Читать книгу Histoire de la guerre d'Italie - Charles Marchal - Страница 26
VI.
ОглавлениеLe 28 Avril, la Gazette de Vienne publia le manifeste de l’Empereur d’Autriche, conçu en ces termes:
A MES PEUPLES.
«J’ai donné l’ordre à ma vaillante et fidèle armée de mettre un terme aux attaques, récemment arrivées au plus haut point, que dirige depuis une série d’années l’État voisin de la Sardaigne contre les droits incontestables de ma couronne et l’inviolabilité de l’Empire que Dieu m’a confié.
«J’ai accompli ainsi mon devoir pénible, mais inévitable, de chef de l’Etat.
«La conscience en paix, je puis élever mes regards vers le Dieu tout-puissant et me soumettre à son arrêt.
«Je livre avec confiance ma résolution au jugement impartial des contemporains et de la postérité. Quant à mes peuples, je suis sûr de leur assentiment.
«Lorsque, il n’y a pas plus de dix ans, le même ennemi, violant toutes les règles du droit des gens et tous les usages de la guerre, vint se jeter en armes sur le royaume lombard-vénitien, sans qu’on lui en eût donné aucun motif, et dans le seul but de s’en emparer; lorsque, dans deux combats glorieux, il eut été battu par mon armée, je n’écoutai que la voix de la générosité, je lui tendis la main et lui offris la réconciliation.
«Je ne me suis pas approprié un seul pouce de son territoire, je n’ai porté atteinte à aucun des droits qui appartiennent à la couronne de Sardaigne dans la famille des peuples européens, je n’ai exigé aucune garantie contre le retour de semblables événements; dans la main qui vint presser, en signe de réconciliation, celle que j’avais sincèrement offerte et qui fut acceptée, j’avais cru ne trouver que la réconciliation seule.
«J’ai sacrifié à la paix le sang qu’avait versé mon armée pour défendre l’honneur et les droits de l’Autriche.
«Comment répondit-on à cette générosité , peut-être unique dans l’histoire? On recommença de suite à faire preuve d’une inimitié qui, croissant d’année en année, provoqua, par tous les moyens les plus déloyaux, une agitation dangereuse pour le repos et le bien-être de mon royaume lombard-vénitien.
«Sachant bien ce que je dois à la paix, ce bien précieux pour mes peuples et pour l’Europe, je supportai patiemment ces nouvelles attaques. Ma patience n’était pas encore épuisée lorsque les mesures de sûreté plus étendues que m’a forcé de prendre en ces derniers temps l’excès des provocations sourdes qui se produisaient aux frontières et à l’intérieur même de mes provinces italiennes, furent de nouveau exploitées par la Sardaigne pour tenir une conduite plus hostile encore.
«Tout disposé à tenir compte de la médiation bienveillante des grandes Puissances amies pour le maintien de la paix, je consentis à prendre part à un congrès des cinq grandes Puissances.
«Quant aux quatre points proposés par le gouvernement anglais et transmis au mien comme base des délibérations du congrès, je les ai acceptées à la condition qu’ils pourraient faciliter l’œuvre d’une paix vraie, sincère et durable.
«Mais étant convaincu que mon gouvernement n’a fait aucune démarche capable de conduire, même de très-loin, à la rupture de la paix, j’exigeai en même temps le désarmement préalable qui est cause de tout le désordre et du danger qui menace la paix.
Passage des Apennins par l’armée française.
«Enfin, sur les instances des puissances amies, je donnai mon adhésion à la proposition d’un désarmement général.
«La médiation vint échouer contre les conditions inacceptables que mettait la Sardaigne à son consentement.
«Il ne restait plus alors qu’un seul moyen de maintenir la paix. Je fis immédiatement adresser au gouvernement du roi de Sardaigne une sommation d’avoir à mettre son armée sur le pied de paix et de licencier ses volontaires.
«La Sardaigne n’ayant pas obtempéré à cette demande, le moment est venu où le droit ne peut plus être maintenu que par la force des armes.
«J’ai donné à mon armée l’ordre d’entrer en Sardaigne.
«Je connais la portée de cette démarche, et, si jamais les soucis du pouvoir ont pesé lourdement sur moi, c’est en ce moment. La guerre est un des fléaux de l’humanité ; mon cœur s’émeut en pensant à tant de milliers de mes fidèles sujets dont ce fléau menace et la vie et les biens; je sens profondément combien sont douloureuses pour mon empire les épreuves de la guerre au moment même où il poursuit avec ordre son développement intérieur et où il aurait besoin pour l’accomplir que la paix fût maintenue.
«Mais le cœur du monarque doit se taire lorsque l’honneur et le devoir seuls commandent.
«L’ennemi se tient en armes sur nos frontières; il est allié au parti du bouleversement général, avec le parti hautement avoué de s’emparer des possessions de l’Autriche en Italie. Il est soutenu par le souverain de la France, lequel, sous des prétextes qui n’existent pas, s’immisce dans les affaires de la Péninsule qui sont réglées par des traités, et fait marcher son armée au secours du Piémont. Déjà des divisions de cette armée ont franchi la frontière sarde.
«La couronne que mes aïeux m’ont transmise sans tache a eu déjà de bien mauvais jours à traverser, mais la glorieuse histoire de notre patrie prouve que souvent, lorsque les ombres d’une révolution qui met en péril les biens les plus précieux de l’humanité menaçaient de s’étendre sur l’Europe, la Providence s’est servie de l’épée de l’Autriche, dont les éclairs ont dissipé ces ombres.
«Nous sommes de nouveau à la veille d’une de ces époques où des doctrines subversives de tout ordre existant ne sont plus prêchées seulement par des sectes, mais lancées sur le monde du haut même des trônes.
«Si je suis contraint à tirer l’épée, cette épée est consacrée à défendre l’honneur et le bon droit de l’Autriche, les droits de tous les peuples et de tous les Etats, et les biens les plus sacrés de l’humanité.
«Mais c’est à vous, mes peuples, qui, par votre fidélité pour vos souverains légitimes, êtes le modèle des peuples de la terre, c’est à vous que s’adresse mon appel. Apportez-moi, dans la lutte qui s’engage, votre fidélité dès longtemps éprouvée, votre abnégation, votre dévouement.
«A vos fils, que j’ai appelés dans les rangs de mon armée, j’envoie, moi leur capitaine, mon salut de guerre; vous devez les contempler avec fierté ; entre leurs mains l’aigle d’Autriche portera bien haut son vol glorieux.
«La lutte que nous soutenons est juste. Nous l’acceptons avec courage et confiance.
«Nous espérons n’être pas seuls dans cette lutte.
«Le terrain sur lequel nous combattons est aussi arrosé du sang des peuples de l’Allemagne, il a été conquis et conservé jusqu’à ce jour comme un de leurs remparts; c’est par là que presque toujours les ennemis les plus astucieux de l’Allemagne ont commencé lorsqu’ils voulaient briser sa puissance à l’intérieur. Le sentiment de ce danger est répandu aujourd’hui dans l’Allemagne entière, de la cabane au trône, d’une frontière à l’autre.
«C’est comme prince de la Confédération germanique que je vous signale le danger commun, que je vous rappelle ces jours glorieux où l’Europe dut sa délivrance à l’ardeur et l’unanimité de notre enthousiasme.
«Avec Dieu pour la patrie!
«Donné à Vienne, ma résidence et capitale de mon empire.
«Ce 28 avril 1859.
«FRANÇOIS-JOSEPH.»