Читать книгу La place de l'homme dans l'univers - Alfred Russel Wallace - Страница 13
ETOILES INVISIBLES ET MOUVEMENTS IMPERCEPTIBLES
ОглавлениеMais il existe un autre résultat de la détermination du mouvement radial, encore plus imprévu et plus merveilleux que le précédent, et qui a plongé dans une direction toute nouvelle notre connaissance des étoiles. Il est devenu possible, de ce chef, de déterminer l’existence d’étoiles invisibles et de mesurer leurs mouvements, autrement inappréciables. Il s’agit d’étoiles qui sont invisibles avec les puissants télescopes modernes, et dont les orbites sont si étroites qu’aucun télescope ne peut les découvrir.
Nous devons à sir W. Herschel la découverte d’étoiles doubles ou binaires, formant des systèmes évoluant autour de leur centre commun de gravité, et l’on en connaît un grand nombre; mais, la plupart du temps, leur période d’évolution est longue, la plus courte étant d’environ douze ans, tandis qu’un grand nombre atteignent plusieurs centaines d’années.
Ce sont, il va sans dire, toujours des étoiles doubles visibles, mais l’on en connaît actuellement beaucoup dont une seulement est visible, tandis que la seconde, ou bien n’est pas lumineuse, ou se trouve si rapprochée de sa compagne qu’elles paraissent ne former qu’une seule et même étoile, même à l’aide des plus puissants télescopes.
Plusieurs des étoiles variables appartiennent à la classe précédente, comme, par exemple, Algol, dans la constellation de Persée, dont l’éclat diminue de la seconde à la quatrième grandeur, en quatre heures et demie, et reprend son ancien éclat dans le même laps de temps, jusqu’à la nouvelle période d’obscurcissement, qui revient régulièrement tous les deux jours et vingt et une heures. Le nom d’Algol dérive de l’Arabe: «Al Ghoul, le ghoul familier des Mille et une Nuits arabes, ainsi nommé le démon», d’après sa façon d’agir étrange et fantasque.
On supposa pendant longtemps que cet obscurcissement était dû à un compagnon sombre, qui éclipsait partiellement l’étoile brillante à chaque révolution prouvant que le plan de l’orbite du couple était presque exactement dirigé suivant notre vision.
L’application du spectroscope fit de cette conjecture une certitude. Pendant une même période de temps, avant et après l’obscurcissement, on trouva un mouvement radial, soit en deçà, soit au delà de nous, au taux d’environ 42 kilomètres par seconde.
Au moyen de ces quelques rares données et des lois de gravitation qui fixent la période de révolution des planètes à des distances variables de leurs centres de révolution, le professeur Pickering, de l’Observatoire de Harward, put arriver aux chiffres suivants, qui ne doivent pas s’éloigner beaucoup de la réalité :
Si l’on tient compte du fait que ces chiffres ont trait à une paire d’étoiles, dont l’une seulement a été vue jusqu’ici, et que l’on ne peut pas même découvrir à l’aide des plus puissants télescopes le mouvement orbital de l’étoile visible; si, de plus, nous faisons entrer en ligne de compte les énormes distance qui nous séparent de ces corps, ces beaux résultats de l’observation spectroscopique seront hautement appréciés.
A côté d’une découverte merveilleuse, effectuée par d’aussi simples moyens, les faits découverts sont en eux-mêmes étonnants.
Tout ce que nous savions jusqu’ici des étoiles, au moyen de l’observation télescopique, c’est que, malgré qu’elles parussent semées avec abondance dans les cieux, de grandes distances les séparaient les unes des autres.
Il en est ainsi des étoiles doubles, vues au télescope, et cela, par le fait de leur énorme éloignement de nous. On estime actuellement que, même les étoiles de première grandeur sont, dans la moyenne, distantes de quatre-vingts millions de kilomètres.
Il est avéré actuellement que, même lorsqu’il s’agit d’étoiles de première grandeur, celles-ci sont distantes de nous d’environ 132 billions de kilomètres, tandis que les étoiles doubles les plus rapprochées l’une de l’autre, telles que les plus grands télescopes peuvent séparer, sont distantes d’une demi-seconde. Ces dernières, à cette distance, sont séparées par un espace de 2.400 millions de kilomètres.
Or, dans le cas d’Algol et de son compagnon, nous avons deux corps plus grands que notre soleil, qui ne sont séparés que par une distance de 3.600.000 kilomètres, distance qui ne dépasse guère leurs diamètres réunis.
Nous n’avions point prévu une rotation si rapprochée de ces grands corps, et sachant maintenant que le voisinage de notre soleil — et probablement de tout l’univers — est rempli de substances météoriques et cométaires, il paraît probable que, dans le cas d’une grande proximité entre deux soleils, la somme de ces matières deviendrait considérable et produirait, par des collisions répétées, une augmentation de leur masse, puis leur fusion définitive en un corps gigantesque. On dit qu’un astronome persan donna, au Xe siècle, le nom d’étoile rouge à Algol, tandis que de nos jours, elle est devenue blanche, ou tout au moins jaunâtre. Cela tend à indiquer une augmentation de température causée par la collision ou par la friction, et peut-être par le rapprochement de cette paire d’étoiles.
Un nombre considérable d’étoiles ayant un compagnon obscur ont été découvertes à l’aide du spectroscope, malgré que leur rotation ne soit pas dans notre plan visuel, et que, par conséquent, il n’y ait pas d’obscurcissement périodique. Afin de découvrir ces couples d’étoiles, le spectre d’un grand nombre d’entre elles est pris sur des plaques photographiques, chaque soir, pendant une ou plusieurs années. Ces plaques sont ensuite soigneusement examinées avec un fort grossissement, pour y découvrir un déplacement périodique des lignes; il est étonnant de constater le nombre de fois où l’on a trouvé, et où l’on a pu déterminer la période de révolution d’un couple d’étoiles.
Mais, outre la découverte d’étoiles doubles, dont l’une est sombre et l’autre brillante, bien des groupes d’étoiles brillantes ont été constatés par les mêmes procédés; cependant, dans ce dernier cas, la méthode sera un peu différente.
Chaque étoile constituante étant lumineuse, donnera un spectre distinct, et les meilleurs spectroscopes sont si puissants qu’ils peuvent séparer ces spectres, lorsque leurs étoiles sont à leur distance maxima, alors qu’aucun télescope connu, ou possible, ne peut séparer les étoiles constituantes.
La division obtenue par le spectre se montre généralement par le fait que les lignes les plus visibles deviennent d’abord doubles, puis simples, indiquant que le plan de révolution est plus ou moins oblique par rapport à nous, de telle sorte que si les deux étoiles étaient visibles, elles sembleraient s’écarter l’une de l’autre, puis se rapprocher à chaque révolution. Ensuite, à mesure que chaque étoile se rapproche ou s’éloigne de nous, la vitesse parallèle de chacune d’elles peut être déterminée, la masse relative nous étant indiquée de ce fait. On a découvert de la sorte des systèmes non seulement doubles, mais encore triples et multiples. Les étoiles constatées doubles au moyen de ces deux méthodes sont si nombreuses, que l’un des meilleurs observateurs estime qu’une étoile environ sur treize montre des inégalités dans son mouvement radial, et qu’elle est, par conséquent, une étoile double.