longtemps comme des soleils, mais c’était là une hypothèse dont l’exactitude ne pouvait être basée sur aucune preuve. Cette opinion était fondée sur deux faits: l’énorme distance qui nous en sépare est si considérable que le diamètre entier de l’orbite terrestre ne produit aucun changement apparent dans leurs positions relatives; leur éclat intense ne peut provenir, à de pareilles distances, que du fait d’une dimension et d’un rayonnement comparables à ceux de notre soleil.

Le spectroscope prouve d’emblée la justesse de cette opinion. Après un examen successif de tous les astres, les spectres obtenus parurent être du même type général que celui du soleil: une bande colorée sillonnée de lignes noires. Les premières étoiles examinées par Sir William Huggins démontrèrent l’existence de neuf ou dix de nos éléments. Bientôt les principales étoiles des cieux furent étudiées au moyen du spectre, et l’on se décida à les répartir entre trois ou quatre groupes. Le premier est le plus nombreux; il contient plus de la moitié des étoiles visibles, et une proportion plus forte encore d’étoiles brillantes, telles que Sirius, Véga, Régulus et Alpha de la Croix du Sud.

Elles sont caractérisées par une lumière blanche ou bleuâtre, riche en rayons ultra-violets, et leur spectre se distingue par l’étendue et l’intensité de quatre bandes sombres dues à l’absorption de l’hydrogène, tandis que les lignes noires indiquant des vapeurs métalliques, sont relativement rares, malgré qu’un examen attentif en fasse découvrir des centaines.

Le groupe suivant, auquel appartiennent Capella et Arcturus, est aussi très nombreux, et forme le type solaire des étoiles. Leur lumière est jaunâtre et leur spectre est partout sillonné d’innombrables lignes noires correspondant plus ou moins avec celles du spectre solaire.

Le troisième groupe consiste en étoiles rouges et variables, caractérisées par des spectres cannelés.

Lesdits spectres se présentent sous forme de colonnes doriques cannelées vues en perspective, le côté rouge étant le plus illuminé.

Le dernier groupe consiste en étoiles peu nombreuses et relativement petites, avec un spectre également cannelé, mais dont la lumière paraît venir d’une direction opposée.

Ces groupes furent créés par le Père Secchi, l’astronome romain, en 1867, et ont été adoptés avec certaines modifications par M. Vogel, de l’Observatoire astrophysique de Postdam.

L’interprétation exacte de ces différents spectres et quelque peu incertaine, mais l’on ne peut douter que ces différences coïncident, soit avec des différences de température, soit avec des variations dans la composition et l’étendue des atmosphères ambiantes. Les étoiles à spectre cannelé indiquent la présence de vapeurs métalloïdes ou résultant de leurs combinaisons, tandis que les cannelures renversées indiquent la présence du carbone ou des hydrocarbures.

Ces conclusions résultent d’expériences soigneusement faites au laboratoire; on les fait actuellement marcher de concert avec l’examen spectral des étoiles et d’autres corps célestes; de sorte que, quelles que soient les anomalies que puissent présenter parfois leurs spectres, celles-ci s’expliquent toujours par le fait de certaines conditions de température ou de composition chimique. Même en admettant que dans l’étude des détails, l’on se heurte à des difficultés, un fait capital demeure, à savoir que les étoiles sont de véritables soleils, différant sans doute en dimensions, leurs phases de développement étant indiquées par la couleur et par l’intensité de leur lumière ou de leur chaleur, mais toutes possédant une photosphère ou une surface émettant de la lumière entourée d’une atmosphère de composition et de densité variées.

Bien d’autres détails, tels que les couleurs souvent opposées des étoiles doubles, la variabilité occasionnelle de leurs spectres, leurs rapports avec les nébuleuses, les différents stages de leur développement, et d’autres problèmes d’intérêt égal, ont sollicité l’attention des astronomes, des spectroscopistes et des chimistes; mais il n’y a pas lieu de s’attacher ici à ces questions difficiles.

L’esquisse que nous donnons ici sur la nature de l’analyse du spectre, appliquée aux étoiles, est destinée à rendre intelligible, pour tout lecteur cultivé, son principe et sa méthode d’observation, ainsi que les résultats merveilleusement précis obtenus par cette voie. Les astronomes sont tellement convaincus de cette exactitude, qu’il ne leur faut pas moins que la parfaite concordance dans les lignes colorées du spectre d’un élément au laboratoire, avec les lignes noires du spectre du soleil ou d’une étoile, pour que la présence de cet élément soit acceptée par eux d’une façon décisive. Ainsi que le dit si bien Miss Clarke: «Les coïncidences spectroscopiques n’admettent aucun compromis. Elles sont, ou absolues ou sans valeur».

La place de l'homme dans l'univers

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