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PARAPHRASE

Table des matières

I

Puisque vous adorez les fleurs,

Songez que l’heure vient, madame,

Où les roses n’auront plus d’âme

Et les iris plus de couleur.

Avant qu’un souffle monotone

Ait couché les derniers gazons,

Sous l’or pâle des frondaisons,

Aimons, aimons au temps d’automne!

Vous souvient-il du premier bouquet de roses mousseuses que je vous apportai dans sa large et humble collerette? Nous étions en mai et vous aviez un délicieux peignoir blanc qui se modelait aux souples beautés de votre taille, avec ses transparences d’ambre, et tombait, avec des plis de statuaire, sur vos pieds chaussés de mules rouges. Vous m’avez grondé, mais, quand je suis parti, vous m’avez donné une des fleurs de la gerbe, la moins ouverte, pour ’qu’elle durât plus longtemps. Puis chacune de vos lettres contint le pétale encore flexible, odorant et comme vivant d’une rose. Il n’en est guère dans mon jardin dont je n’aie déchiré le cœur pour vous répondre dans le même langage. Hélas! les dernières ondées ont éparpillé dans l’herbe leurs feuilles mouillées. Les bourdons s’acharnent à leurs débris au sommet des tiges penchées. C’est une des poésies de notre amour qui se brise et que le vent emporte!

Mais tout n’est pas mort encore dans les parterres. Je cueillerai pour vous de hauts dalhias fins et serrés comme les ruches tuyautées de vos dentelles, des marguerites blanches et des marguerites d’un violet tendre dont le demi-deuil a quelque chose de charmant comme la tristesse presque consolée d’une veuve. Et puis après? Après, j’ai peur. Car, je m’en souviens-, quand je vous offris, en tremblant, mon premier présent, vous avez fait plus attention à mes roses qu’à moi et peut-être est-ce leur souvenir seulement que vous avez aimé?

II

Puisque vous vous plaisez aux chants

Que l’oiseau dans l’azur balance.

Songez que l’ombre et le silence

Descendent des coteaux penchants.

Le vin qui bruit dans la tonne

Dit le dernier hymne au soleil:

Sous le couchant encor vermeil,

Aimons, aimons au temps d’automne!

Il y avait d’adorables musiques dans l’air durant la première promenade que nous fîmes ensemble. Vous étiez très languissante à mon bras et comme mal revenue du rêve qui s’était fait réalité. Qui dira l’angoisse douce de l’âme qui cherche à deviner les impressions qu’elle a données et qui craint d’avoir trahi des espérances? Que d’inquiétude dans ce silence et que de mensonge dans ce recueillement! Il semble toujours qu’on ait oublié quelqu’une des tendresses entrevues. On voudrait demander pardon et reprendre l’heure enfuie. C’est terrible et c’est délicieux. Nous marchions le long de l’eau qui clapotait sous les arches des ponts avec des brisures d’argent. La nuit était doucement venue et, dans les jardins du quai, les rossignols faisaient vibrer leurs petites gorges hérissées avec des rythmes tour à tour lents et précipités comme ceux de l’amour. Derrière le rideau des maisons on entendait la gaieté des jeunes filles affolées par le printemps et cela faisait comme un lointain accompagnement de guitare à la magnifique plainte du chanteur.

J’ai revu ce coin perdu de la ville. L’eau jaunie par les pluies courait avec des violences de torrent et des hoquets de femme soûle. Un merle sautillant dans une cage d’osier apprenait péniblement à siffler à la fenêtre d’un tonnelier martelant les barriques pour la vendange prochaine.

Je me rappelai l’hymne glorieux du rossignol et j’eus le soupçon que, tandis que je me torturais à pénétrer vos pensées, vous écoutiez fort tranquillement la belle chanson de l’oiseau

III

Puisque vous savez qu’il n’est qu’heur

Et malheur dans la destinée,

Mais qu’une douceur est donnée

Aux chères tortures du cœur,

Avant que le nôtre s’étonne

De ne plus savoir en souffrir,

Pour le garder de s’en guérir,

Aimons, aimons au temps d’automne!

Car, enfin, que vous m’ayez aimé ou non, ma chère; que ce soit en l’honneur des roses ou en souvenir du rossignol que vous m’avez accordé d’autres rendez-vous, nos entretiens furent doux dans la tiédeur des jours d’été que tamisaient les rideaux de la chambre bien close. Vous n’étiez pas autrement pressée de la quitter et vous aviez des serrements de main reconnaissants dans la voiture qui nous emportait trop vite vers une trop longue séparation. Aimer, ce n’est peut-être, au fond, qu’avoir l’illusion de l’amour. Mais on m’a conté que cette illusion n’avait qu’un temps. J’imagine que la vie doit être bien déserte ensuite. Vous faites-vous à l’idée de la supporter encore? A quoi bon vous y faire d’ailleurs? C’est du promontoire en fleurs de votre jeunesse épanouie que vous contemplez ce grand vide d’une mer sans voiles, inerte et sombre. Ainsi sera pourtant, bien que lointain et plus tardif que le mien, votre âge sans amours. N’est-ce pas une bien belle raison d’être pitoyable à qui vous implore? Regardez les bois. N’est-ce pas sous un riche manteau de pourpre et d’or qu’ils vont cacher, le plus longtemps possible, les noirs squelettes que découvriront les premières gelées? Avant de tomber aux bras mortels et glacés de l’hiver, la nature revêt ses plus magnifiques joyaux. Car l’automne, plus que le printemps et l’été, est le temps triomphal du paysage. Or, ce temps approche, madame, et vous pouvez l’entendre venir au bruit des premières feuilles tombées sur le sable, comme vous pouvez le respirer au parfum plus pénétrant des dernières roses. Et c’est pourquoi, plein du néant des choses à venir, je vous dis:

Aimons, aimons au temps d’automne!

En pleine fantaisie

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