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CHAPITRE PREMIER

Table des matières

Idées primitives au sujet de l’Univers et de ses relations avec l’Homme.

Lorsque l’homme eut l’intelligence suffisamment développée pour pouvoir méditer sur sa propre nature, ainsi que sur celle de la terre qu’il habitait, il dut être profondément impressionné par le spectacle nocturne des cieux étoilés.

L’éclat intense et étincelant de Sirius et de Véga, la lumière plus condensée, plus douce, de Jupiter et de Vénus, l’étrange groupement des étoiles brillantes en constellations, pour lesquelles il trouva des noms fantastiques, indiquant leur ressemblance avec divers animaux ou formes terrestres; l’existence d’un nombre apparemment infini d’étoiles plus ou moins brillantes, éparpillées dans toute l’étendue des cieux, plusieurs d’entre elles n’étant visibles que durant les nuits les plus claires et avec une vue perçante, toutes ces merveilles, dis-je, inaccessibles à cette époque aux recherches de l’homme, durent ouvrir un champ d’une étendue infinie à son imagination.

Les relations entre les mouvements des étoiles, d’une part, et ceux du soleil et de la lune de l’autre, furent l’un des premiers problèmes posés à l’astronome, problème qui ne fut résolu qu’à la suite d’observations minutieuses et persévérantes; elles démontrèrent que l’invisibilité des étoiles durant le jour est uniquement due à l’éclat de la lumière du soleil, et ce fait fut prouvé, à une époque reculée, par l’observation des étoiles brillantes vues du fond d’un puits et en plein jour. On découvrit aussi que, durant les éclipses totales de soleil, les étoiles les plus brillantes devenaient visibles; cette remarque, jointe à celle de la position fixe de l’étoile polaire, ainsi qu’au trajet des étoiles circumpolaires qui ne se couchent jamais, sous les latitudes de la Grèce, de l’Egypte et de la Chaldée, amenèrent l’homme à concevoir l’hypothèse suivante: la terre est suspendue dans l’espace; une sphère de cristal, séparée d’elle par une distance inconnue, évolue sur un axe indiqué par l’étoile polaire, et entraîne avec elle l’armée tout entière des corps célestes.

Ce fut là la théorie d’Anaximandre (540 av. J.-C.); elle servit de point de départ aux théories plus complexes, lesquelles, avec diverses variantes et modifications, eurent cours jusqu’à la fin du XVIe siècle.

On présume que les anciens Grecs reçurent quelques notions astronomiques des Chaldéens, lesquels paraissent avoir été les premiers observateurs systématiques des corps célestes au moyen d’instruments. On leur attribue la découverte du cycle de dix-huit ans et dix jours, qui ramène le soleil et la lune, vus de la terre, dans la même position relative.

Il est possible que les Egyptiens aient tiré leurs connaissances de la même source, mais il n’est point prouvé qu’ils aient été de grands observateurs; et l’orientation, les proportions, les angles si exacts des grandes Pyramides et de leurs corridors intérieurs, paraissent indiquer qu’ils sont l’œuvre d’un architecte chaldéen.

Toute la vie terrestre est sous la dépendance évidente du soleil, qui lui dispense la chaleur et la vie, d’où l’origine de la conviction que la terre n’est qu’un simple satellite du soleil; et de même que la lune éclaire la nuit, que les étoiles, considérées dans leur ensemble, donnent une proportion appréciable de lumière, il semblait tout à fait rationnel d’admettre que tous ces luminaires, le soleil, la lune, les étoiles et les planètes, ne fussent que des auxiliaires du système terrestre, créés uniquement pour le plus grand avantage de ses habitants.

Empédocle (444 av. J.-C.), passe pour avoir, le premier, séparé les planètes des étoiles fixes, en observant leurs mouvements très particuliers, tandis que Pythagore et ses disciples déterminèrent exactement l’ordre de leurs distances à partir de Mercure jusqu’à Saturne.

Aucun effort ne fut tenté pour expliquer ces mouvements jusqu’au siècle suivant, époque à laquelle Eudoxus, de Cnide, un contemporain de Platon et d’Aristote, vint résider quelque temps en Egypte, où il devint un habile astronome. Il observa et expliqua le premier, d’une façon systématique, les divers mouvements des corps célestes, d’après l’hypothèse d’un mouvement circulaire et uniforme autour de la terre, prise comme centre, et cela au moyen d’une série de sphères concentriques, évoluant chacune avec une vitesse propre et sur un axe différent, tout en restant assez unies entre elles pour participer à la rotation commune autour de l’axe polaire.

La lune, par exemple, fut censée être supportée par trois sphères; la première évoluant sur une ligne parallèle à l’équateur, et causant ainsi le mouvement diurne; la seconde évoluant parallèlement à l’écliptique et produisant les différentes phases de la lune pendant un mois; la troisième enfin tournant avec la même rapidité, mais dans une position plus oblique, et démontrant l’inclinaison de l’orbite de la lune sur celle de la terre.

De même, chacune des cinq planètes possédait quatre sphères, deux d’entre elles évoluant de la même façon que les deux premières de la lune; la troisième, se mouvant dans le plan de l’écliptique, devait expliquer le mouvement rétrograde des planètes; la quatrième, enfin, par sa position oblique sur l’écliptique, était nécessaire pour expliquer les mouvements divergents résultant de l’obliquité différente de l’orbite de chaque planète comparée à celle de la terre. C’était là le célèbre système de Ptolémée, réduit à sa forme la plus simple, afin de faire comprendre à l’esprit humain les mouvements les plus importants des corps célestes. Mais il arriva, dans la suite des âges, que les astronomes grecs et arabes découvrirent de légères divergences, ducs aux différentes variations excentriques des orbites de la lune et des planètes, ainsi que les différences de mouvement qui en résultaient. Il fallut alors, pour expliquer celles-ci, ajouter d’autres sphères, ainsi que des anneaux de moindre dimension, évoluant parfois sur un plan excentrique. A la fin, il n’y eut pas moins de soixante de ces sphères, épicycles et excentriques, imaginés pour expliquer les divergences observées par les instruments primitifs, ainsi que les vitesses déterminées par les clepsydres bien imparfaits employés dans ces temps reculés.

Et, quoique de grands penseurs eussent, à différentes époques, rejeté ce système encombrant, cherchant à le remplacer par des notions plus correctes, leurs idées n’eurent aucune influence sur le public, ni même sur les astronomes et mathématiciens de leur temps, si bien que le système de Ptolémée obtint gain de cause jusqu’à Copernic, et ne fut définitivement mis de côté que lors de la publication des Lois de Képler et des Dialogues de Galilée, ouvrages qui forcèrent l’opinion publique à adopter des théories plus simples et plus intelligibles.

De nos jours, nous sommes tellement habitués à considérer les principaux faits astronomiques comme de simples notions élémentaires, que nous avons peine à nous représenter l’état d’ignorance qui prévalait parmi les peuples les plus civilisés durant l’antiquité et le moyen âge.

Tout au début, la forme sphérique de la terre ne fut admise que par un petit nombre d’hommes; elle n’arriva ensuite à être assez bien démontrée qu’à une époque plus récente.

La mesure approximative des dimensions de notre globe eut lieu tôt après; enfin, lorsqu’on eut perfectionné les observations instrumentales, la distance et les dimensions de la lune furent mesurées avec assez d’exactitude pour prouver qu’elle était de beaucoup plus petite que la terre.

Mais ce fut là, avant la découverte du télescope, l’extrême limite et le dernier effort des mesures et des observations astronomiques.

Jusqu’alors, on ne savait rien de la distance et de la grandeur réelles du soleil, sinon qu’il était beaucoup plus éloigné de nous et bien plus grand que la lune; il est intéressant, cependant, de constater que, durant le siècle qui précéda l’ère chrétienne, Posidonius évalua la circonférence de la terre à 240.000 stades, équivalant environ à 45.160 kilomètres, appréciation remarquablement exacte, si l’on tient compte des données si imparfaites qu’il avait à sa disposition.

Il passe pour avoir calculé la distance du soleil, ne la réduisant que d’un tiers, de ses dimensions réelles; mais ceci ne doit avoir été qu’une coïncidence fortuite, car il ne possédait aucun moyen de mesurer les angles avec une approximation supérieure au degré ; tandis que, pour déterminer la distance du soleil, l’emploi d’instruments mesurant l’arc d’une seconde est indispensable..

Avant l’invention du télescope, les dimensions des planètes étaient totalement inconnues, tandis que la seule certitude que l’on possédait à l’égard des étoiles, c’est qu’elles étaient situées à une grande distance de notre terre.

Telle était la limite de la connaissance des anciens, quant aux dimensions et à la constitution de l’univers à l’époque où ils vivaient; cet univers, il faut s’en souvenir, avait comme centre la terré ; nous ne devons donc pas être surpris de la croyance universelle qu’il existait seulement pour la terre et pour ses habitants.

Dans les temps antiques, l’univers était considéré comme étant à la fois la demeure des dieux et la demeure accordée aux hommes; même après l’avènement du christianisme, cette conviction ne subit que très peu de changements. Durant ces deux périodes, on considérait comme un impie celui qui aurait affirmé que les planètes et les étoiles n’existaient pas pour le seul bien et avantage de l’homme, mais qu’elles possédaient d’autres habitants, qui pouvaient, dans certains cas, lui être supérieurs sous le rapport de l’intelligence.

Mais apparemment, durant la période entière dont nous parlons, personne n’eût été assez hardi pour suggérer qu’il existât d’autres mondes peuplés, et ce fut sans nul doute à cause de l’opinion prédominante que nous occupions le monde entier, centre par excellence de tout l’univers ambiant, qui n’existait que pour nous, que les découvertes de Copernic, de Tycho-Brahé, de Képler et de Galilée excitèrent un tel antagonisme, et furent considérées comme inadmissibles et impies. Elles semblaient bouleverser de fond en comble tout l’ordre de choses établi et tendre à diminuer l’homme, en déplaçant la terre, sa demeure, de la position centrale et prédominante qu’elle avait possédée jusqu’alors.

La place de l'homme dans l'univers

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