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CHAPITRE IV.

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Table des matières

La Savoie se modelait sur la France; le 21 octobre, les députés de toutes ses communes se trouvèrent réunis à Chambéry pour exprimer le vœu et les désirs de la population. Dans la première séance, tenue le même jour, on procéda à la vérification des pouvoirs; dans la seconde, l’assemblée examina les délibérations des communes, et le dépouillement établit que sur six cent cinquante communes, plus de six cents avaient voté pour la réunion à la république française. Les soixante et dix communes du Faucigny, dit Joseph Dessaix , avaient toutes voté pour la France; cela n’a rien de surprenant, les votes ayant été, sans doute, recueillis dans la plupart d’entre elles de la même manière qu’à Megève. La commune de Saint-Gervais, dit encore le même écrivain, avait donné plein pouvoir à son député sur ce point. Six communes du Faucigny déclarèrent qu’un intérêt particulier et de puissants motifs nécessitaient pour elles l’établissement d’un siége de justice et d’administration publique à Sallanches; qu’ainsi les vingt et une communes, se réunissant avec le chef-lieu, devraient être érigées en district eu égard à la grande distance qui les séparait de Bonneville, tandis que Sallanches était leur point central de réunion. Les procès-verbaux ne font connaître que quatre de ces six communes, savoir: Bellecombe, Crest-Voland, Saint-Nicolas-la-Chapelle et Combloux. La cinquième, nous le croyons, était Megève, qui, le 9 décembre, députa de nouveau Angelon Tissot à l’assemblée générale tenue le 15 du même mois à Sallanches, pour y prendre, avec les députés des communes du haut Faucigny, tous les moyens convenables aux fins d’ériger le bas en district distinct, et de constituer Sallanches en chef-lieu .

En prenant acte du vœu des communes, les députés de la Savoie, ainsi réunis dans la capitale, proclamèrent leur souveraineté et se déclarèrent constitués en Assemblée nationale des Allobroges. L’homme influent dans cette assemblée, qui siéga huit jours seulement, celui qui dirigea tout et dicta presque tous les décrets, fut le commissaire Simond. Suivons un instant les faits et gestes de cette constituante savoisienne.

«Dans sa séance du 23 octobre, dit S. E. le cardinal Billiet, elle prononça la déchéance de la maison de Savoie; ses membres prêtèrent ensuite le serment d’être fidèles à la nation, de maintenir la liberté ou de mourir en la défendant, puis, enfin, celui de ne plus reconnaître de royauté, ni de noblesse, ni rien qui pût blesser l’égalité.» Ne dirait-on pas le serment du Jeu de Paume prêté en 1789 par le tiers-état?

Le 22, après avoir fixé un traitement de 12 livres par jour aux députés, elle remplaça officiellement le nom de Savoisien par celui d’Allobroge; le 23, elle décréta que, parmi ses membres, ceux ayant des titres de noblesse devraient les déposer sur le bureau ou renoncer à leur députation. Le 26, elle reçut le vénérable évêque de Chambéry, Michel Conseil (de Megève) qui prononça le discours suivant:

«Citoyens,

«Le clergé de cette ville vient offrir ses hommages à la nation et l’assurer de son zèle à maintenir les vrais principes de la religion; il n’emploiera la confiance que les peuples pourraient lui accorder que pour leur inspirer la soumission aux lois qui caractérisera toujours le vrai citoyen. Nous sommes persuadés que cette glorieuse époque sera celle du bonheur et de la félicité de la nation allobroge, et que la postérité la plus reculée sera pénétrée de la plus vive reconnaissance pour le bienfait signalé que la république française vient de lui procurer .»

Vous vous trompez, pasteur vénérable, la postérité maudira au contraire la République française... je sais que les malheurs du temps vous imposaient votre langage; votre présence et vos avertissements ne pouvaient avoir la force de faire revenir à de meilleurs sentiments les esprits échauffés par la Révolution. Vous ne l’ignoriez pas; mais, ce que vous ne saviez pas encore, saint vieillard, c’est que vous seriez une de leurs premières victimes. Ecoutez plutôt ce qu’on va vous répondre. Le citoyen Doppet, prenant la parole, répondit en effet avec un ricanement de funeste augure que, «à la vérité, le peuple souverain ne tarderait pas à enlever au clergé tout ce qu’il possédait, mais que ceux de ses membres, qui sauraient accepter leur nouvelle position avec résignation, seraient bien payés de leurs sacrifices par l’estime et la confiance de leurs concitoyens, etc. .» Quelle poignante ironie, et surtout quelles espérances laissées à une adresse si confiante!... Il n’y avait pas à s’y méprendre, le clergé de Savoie ne pouvait plus se faire illusion, il allait être spolié comme celui de France.

Ce moment n’était pas loin, car l’Assemblée avait décidé la publication de la loi du 2 novembre 1789, par laquelle la Constituante s’était emparée en France de tous les biens ecclésiastiques; mais elle jugea opportun de différer quelques jours pour ne pas alarmer l’opinion publique; elle s’empressa cependant de prendre des mesures afin que rien ne pût lui échapper. Elle nomma des commissaires chargés de dresser note de tous les avoirs des communautés religieuses, en en puisant les éléments dans leurs registres. Le même jour, 26 octobre, elle porta un décret en vingt-six articles qui confisquait les biens du clergé séculier et régulier. Sous la dénomination de biens du clergé, elle comprit les prémices, dîmes, biens ruraux, édifices, créances, titres, etc., formant sa propriété ; toutes les bourses, capitaux, etc., formant la masse des possessions ecclésiastiques, et aussi les églises, oratoires, chapelles quelconques, ainsi que les meubles, effets, ustensiles en or et en argent qui s’y trouvaient.

Par l’article 5 du même décret, elle chargea les officiers municipaux et secrétaires des communes de faire l’inventaire de tous les biens de l’Église, tant mobiliers qu’immobiliers,

«avant lequel les administrateurs, receveurs,

«prieurs, etc. seront assermentés et sommés

«de dire la vérité.» L’article 9 confiait aux communes la surveillance de ces mêmes biens. Par l’article 11, elle supprima définitivement la dîme, de quelque nature qu’elle fût, à partir du 1er janvier 1793; mais, n’osant point encore spolier le clergé, elle décréta, par l’article 13, qu’à partir du 1er juillet 1793 le traitement des curés, dont le nombre s’élevait à plus de cinq cents individus, serait de douze cents livres dans les campagnes, de quinze cents dans les villes, outre le logement convenable et un jardin tel qu’il existe. Le traitement des vicaires devait être, à forme de l’article 22, de sept cents livres dans les campagnes et de huit cents dans les villes. L’article 15 supprimait tout casuel ecclésiastique, et, chose plus étrange encore, par l’article 15 l’Assemblée se chargeait de faire acquitter les fondations.

Dans la même séance, l’Assemblée prononça aussi la confiscation des biens appartenant aux émigrés, absents du pays dès le 1er août 1792 et qui n’y seraient pas rentrés dans deux mois. Le 27 octobre, elle abolit par un décret en huit articles la noblesse héréditaire, les livrées, les bancs, les fourches patibulaires, et enfin tous les droits féodaux. Le même jour, elle arrêta d’envoyer à la Convention de Paris une adresse exprimant, au nom du peuple savoisien, les sentiments qui l’animent . Le 29, elle élut les députés appelés à se rendre à Paris et les vingt et un membres de la Commission provisoire: après quoi elle prononça que les séances étaient finies et se déclara dissoute sous les auspices de la liberté et de l’égalité. Si l’on considère la nouveauté des circonstances, l’effervescence des esprits, la multiplicité des objets, etc., on conviendra sans peine que les députés n’auraient pu faire bien dans un temps plus long, et que des hommes du plus grand talent n’auraient pu faire mieux dans un temps aussi court. C’est la pensée de Joseph de Maistre .

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