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I

Table des matières

A quelques jours de là, Prométhée, dénoncé par les soins amicaux du garçon, se vit emprisonné comme fabricant d’allumettes sans brevet.

La prison, isolée du reste du monde, ne donnait vue que sur le ciel;du dehors elle présentait l’aspect d’une tour; au dedans s’ennuyait Prométhée.

Le garçon vint lui rendre visite.

— Oh! lui dit en souriant Prométhée, que je suis heureux de vous voir! Je languissais. Parlez, vous qui venez du dehors; le mur de ee caehot m’en sépare et je ne sais plus rien des autres. Que font-ils?—Et vous d’abord, que faites-vous?

— Depuis votre scandale, répondit le garçon, presque rien; il n’est venu chez nous presque personne. On a perdu beaucoup de temps à réparer la devanture.

— J’en suis tout désolé, dit Prométhée; — mais Damoclès au moins? Avez-vous revu Damoclès?Il est sorti du restaurant si vite l’autre jour; je n’ai pas pu lui dire adieu. Je le regrette. Ce semblait un homme très doux, plein de décence et de scrupules; il disait sa peine sans art et me touchait. — Au moins quittant la table était-il bien rasséréné?

— Cela n’a pas duré, dit le garçon. Je l’ai revu le lendemain et son inquiétude était pire. En me parlant il a pleuré. Ce qui l’inquiète surtout, c’est l’état de santé de Coclès.

— Va-t-il donc mal? demanda Prométhée.

— Coclès? — Mais non_, répondit le garçon. Je dirai plus: Il y voit mieux depuis qu’il n’y voit plus que d’un œil. Il montre à tous son œil de verre et se fait un bonheur qu’on l’en plaigne. Quand vous le reverrez, dites-lui que son nouvel œil lui va bien; qu’il ne le porte pas sans grâce; mais ajoutez qu’il a dû bien souffrir...

— Il souffre donc?

— De ce qu'on ne lui dise pas — oui, peut-être.

— Mais alors si Goclès va bien et si même il ne souffre pas, de quoi s’inquiète Damoelès?

— De ce que Coclès aurait dû souffrir?

— Vous me recommandez précisément de le dire...

— Le dire, oui, mais Damoelès le pense, lui; et ça le tue.

— Que fait-il d’autre?

— Rien. Cette unique préoccupation l’accapare. Entre nous, c’est un homme absorbé. — Il dit que sans ses 5oo francs Coclès ne serait pas misérable.

— Et Coclès?

— II le dit aussi... Mais il est devenu très riche.

— Comment donc?

— Oh! je ne sais pas bien; — mais on l’a beaucoup plaint dans les journaux; on a ouvert pour lui une souscription de faveur.

— Et qu’en fait-il?

— C’est un roublard. Avec l’argent que lui rapporte la collecte, il songe à fondeV un hospice.

— Un hospice?

— Un petit, oui; rien que pour les borgnes. Il s’en est nommé directeur.

— Ah bah! s’écria Prométhée; vous m’intéressez vivement.

— Je l’espérais, dit le garçon...

— Et, dites encore... le Mig-lionnaire?

— Oh! lui, c’est un lapin! — Si vous croyez que tout ça le tourmente!! C’est comme moi: il observe... Si ça vous amuse, je vous présenterai — quand vous serez sorti d’ici...

— Au fait,et pourquoi suis-je ici?commença enfin Prométhée. De quoi m’accuse-t-on? Le savez-vous, garçon, qui savez tant de choses?

— Ma foi non, feignit le g-arçon. Ce que je sais, du moins, c’est que ce n’est que de la prison préventive. Après qu’on vous aura condamné vous saurez.

— Allons, tant mieux! dit Prométhée; je préfère toujours savoir.

— Adieu, dit alors le garçon; il se fait tard. Avec vous, c’est étonnant ce que le temps passe... Mais dites: votre aigle? Que devient-il?

— Tiens! je n’v pensais plus, dit Prométhée. Et, le garçon parti, Prométhée commença de penser à son aigle.

IL FAUT QU’IL CROISSE ET QUE JE DIMINUE

Et comme Prométhée s’ennuyait, au soir il appela son aigle. — L’aigle vint.

— Je t’attendais depuis longtemps, dit Prométhée.

— Quenem’appelais-tu donc plus tôt? répondit l’aigle.

Pour la première fois Prométhée regarda son aigle, sommairement perché sur les barreaux tordus du cachot. Dans la dorure du couchant il paraissait d’autant plus terne; il était gris, laid, rabougri, rechigné, résigné, misérable; il paraissait trop faible pour voler; ce que voyant, Prométhée pleura de pitié sur son aigle.

— Oiseau fidèle, lui dit-il, tu sembles souffrir — dis: qu’as-tu?

— J’ai faim, dit l’aigle.

—Mange, dit Prométhéeen découvrant son foie.

L’oiseau mangea.

— Tu me fais mal, dit Prométhée.

Mais l’aigle ne dit rien d’autre ce jourlà.

Oeuvres complètes de André Gide: Romans

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