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II.

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De plus, à la date du 27 avril 1859, le même ministre des affaires étrangères adressait la circulaire suivante à tous les agents diplomatiques de l’Empereur:

«Monsieur, la communication qui a été faite, par ordre de Sa Majesté Impériale, au Sénat et au Corps législatif, me dispense de revenir sur les incidents dont l’opinion publique s’était préoccupée depuis quelques semaines et qui ont fait l’objet de mes dernières dépêches. La gravité de la situation est devenue extrême et le dénouement qui s’annonce ne serait malheureusement pas celui que de loyaux et persévérants efforts s’étaient appliqués à préparer. Dans des conjonctures aussi sérieuses, c’est un grand soulagement pour le gouvernement de l’Empereur de pouvoir soumettre sans crainte à l’appréciation de l’Europe la question de savoir à quelle Puissance incombe la responsabilité des événements.

«Que l’état des choses en Italie fût anormal, que le malaise et la sourde agitation qui en résultaient constituassent un danger pour tout le monde, que la raison conseillât de conjurer, par une saine prévoyance, une crise inévitable, voilà ce que l’Angleterre, la Prusse et la Russie ont pensé en même temps que la France. L’unanimité des appréhensions a aussitôt créé la conformité des sentiments et des démarches. La mission du comte Cowley à Vienne, la proposition d’un congrès, émanée de Saint-Pétersbourg, l’appui prêté par la Prusse à ces tentatives d’accommodement, l’empressement de la France à adhérer aux combinaisons qui se sont succédé jusqu’à la dernière heure; tous ses actes, en un mot, ont été inspirés par un même mobile, par le vif et sincère désir de consolider la paix en ne fermant plus les yeux sur une difficulté qui menaçait si évidemment de la troubler.

Combat du Pont de Buffalora.


«Dans cette phase de l’affaire, monsieur, le gouvernement de l’Empereur a eu sa part d’initiative et d’action; mais cette part, je tiens à le constater, s’est toujours confondue dans une œuvre collective. La France a simplement offert son concours, en qualité de grande puissance européenne, pour régler, dans un esprit d’entente et de confiance avec les autres cabinets, une question qui excitait ses sympathies, je ne le dissimule pas, mais où elle n’apercevait encore ni des devoirs particuliers à remplir, ni des intérêts pressants à défendre. Le jour où le cabinet de Vienne avait promis, par des déclarations solennelles, de ne pas commencer les hostilités, il avait lui-même paru pressentir l’attitude que commanderait infailliblement au gouvernement de l’Empereur toute agression dirigée contre le Piémont.

«Une semblable assurance, en donnant à la médiation des puissances le temps de s’exercer, permettait d’espérer la prochaine convocation du Congrès. En effet, l’Angleterre venait de déterminer, avec l’assentiment de la France, de la Prusse et de la Russie, les dernières conditions de la réunion de cette assemblée où la place que la justice et la raison assignaient aux Etats italiens leur était accordée. La Sardaigne, de son côté, adhérait au principe du désarmement simultané et préalable de toutes les puissances qui, depuis quelque temps, avaient augmenté leur effectif militaire. A ces présages de paix, le cabinet de Vienne oppose tout à coup un acte qui, pour le caractériser comme il doit l’être, est l’équivalent d’une déclaration de guerre.

«Ainsi l’Autriche détruit isolément, et de parti pris, le travail suivi avec tant de patience par l’Angleterre, secondé avec tant de loyauté par la Russie et la Prusse, facilité avec tant de modération par la France. Non-seulement elle ferme à la Sardaigne la porte du Congrès, elle la somme, sous peine de s’y voir contraindre par la force, de mettre bas les armes sans condition aucune et dans le délai de trois jours.

«Un formidable appareil de guerre se déploie en même temps sur les rives du Tessin, et c’est, à vrai dire, au milieu d’une armée en marche que le général en chef autrichien attend la réponse du cabinet de Turin.

«Vous connaissez, monsieur, l’impression causée à Londres,. à Berlin et à Saint-Pétersbourg par la résolution si inopportune et si fatale du cabinet de Vienne. L’étonnement et le déplaisir des trois Puissances se sont traduits par une protestation dont l’opinion publique s’est aujourd’hui rendue l’écho dans toutes les parties de l’Europe.

«Si l’Angleterre, la Prusse et la Russie, par la démarche qu’elles se sont hâtées d’accomplir, ont pu dégager pleinement leur responsabilité morale et satisfaire aux exigences de leur dignité offensée, le gouvernement de l’Empereur, mû d’ailleurs par des considérations analogues, avait à marquer davantage son attitude, et d’autres obligations lui étaient imposées. Rien ne modifie la solidarité qui s’était établie au début entre nous et les puissances médiatrices; la question demeure au fond la même, mais nous avons une trop grande confiance dans les dispositions dont ces Puissances nous ont fourni d’éclatants témoignages, pour douter un seul instant qu’elles se méprennent sur le sens de la politique que d’anciennes traditions et des nécessités impérieuses de position géographique nous indiquent si naturellement,

«La France, depuis un demi-siècle, n’a jamais prétendu exercer en Italie une influence intéressée, et ce n’est pas elle assurément que l’on peut accuser d’avoir tenté de réveiller le souvenir de luttes anciennes et de rivalités historiques. Tout ce qu’elle a demandé jusqu’ici, et les traités sont d’accord avec ses vœux, c’était que les Etats de la Péninsule vécussent de leur vie propre et n’eussent dans leurs affaires intérieures, comme dans leurs rapports avec l’étranger, qu’à compter avec eux-mêmes. Je ne sache pas qu’à cet égard on pense, à Londres, à Berlin et à Saint-Pétersbourg, d’une autre façon qu’à Paris; quoi qu’il en soit, les circonstances ont investi l’Autriche, vis-à-vis les diverses Puissances de l’Italie, d’une situation jugée unanimement prépondérante.

«La Sardaigne seule a échappé jusqu’à présent à une action qui a altéré, de l’aveu général, dans une partie importante de l’Europe, le système d’équilibre qu’on avait voulu y établir. Partout ailleurs ce fait était fort grave; mais, quels que fussent nos sentiments intimes, il pouvait nous suffire, avec les opinions que nous connaissons aux autres cabinets, de leur signaler le mal à corriger.

«Unetelle réserve, monsieur, lorsqu’il s’agit de la Sardaigne, deviendrait un oubli de nos intérêts les plus essentiels. Ce n’est pas la configuration du sol qui couvre, de ce côté, une des frontières de la France: les passages des Alpes ne sont pas entre nos mains, et il nous importe au plus haut point que la clef en reste à Turin, uniquement à Turin. Des considérations françaises, mais des considérations également européennes, tant que le respect des droits et des intérêts légitimes des Puissances continuera à servir de règle à leurs rapports réciproques, ces considérations, dis-je, ne permettent pas au gouvernement de l’Empereur d’hésiter sur la conduite qu’il a à tenir quand un Etat aussi considérable que l’Autriche prend envers le Piémont le ton de la menace et se prépare ouvertement à lui dicter des lois. Cette obligation emprunte une gravité nouvelle au refus de l’Autriche de discuter avant d’agir. Nous ne voulons, à aucun prix, nous trouver en face d’un fait accompli, et c’est ce fait que le gouvernement de l’Empereur est résolu à empêcher. Ce n’est donc pas une attitude offensive, c’est une mesure de défense que nous adoptons en ce moment.

«De vieux souvenirs, la communauté des origines, une récente alliance des Maisons souveraines nous unissent à la Sardaigne. Ce sont là des raisons sérieuses de sympathie et que nous apprécions à toute leur valeur, mais qui ne suffiraient peut-être pas à nous décider. Ce qui nous trace sûrement notre voie, c’est l’intérêt permanent et héréditaire de la France, c’est l’impossibilité absolue pour le gouvernement de l’Empereur d’admettre qu’un coup de force établisse au pied des Alpes, contrairement aux vœux d’une nation amie et à la volonté de son souverain, un état de choses qui livrerait l’Italie tout entière à une influence étrangère.

«Sa Majesté Impériale, strictement fidèle aux paroles qu’elle a prononcées lorsque le peuple français l’a rappelée au trône du chef de sa dynastie, n’est animée d’aucune ambition personnelle, d’aucun désir de conquête. Le temps n’est pas éloigné où l’Empereur a prouvé, dans une crise européenne, que la modération était l’âme de sa politique. Cette modération, à l’heure qu’il est, préside avec la même force à tous ses desseins, et, tout en sauvegardant les intérêts que la Providence lui a confiés, Sa Majesté ne songe pas, vous pouvez en donner autour de vous l’assurance la plus positive, à séparer ses vues de celles de ses alliés. Loin de là, son gouvernement, en se référant aux incidents qui ont marqué les négociations des semaines précédentes, nourrit le ferme espoir que le gouvernenement de Sa Majesté Britannique continuera à persévérer dans une attitude qui, en unissant par un lien moral la politique des deux pays, permet aux Cabinets de Paris et de Londres de s’expliquer sans réserve et de combiner, selon les éventualités, une entente destinée à préserver le continent des effets de la lutte qui peut surgir à l’une de ses extrémités. La Russie, nous en avons la profonde conviction, sera toujours prête à diriger ses efforts vers le même but. Quant à la Prusse, l’esprit tout à la fois impartial et conciliant dont elle a fait preuve dès l’origine de la crise, est un sûr garant de ses dispositions à ne rien négliger pour en circonscrire l’explosion.

«Nous souhaitons, d’une façon toute particulière, que les autres puissances qui composent la Confédération germanique ne se laissent pas égarer par les souvenirs d’une époque différente. La France ne peut voir qu’avec peine l’agitation qui s’est emparée de quelques Etats de l’Allemagne. Elle ne comprend pas que ce grand pays, d’ordinaire si calme et si patriotiquement imbu du sentiment de sa force, puisse croire sa sécurité menacée par des événements dont le théâtre doit rester éloigné de son territoire. Le gouvernement de l’Empereur veut donc penser que les hommes d’Etat de l’Allemagne reconnaîtront bientôt qu’il dépend en grande partie d’eux-mêmes de contribuer à limiter l’étendue et la durée d’une guerre que la France, s’il lui faut la soutenir, aura du moins la conscience de n’avoir pas provoquée.

«Je vous invite, Monsieur, à vous inspirer des considérations développées dans cette dépêche dans votre plus prochain entretien avec M... et à lui en laisser copie. Devant la netteté du langage que je vous tiens ici par ordre de l’Empereur et qui implique, dans la pensée de Sa Majesté, le désir d’offrir aux autres Cabinets toutes les garanties possibles pour les amener à une appréciation vraie de la situation et les rassurer, en ce qui les concerne, sur ses conséquences, il m’est difficile de supposer que le gouvernement de... n’accueille pas nos explications avec une confiance égale à celle qui me les a dictées.

«Recevez, etc.

«WALEWSKI.»

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