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P. 322. — De feu M. des Portes, abbé de Tiron.

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Chacun fçait que feu M. des Portes, abbé de Tiron, esftoit vn des habiles hommes de son temps, comme l’on voit assez par ses œuures; on fçait aussi comme il a traduit en vers françois beaucoup des œuures de l’Arioste. Comme l’on l’attendoit en vne certaine compagnie, où d’ordinaire s’affembloient les plus habiles hommes de France pour discourir des sciences où esftoit ce grand prodige de son siècle, M. du Perron, deuant qu’il fût cardinal, il vint fort tard, & comme on l’accufoit de paresse, il s’excusa disant: «Messieurs, ie vous prie de m’excuser si ie vous ay tant fait attendre; j’eftois empefché sur un passage d’Aristote qui m’a tenu plus longtems que ie ne croyois. M. du Perron, se tournant vers celuy qui esftoit le plus proche de luy, luy dit bas, mais non pas tant que l’autre ne l’ouïft: «Il se trompe, il prend Arioste pour Aristote,» voulant dire qu’il feuilletoit bien plus l’vn que l’autre, qui a este cause que ces deux prélats, tant qu’ils ont vefcu, ont eu picque l’vn contre l’autre.

Nous ne croyons pas neceffaire de revenir au théâtre de d’Ouville, dont la dernière pièce: les Soupçons sur les Apparences, eft de 1651. Constatons feulement que la première: les Trahirons d’Arbiran, eft précédée de quatre hommages: un madrigal de Colletet, une épigramme de Chappoton, une de Maleval & un quatrain de Rotrou. Il y avait, à cette époque bienheureuse, échange de politesses rimées, & dès 1633, nous voyons d’Ouville adresser un compliment de ce genre à Corneille, à propos de sa comédie de la Veuve; il s’agit d’un sixain:

Cette belle Clarice à qui l’on porte envie

Peut-elle être ta Veuve et que tu fois en vie?

Quel accident étrange à ton bonheur eft oint?

Si jamais un auteur a vécu par son livre,

En dépit de l’envie elle te fera vivre,

Elle fera ta Veuve & tu ne mourras point.

D’Ouville était un des rimeurs «dont le patronage parut alors à Corneille utile & honorable ,» bien qu’il n’eût pas encore abordé le théâtre lui-même. Un témoignage plus indirect ne lui eft pas moins avantageux. L’auteur anonyme de la Pompe funèbre de Scarron, une de ces pièces comme on en faisait alors à la mort de chaque écrivain marquant, met les statues de Régnier, d’Ouville & Maynard dans le temple où s’accomplissent les funérailles de l’auteur du Typhon. Mourant, celui-ci a choisi pour fucceffeur Bois-Robert; mort, son cercueil eft escorté par Audin, Bardou, Monbrun, Du Bofc, &c.

Il nous semble que de ces traits réunis se dégage une figure assez lumineuse devant laquelle les critiques ont passé d’un air trop dédaigneux.

Il ne faut pas que la notoriété de Boisrobert fasse tort au mérite de d’Ouville. Boisrobert, le jovial abbé, le Galiani du XVIIe siècle, ne faisait peut-être quelquefois que débiter les contes recueillis par son frère. L’un & l’autre font, du reste, agréablement mis en scène par M. Em. Colombey: «L’abbé eft suivi de son frère, le conteur d’Ouville, d’Éléonor d’Etampes, de Valençay, de Colletet, de Desmarets, de Corneille & de Rotrou... Boisrobert présente d’Ouville à Richelieu. «Daignez accueillir, dit-il, un Gaulois «de la Gaule de Béroalde de Verville. — Hum! répond «le cardinal, toisant du regard le nouveau venu, il «eft de votre famille, l’abbé... Fait-il des vers, au moins? «— Par la blonde Phœbé ! il monte Pégase à poils & sans «bride. — Oh! oh! & voudrait-il me donner un petit «échantillon de son savoir-faire?» Boisrobert glisse rapidement ces mots dans l’oreille de d’Ouville: «Sers-lui «ton fameux vers des Fausses Vérités.» En bon déclamateur, son frère tousse deux fois, comme pour accorder son instrument. Puis il entre soudain dans la peau d’une suivante futée & dit d’une voix câline:

L’amour pour être instruit ne va pas à l’école.

«— Assez, jeune homme! s’écrie Richelieu dans le raviffement.

«L’échantillon me suffit. Nous songerons à vous

«pourvoir de quelque bon bénéfice...» Ce bénéfice n’arriva pas, & d’Ouville mourut «gueux de tous les côtés», lot ordinaire des gens de lettres. Aujourd’hui, ses Contes, même incomplets, se vendent 150 francs, & un fils de l’Alface essaie de faire revivre le Normand oublié.


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