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I.
Les rois chassés, le consulat établi.

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Table des matières

Election des consuls.

LES Romains, assemblés par tribus&par curies, avoient porté le decret irrévocable contre la royauté. C’étoit véritablement l’ouvrage de la nation, puisque dans cette espece de comices, tous les suffrages étoient égaux. Mais quand il fallut pourvoir au gouvernement de la république, les patriciens, attentifs à leurs intérêts, préférerent les comices par centuries, où la premiere classe l’emportoit sur toutes les autres. On tira de leur corps deux magistrats annuels, qui, sous le nom modeste de consuls, exercerent l’autorité royale. Brutus, auteur de la conspiration,&Collatin, mari de Lucrece, furent nommés au consulat. Le nom de roi avoit sans doute quelque chose de sacré, puisqu’on ne l’abolit pas entièrement. On créa un nouveau facerdoce, auquel ce titre fut attaché; mais le roi des sacrifices n’eut aucune autorité dans les affaires civiles.

Conspiration en faveur de Tarquin,

Tarquin abandonné de ses troupes, s’étoit réfugié à Tarquinie. Les Etrusques envoyerent une ambassade à Rome, sous prétexte de demander la restitution de ses biens. Quelques jeunes Romains furent séduits par ces dangereux ambassadeurs, &conspirerent en faveur d’un roi qu’ils croyoient persécuté, ou dont ils ambitionnoient les bonnes graces. Un esclave découvre le complot. Les deux fils de Brutus se trouvant au nombre des coupables, leur pere prononça lui-meme contr’eux la sentence de mort,&les fit exécuter en sa présence: exemple affreux, mais qu’il crut nécessaire pour couper jusqu’à la racine du mal. Les biens de Tarquin surent livrés au peuple. On renvoya les ambassadeurs Etrusques, dont la perfidie avoit violé le droit des gens. Ce trait de modération fait d’autant plus d’honneur aux Romains, que les ennemis de leur liberté devoient leur paroître plus odieux.


No14.

Planche XIV.

Le consul Junius Brutus juge en présence du peuple ses deux fils, &les fait mettre à mort,

Collatin.

Collatin parut suspect, uniquement pour s’être montré moins rigide que Brutus envers les conspirateurs: on l’auroit banni, s’il n’avoit abdiqué le consulat, suivant l’avis de son collégue. Celui-ci mourut les armes à la main, dans une bataille contre Aruns, fils du roi. Ils se percerent mutuellement de coups mortels,&la liberté fut cimentée du sang de son principal auteur. On fit l’oraison funebre de Brutus; les femmes porterent le deuil une année entiere.

Publicola.

L’esprit de liberté est si ombrageux, que Valérius-Publicola, nouveau consul, homme populaire, fut soupçonné d’aspirer à la tyrannie, parce qu’il bâtissoit une maison sur un terrein qui dominoit la place publique. Pour regagner la confiance des Romains, il démolit sa maison, il ôta les haches des faisceaux de ses licteurs; il voulut que les faisceaux fussent baissés devant l’assemblée du peuple; il permit de tuer quiconque tenteroit de s’ériger en souverain; il permit d’appeller au peuple des jugemens mêmes des consuls; il confia enfin le trésor public à deux sénateurs choisis par le peuple. Sa conduite le fit élire consul quatre sois. Elle devoit naturellement déplaire au sénat, trop jaloux de l’autorité; mais on avoit besoin du peuple contre l’ennemi.

Porsenna.

Le plus puissant roi de l’Etrurie, Porsenna, avoit épousé la querelle de Tarquin,&parut bientôt aux portes de Rome, Le sénat s’étoit précautionné, soit en faisant des provisions de vivres, soit en déchargeant de tout impôt les citoyens pauvres, que le mécontentement pouvoir exciter à la révolte. On déclara qu’ils payoient un assez grand tribut, par les enfans qu’ils donnoient à la république. Cependant la ville auroit peut-être succombé, sans l’action presque incroyable d’Horatius-Coclès, qui défendit seul le pont du Tibre, tandis qu’on travailloit à le rompre, pour empêcher l’ennemi de passer. Le siege se tourna en blocus, la famine étoit à craindre. Mucius-Scévola, jeune homme intrépide, se croyant tout permis pour délivrer Rome, pénétra, dit-on, dans le camp du roi étrusque, dans sa tente même, résolu de l’assassiner aux dépens de sa propre vie. Il manqua son coup par méprise. Interrogé sur le motif de son attentat,&sur les complices qu’il pouvoit avoir, on chercha à l’effrayer en ordonnant l’appareil des tortures les plus cruelles&de mille supplices affreux; il répondit sans se laisser ébranler: je suis Romain,&je sais souffrir; puis regardant avec fierté le roi, qui commandoit qu’on l’environnât de flammes pour le forcer à s’expliquer sans détour, il porta sur le champ sa main droite sur un brasier ardent,&comme pour la punir, il la laissa brûler sans montrer la plus légère émotion. Ensuite il dénonça fiérement à Porsenna que plusieurs autres citoyens avoient formé le même projet. Comment les historiens de Rome ont-ils pu célébrer ce trait, condamné par toutes les loix des nations? Porsenna se montra plus généreux en renvoyant l’assassin. Il conclut la paix avec les Romains.

Planche XV.

Defense du pont de Rome par Horatius. Coclès,&deux autres guerriers intrépides.

Planche XVI.

Attentat de Mucius-Scévola sur la vie de Porsenna.

Clélie.

Dès qu’on eut livré les otages, Porsenna fit sortir ses troupes du Janicule. Les otages étoient au nombre de vingt: dix jeunes patriciens,&autant de filles de condition. Entre ces dernieres étoit la jeune Clélie, d’une des premieres maisons de Rome. Les honneurs dont elle avoit vu récompenser le mérite de Coclès&de Mucius, l’animerent à en mériter de pareils. Elle osa, pour sortir des mains de Porsenna, passer le Tibre à la nage à la tête de ses compagnes, &rentra avec elles dans Rome comme en triomphe. Les Romains craignant qu’on ne prît l’audace de ces filles pour une perfidie de leur part, les renvoya sur le champ à Porsenna. Le roi, juste estimateur du mérite par-tout où il l’appercevoit, donna de grands éloges à la jeune Clélie; pour marque de son estime, il lui fit présent d’un beau cheval superbement enharnaché,&lui permit de s’en retourner&d’emmener avec elle la moitié des otages à son choix. Elle se conduisit dans ce choix d’une façon qui lui fit honneur: elle préfera les plus jeunes, parce que leur âge les exposoit davantage. Porsenna touché de tant d’actions éclatantes dont il avoit été le témoin, ne put s’empêcher de relever le bonheur d’une ville, qui portoit non-seulement tant de grands hommes, mais encore de jeunes filles qui disputoient aux hommes le mérite de la valeur.


N.o15.


No16.


No17.


No.18.

Plan. XVII.

Présens de Porfenna à Clélie.

Pl. XVIII.

Monumens érigés par les Romains à Horatius-Coclès, Scévola&Clélie.

Fin de Publicola.

Horatius-Coclès, Mucius-Scévola&Clélie furent comblés d’honneurs&de récompenses. On érigea à Horatius-Coclès& à Clélie des statues,&on donna des terres à Scévola. C’étoit ainsi que Rome formoit des héros en honorant le courage. Elle perdit dans Valérius-Publicola un vrai modele du patriotisme. Après quatre consulats, il mourut pauvre. On fit ses funérailles aux frais du public,&le deuil que porterent un an les dames Romaines, comme pour Brutus, fut une expression éclatante des regrets de la patrie.

Principe des divisions,

Rome avoit dans son propre sein un principe de soulévement. Les patriciens en général, loin d’être comme auparavant les peres du peuple, ne cherchoient qu’à en devenir les maîtres. L’inégalité de fortune croissoit tous les jours,&avec elle les semences de division. Les pauvres, après avoir accumulé dettes sur dettes, se trouvoient exposés aux violences de créanciers impitoyables, qui les mettoient en prison, ou les réduisoient en servitude. Accablé de vexations, le peuple déclara qu’il ne s’enrôleroit point pour la guerre, à moins qu’on n’abolît les dettes. Quelques-uns menacerent même de quitter la ville.

Avis d’Appins-Claudius sur les dettes,

Valérius, frere de Publicola, propose l’abolition des dettes, comme un parti qu’exigent l’humanité&la prudence. Mais Appius-Claudius, riche Sabin, établi nouvellement à Rome, fier, dur&inflexible, représente qu’abolir les dettes, seroit ruiner la foi publique; qu’on pouvoit avoir de l’indulgence pour les débiteurs, qui n’avoient point mérité leur infortune par une mauvaise conduite; mais que les autres étant la honte de Rome, on ne devoit pas les regretter, s’ils l’abandonnoient; que du reste, on exciteroit la sédition en mollissant.

Etablissement de la distature,

Le sénat renvoya la décision après la guerre, se contentant de suspendre toutes les dettes dans cet intervalle. L’ennemi approchoit. Les mutins s’échaussent davantage,&refusent de prendre les armes, jusqu’à ce qu’on ait accordé leur demande. On proposa, pour mettre fin aux dissentions, de créer un magistrat, nommé Dictateur, qui auroit toute l’autorité entre les mains,&qui gouverneroit souverainement la république, dans les conjonctures où les regles ordinaires étoient impuissantes: il ne devoit rester en charge que six mois, de peur que son pouvoir ne dégénérât en tyrannie. Le peuple, facile à tromper sur l’avenir, qu’il ne prévoit point, approuva sans peine cet expédient.

An de Rome

255.

Elle ne fut pas briguée,&on n’en abusa pas.

C’étoit à l’un des consuls qu’on réservoit la nomination du dictateur: le peuple devoit seulement la confirmer. Les deux consuls, Clélius&Lartius, se disputerent généreusement à qui nommeroit son collegue. Lartius céda,&fut dictateur. On doit admirer, comme un des principaux phénomenes de l’histoire, que la dictature, donnant le droit de vie&de mort,&le pouvoir le plus despotique, ait été souvent le salut de Rome; qu’aucun ambitieux n’en ait abusé; qu’on l’ait même abdiquée avant les six mois, dès que son objet étoit rempli. Sylla fut le premier exemple d’usurpation à cet égard: tant les loix avoient d’empire sur l’ame des Romains!

Effet de la création du dictateur.

D’abord Lartius créa un général de la cavalerie, (magister equitum) dont la charge devoit durer autant que la sienne; ce qui fut toujours observé depuis. Ensuite, avec un cortege de vingt-quatre licteurs, qui portoient des faisceaux armes de haches, il se montra résolu de punir sévérement le crime &la révolte. Ses jugemens étant sans appel, les mutins tremblerent, ils sentirent la nécessité de l’obéissance. On fit le dénombrement des citoyens; on en trouva plus de cent cinquante mille au-dessus de l’âge de puberté. Le dictateur leva des troupes comme il voulut. Les Latins, qui menaçoient Rome, desirerent une suspension d’armes; il conclut la treve,&se démit aussi-tôt de la dictature.

Bataille de Régille.

Dès que la treve fut expirée, les Latins reprirent les armes. Un second dictateur parut nécessaire. Postumius, revêtu de cette dignité, marcha contre les ennemis. Leur armée montoit à quarante-trois mille hommes. Il n’en avoit que vingt-cinq mille. La sanglante bataille de Régille fixa le fort de la république. Titus&Sextus, fils du tyran, y furent tués. A peine échappa-t-il dix mille Latins. Ce peuple demanda la paix,&se fournit. Tarquin mourut à Cumes dans la Campanie, accablé de vieillesse&d’infortune.

Les troubles recommencent.

Les patriciens avoient gardé quelques ménagemens envers le peuple, tant qu’ils craignoient de le voir rappeller Tarquin. Délivrés de cette inquiétude, ils redoublerent leurs violences. Toute la ville fut bientôt remplie de vexations &de murmures. Un vieillard s’échappe de prison; se montre dans la place, maigre, hideux; il découvre les cicatrices des blessures qu’il a reçues à la guerre,&les traces récentes des coups, dont un impitoyable créancier l’a fait déchirer; il raconte ses malheurs causés par l’avarice d’autrui. Le peuple entre en fureur; le sénat s’assemble; Appius-Claudius opine, comme il avoit fait auparavant, à ne rien accorder &à punir.

Servilius adoucit le peuple.

Dans cette circonstance, les Volsques s’avancent avec une nombreuse armée. Les plébéiens ne dissimulent point leur joie,&déclarent que les patriciens peuvent aller combattre, puisqu’eux seuls profitent des victoires. Mais la douceur du consul Servilius, ses promesses qu’on satisferoit le peuple, la suspension des dettes accordée en attendant, l’amour de la patrie ranimé par l’espérance, calment ces braves citoyens. Les débiteurs à l’envi se font enrôler. Servilius défait les Volsques,&partage tout le butin aux soldats.

Plan. XIX.

Retraite du peuple au mont Sacré.

Comme le sénat, excité par Appius, refusoit toujours de satisfaire le peuple, la sédition étoit sur le point d’éclater. Les consuls, qui avoient chacun leur armée encore sur pied, ordonnerent aux soldats de les suivre, sous prétexte d’une nouvelle guerre. Ils comptoient sur la force du ferment, dont la religion faisoit une loi inviolable pour les Romains. On imagina un expédient frivole, qui servit à éluder la loi: ce fut d’enlever furtivement les enseignes,&de se retirer avec elles. Les soldats juroient de ne point les abandonner. Ils se nommerent des officiers,&établirent leur camp sur le Mont-Sacré, au-delà du Tévéron, à trois milles de Rome. Cette désertion imprévue apprit au sénat combien il s’étoit fait tort à lui-même, par sa dureté&son injustice. Le peuple sortoit en foule,&couroit au Mont-Sacré.

Suites de cette sédition.

Les députés qu’on envoya aux séditieux, rapporterent pour réponse, qu’après tant de promesses violées, il n’étoit plus possible de se fier au sénat; que les patriciens voulant dominer en maîtres de Rome, pouvoient y rester les maîtres; mais que les pauvres citoyens vouloient être libres, &que leur patrie seroit le lieu où ils jouiroient de leur liberté. Ce qui étonne davantage, c’est l’ordre&la discipline qu’on voit regner dans leur camp. Point de tumulte, ni de violences. Ils descendent de la montagne pour chercher des vivres, se contentent du pur nécessaire,&retournent tranquillement à leur poste. Jamais armée n’avoit paru plus digne de ce nom fous les consuls.

Parti que prend le sénat.

Cette modération même étoit inquiétante pour le sénat. Elle annonçoit une entreprise bien concertée,&des forces redoutables prêtes à fondre sur la ville. La consternation fut générale. Personne n’osa briguer le consulat; il fallut même obliger deux sénateurs à le recevoir. On remit en délibération l’affaire des dettes; on nomma dix députés pour traiter avec le peuple; on leur donna plein pouvoir de conclure, aux conditions qu’ils jugeroient avantageuses à la république. Appius&les jeunes sénateurs s’opposerent en vain à ce parti. Leurs conseils violens avoient eu des suites trop sunestes, pour étousser encore les sentiments d’humanité. Les choses en étoient au point, que sans accorder beaucoup au peuple, il étoit impossible de rétablir l’ordre&la paix. C’est ainsi que l’abus de l’autorité amene les révolutions.


No19.

Abrégé de l'histoire romaine

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