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CHAPITRE VI.

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Table des matières

Le 21 novembre 1792 marquait l’entrée des députés allobroges à la Convention. Doppet, prenant la parole, rendit compte de la mission dont ils étaient chargés et donna lecture des pouvoirs, ainsi que de l’adresse allobrogique, qui fut couverte d’applaudissements. Le 27, le citoyen abbé Grégoire monta à la tribune pour développer l’opinion des comités diplomatiques et de constitution sur l’annexion de la Savoie et fit à ce sujet un très-long rapport. Un seul député se leva pour le combattre; mais la question ayant été mise aux voix, la Convention déclara, au nom du peuple français, la réunion de la ci-devant Savoie à la République française.

Le même jour, elle adopta un décret en six articles portant que la Savoie formerait provisoirement un 84e département, sous le nom de département du Mont-Blanc; que les assemblées primaires et électorales se formeraient incessamment pour nommer dix députés à la Convention, etc. Villars et Doppet prirent encore la parole, à laquelle le président Grégoire répondit en résumant le bonheur de l’Assemblée .

Selon l’article 1er du précédent décret, quatre commissaires furent nommés pour organiser le nouveau département, savoir: Philibert Simond, l’abbé Grégoire, Hérault et Jagot: en d’autres termes, un prêtre apostat, un évêque constitutionnel et deux jacobins. Sous leurs mains, la Savoie fut divisée en sept districts, 83 cantons et 652 communes; malgré ses représentations, Megève fut enclavé dans le district de Cluses et forma le septième canton, comprenant le Demi-Quartier et Praz, avec une population de 3110 habitants et cinq électeurs.

Dans la séance du 3 décembre, le président de la commission provisoire de Chambéry annonça que l’annexion de la Savoie était adoptée par la Convention; la joie fut bruyante, les applaudissements répétés, le canon gronda et l’on dépêcha des courriers pour annoncer aux communes l’heureuse nouvelle. Une messe d’action de grâce et un Te Deum furent célébrés à la cathédrale par Mgr Conseil lui-même

«Peut-être, dit S. E. le cardinal Billiet, peut

«être ne voulait-il pas que sa cathédrale fût

«souillée par le capucin apostat Arnaud, qui

«s’était offert à la dire.» Chaque commune reçut ensuite l’ordre d’accomplir une cérémonie semblable. «Dieu sait, s’écriait notre plébain,

«avec quelle intention nous nous en acquittâ-

«mes! Dans les villes où il y avait une musi-

«que, ajoutait-il, cette cérémonie fut pro-

«longée durant une heure, et, comme par déri-

«sion, on y ajouta le Magnificat, qui permettait

«de réciter le verset Deposuit potentes de sede.

«C’est ainsi qu’on se moquait ironiquement du

«roi de Sardaigne, dont le berceau venait d’être

«brisé, et qu’on se jouait de la religion, par cela

«même que l’on affectait de protester en sa

«faveur dans les cérémonies religieuses.»

Un événement plus important grossit bientôt l’agitation des esprits: il s’agissait de procéder à la formation de la municipalité, selon les termes du décret d’annexion. A Megève, deux grands partis étaient en présence; le plus nombreux toutefois pensait sagement et ne voulait admettre en charge aucun patriote, mais une multitude de formalités à observer et auxquelles le simple paysan n’était point habitué favorisait singulièrement le parti opposé. Le bon sens néanmoins triompha de la cabale, des personnes éclairées et bien intentionnées vinrent en aide aux ignorants. L’affaire était grave, et, selon l’expression du temps, on se tint longtemps l’épée aux reins. «Je défie l’Assemblée natio-

«nale de Paris, écrivait le plébain, d’observer

«plus scrupuleusement les moindres syllabes

«du manifeste qu’on ne le fit à Megève.» Toutes les assemblées convoquées à ce sujet eurent lieu à l’église; elles y étaient généralement de trois ou quatre cents votants rassemblés au son de la grande cloche, et chaque fois on dressait exactement la liste des assistants.

Les enfants âgés de vingt ans furent habiles à voter comme leurs pères, mais les mendiants et les domestiques étaient exclus, quoiqu’on vécut sous le règne de l’égalité. Peut-être que la charité et la douceur, étant des vertus fort peu connues aux républicains, les patriotes désespéraient de l’appui de cette classe de citoyens. Voici maintenant les formalités prescrites pour les élections.

Le plus ancien des électeurs, appelé au fauteuil, présidait l’assemblée; par le premier scrutin, on choisissait à volonté un autre président pour les séances suivantes et trois scrutateurs chargés de dépouiller les votes. Chaque électeur écrivait sur un bulletin les noms de ceux qu’il désirait élire et les portait aux scrutateurs chargés de les déposer dans l’urne. Quand tous les bulletins étaient ainsi réunis, les scrutateurs les dépouillaient; la pluralité des voix désignait les élus. Leur proclamation immédiate avait lieu au son de la cloche, et on procédait de nouveau à l’élection des autres membres ou officiers de la municipalité. Plusieurs charges, celle du maire, entre autres, exigeaient la majorité absolue des votes, tandis que d’autres ne demandaient que la majorité relative.

L’élection du maire se répartit, sauf quelques voix isolées, sur deux têtes; savoir: M. Defforges, notaire, homme éminemment religieux, et le châtelain Jean Millon, secrétaire de la paroisse. Le premier fut élu à une forte majorité ; son succès affligea beaucoup le parti opposé, qui ne sut point contenir les frémissements de sa colère. M. Defforges avait déjà longtemps gouverné les affaires de la commune: il était tout à la fois homme d’une probité reconnue, plein de prudence et dévoué aux principes conservateurs; aussi son élection, consacrée par une écrasante majorité, réjouit-elle les amis de l’ordre et de la justice. Conduite par un semblable chef, la municipalité aurait refusé évidemment de se prêter à tous les actes impies qui furent commis plus tard, lorsque ce citoyen eut été mis dans les fers. Parmi les officiers municipaux la plupart avaient les mêmes intentions, les mêmes sentiments que leur chef, mais on en comptait aussi quelques-uns dont les instincts révolutionnaires sauraient se montrer en temps opportun. Je consigne ici les noms de cette première municipalité, tels qu’on les voit dans la signature des procès-verbaux du temps. Ils furent pour la commune de Megève: Angelon Tissot, Jean-François Morand, Jean-Michel-Clément Berthet, Jean Conseil, André Ours, Pierre Soquet-Clerc, Jean-Baptiste Coutin, Jean-Baptiste Briches, Jean-Baptiste Muffat-Jeandet; pour le Demi-Quartier, Jean-François Arvin-Berod, Joseph-Marie Joly-Pottuz, Jean Muffat-Jeandet, Jean-François Grosset-Grange, Jean-François Allard, Jean-Nicolas Chatron-Michaud, Ambroise Grosset, secrétaire. Ces premières élections eurent lieu les 4, 5 et 6 décembre 1792.

Cette nouvelle organisation du conseil municipal ne devait être que provisoire; les élus étaient simplement tenus au serment de remplir fidèlement leur charge, de maintenir la liberté et l’égalité. Les électeurs restaient affranchis de tout serment. Leur ligne de conduite, et par suite leur conscience, gardait liberté entière. Il n’en fut pas de même un mois plus tard. Pour le succès de sa cause, la république adopta le sentiment de Lysandre, qui disait que l’on doit amuser les enfants avec des hochets et les hommes avec des serments.

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