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PRÉFACE.

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Table des matières

L’histoire générale ne peut étudier les faits que de haut et en grand; les détails s’effacent à ses yeux. Sans doute, la vérité ne devra pas nécessairement être altérée sous une plume impartiale; mais la vraie physionomie de l’époque n’y sera reproduite que d’une manière incomplète. Au contraire, par sa nature même, la monographie retrace avec toutes leurs nuances les faits et les actes de la vie locale. Elle devient indispensable pour suivre pas à pas les pensées et les actions de nos aïeux. Elle seule nous dira s’ils ont obéi à une pression étrangère, si les hommes du moment exprimèrent les sentiments de la masse, s’ils ont lutté contre le courant qui, à certaines époques, redoublait avec violence ses efforts contre les œuvres des siècles passés et contre ce que tant de générations d’hommes avaient fondé, respecté et honoré.

L’opportunité des travaux de détails se rencontre surtout avec les grandes époques des bouleversements sociaux; car alors les actes extérieurs revêtent souvent des couleurs fausses; le courage lui-même se dissimule en présence des dangers qu’on lui fait entrevoir pour le paralyser. Alors l’instinct de la prudence commande la réserve et la discrétion, parfois sous peine de mort; l’âme et le cœur du pays voilent leurs impressions; la conscience publique n’ose plus élever la voix, et, tandis que les actes officiels se plient sous la pression du pouvoir, les vrais sentiments des populations se réfugient dans l’ombre et le silence. Plus tard, pour les retrouver, l’historien devra étudier sur le théâtre même de la lutte; il devra interroger ou les souvenirs des vieillards qui s’éteignent chaque jour, ou quelques notes ignorées et incomplètes, restées enfouies dans les papiers des familles et si difficiles à exhumer.

La révolution de 89 et la terreur qu’elle traîna à sa suite forment précisément une de ces époques.

Aujourd’hui les passions sont calmées, les acteurs ont, disparu de la scène du monde; quelques rares témoins existent encore: le moment est venu de tout recueillir et de tout dire. C’est là une étude nécessaire, ne fût-ce que pour prévenir des erreurs historiques que fonderait l’examen des données officielles dépourvu de tout contrôle.

En Savoie, il existe plusieurs recueils inédits de notes sur la révolution; M. Burdet Aimé (Palais de l’Isle) en a consulté un, rédigé jour par jour, jusque dans les cavernes et les bois où la persécution pourchassait le zélé et courageux abbé Blanc. Des annotations journalières nombreuses aussi, mais sans liaison, existent dans ma famille. A Megève, le dernier plébain, témoin survivant à tant de ruines, écrivit un travail méthodique. C’est lui qui sera notre guide, et pourtant nous nous sommes fait un devoir de contrôler ses indications et de les corroborer, tantôt par la tradition locale, tantôt par les registres officiels.

Sans amertume, mais avec une sincérité entière, nous avons rappelé les souffrances imposées à notre pays. Chacun verra que l’hésitation, le manque d’initiative et d’entente au sein du parti politique le plus nombreux, ont aidé puissamment au succès passager des fléaux tolérés par les vues impénétrables de la Providence. Chacun aussi puisera, là, des leçons pour le jour où notre patrie verrait se déchaîner de nouveaux orages.

En vain, dans son triomphe, l’impiété a voulu et pu imposer son niveau égalitaire par la haine, l’orgueil et l’ingratitude; en vain elle a renversé, dépouillé, proscrit; jamais elle ne réussit à étouffer les sentiments et les convictions de la masse du peuple. Les principes religieux se conservèrent vivaces et leur germe mutilé a repris une nouvelle vigueur aussitôt que l’arc-en-ciel brilla sur un coin de l’horizon.

A côté de ce premier fruit que nos vœux désirent rattacher à notre œuvre, s’en joindra, nous l’espérons, un second. Puissions-nous trouver, dans les autres paroisses de la Savoie, des imitateurs qui soient nos maîtres! Alors, éclairée, grâce à tous les faits locaux, l’histoire générale pourra être établie sur des bases solides et vraies.

En attendant, nous avons cru être utile à la patrie, en groupant les dates et les faits d’une époque qui eut des grandeurs au milieu même des ruines et du sang, comme encore en reliant l’histoire d’une localité aux actes de la vie nationale. Et pius est patria facta referre labor, disait Ovide dans son exil.

Si Megève a eu des jours sombres, si quelques-uns de ses enfants ont été coupables, disons hautement que l’ensemble de la population a conquis une place honorable, par sa foi constante comme par son dévouement religieux; en assurer le souvenir auprès des générations à venir est pour nous un devoir.

A. DESPINE.

Histoire de Megève pendant la Révolution française

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