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MESURE DU MOUVEMENT SUIVANT LA LIGNE DE VISION
ОглавлениеIl nous faut maintenant décrire une autre application du spectroscope, plus remarquable encore. C’est la méthode qui consiste à mesurer la vitesse de tous les corps célestes visibles, soit qu’ils s’éloignent ou se rapprochent de nous, vitesse désignée sous le nom de «mouvement radial» ou par l’expression «suivant la ligne de vision».
Et ce qui est le plus extraordinaire, c’est que cette faculté de mensuration est indépendante de la distance, de telle façon que la valeur de la vitesse, en kilomètres par seconde, de la plus éloignée des étoiles fixes, si elle est suffisamment brillante pour émettre un spectre distinct, peut être mesurée avec autant d’exactitude qu’une étoile ou une planète beaucoup plus rapprochée.
Afin de démontrer la possibilité de la chose, il nous faut revenir à la théorie des ondes lumineuses; ici, l’analogie avec d’autres mouvements ondulatoires nous aidera à mieux saisir le principe d’où ces calculs dépendent.
Si, par un jour calme, nous comptons le nombre des vagues qui passent chaque minute à côté d’un vapeur à l’ancre, et si nous nous avançons ensuite dans la direction d’où viennent ces vagues, nous verrons que leur nombre augmente dans le même espace de temps donné. De même, si placé à côté d’une voie ferrée, nous voyons arriver en sifflant une locomotive, nous remarquons que ce sifflet change de son en approchant de nous; en s’éloignant, le son sera plus faible, malgré que la locomotive soit exactement à la même distance qu’elle était de nous avant son arrivée. Cependant, à l’oreille du mécanicien, il n’y a aucune différence de son, la cause de la variation étant due au fait que les ondes sonores nous arrivent en succession plus rapide, lorsque nous nous rapprochons de la source desdites ondes, que lorsque nous nous en éloignons.
Maintenant, de même que le degré d’acuité d’une note dépend de la rapidité avec laquelle les vibrations de l’air se succèdent à notre oreille, de même la couleur d’une portion spéciale du spectre dépend de la vitesse avec laquelle les ondes éthérées produisant la couleur atteignent notre nerf optique; cette rapidité augmentant d’autant plus que l’on se rapproche de la source de la lumière, tandis qu’elle diminue lorsqu’on s’en éloigne, il en résultera une légère déviation des bandes colorées, et par là même, des lignes noires, lorsqu’elles seront comparées à leur position dans le spectre solaire ou dans tout autre foyer de lumière fixe; il faut pour cela qu’il survienne un ébranlement suffisant pour produire une légère déviation.
Un tel changement de coloration devait nécessairement se produire; cela a été démontré par le professeur Doppler, de Prague, en 1842, et par Fizeau, à Paris; dès lors, ce changement a été désigné sous le nom de «principe Doppler-Fizeau ». Mais les changements de coloration étaient dans ce temps là si minimes que l’impossibilité de les mesurer leur enlevait toute importance pratique en astronomie.
Mais lorsque les lignes noires eurent été soigneusement reproduites, et que leurs positions eurent été exactement déterminées, l’on vit qu’il y avait moyen de mesurer les changements produits par le mouvement dans la ligne de vision, puisque la position de l’une quelconque des lignes noires ou colorées du spectre des corps célestes pouvait être comparée avec celle des lignes correspondantes produites artificiellement dans le laboratoire. Cela fut effectué, en premier lieu, en 1868, par sir William Huggins. A l’aide d’un très puissant spectroscope construit dans ce but, il découvrit l’existence de ces variations dans bien des étoiles, permettant de calculer la vitesse de leur mouvement radial.
La distance actuelle de certaines de ces étoiles ayant été mesurée, et leur mouvement propre étant actuellement déterminé, le mouvement radial vient compléter les données nécessaires pour établir leur mouvement réel dans l’espace.
L’exactitude de cette méthode, obtenue dans des conditions favorables et au moyen des meilleurs instruments, est très grande. Elle peut être vérifiée, chaque fois que nous pourrons, par une autre méthode, calculer le mouvement réel. Ainsi, la vitesse avec laquelle Vénus se rapproche ou s’éloigne de nous se calcule très exactement, si, d’autre part, nous pouvons calculer le mouvement réel au moyen d’autres preuves.
Or, le mouvement radial de Vénus fut déterminé à l’Observatoire de Lick, en août et septembre 1890, par des observations spectroscopiques, ainsi que par des calculs, et donnèrent les résultats suivants:
résultats montrant ainsi que l’erreur maximum n’atteignait pas 2 kilomètres par seconde.
Pour ce qui concerne les étoiles, la sûreté de cette méthode a été éprouvée par des observations de la même étoile, faites à six mois de distance, lorsque la terre se meut dans deux directions opposées. Le mouvement de la terre dans son orbite étant connu, il doit se retrouver, en sens contraire, dans le mouvement apparent de l’étoile le long de la ligne de vision.
Des observations du même genre furent faites par le Dr Vogel, directeur de l’Observatoire astrophysique de Potsdam, démontrant, dans le cas de trois étoiles, pour lesquelles il fut pris dix observations, une simple erreur d’environ 3 kilomètres par seconde; mais les mouvements stellaires étant plus rapides que ceux des planètes, l’erreur proportionnelle n’est pas plus grande que dans l’exemple cité plus haut.
Ce qui donne son importance à se mode de déterminer le mouvement réel des étoiles, c’est qu’il nous fait connaître la valeur de ces diverses vitesses; leur variation, dans la suite des temps, nous permettra de connaître quelque peu la nature de ces changements, ainsi que des lois dont ils dépendent.