Читать книгу Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé - de Lenclos Ninon - Страница 4
LETTRES DE MMES. DE VILLARS, DE COULANGES, ET DE LA FAYETTE; DE NINON DE L'ENCLOS, ET DE MADEMOISELLE AÏSSÉ; Accompagnées de Notices biographiques, de Notes explicatives, et de la Coquette Vengée, par Ninon de l'Enclos.
SECONDE ÉDITION.
TOME PREMIER
LETTRES DE MADAME DE VILLARS, A MADAME DE COULANGES
LETTRE PREMIÈRE
ОглавлениеMadrid, 2 novembre 1679.
Me voici enfin à Madrid, où je suis résolue d'attendre tranquillement le retour du roi, et l'arrivée de la reine, sa femme. Je n'ai pas eu le courage d'aller à Burgos. M. de Villars, qui m'attendoit ici, est parti pour rejoindre le roi, qui va chercher la reine d'une telle impétuosité, qu'on ne peut le suivre; et si elle n'est pas encore arrivée à Burgos, il est résolu d'emmener avec lui l'archevêque de cette ville-là, et d'aller jusqu'à Vittoria, ou sur la frontière, pour épouser cette princesse. Il n'a voulu écouter aucun conseil contraire à cette diligence. Il est transporté d'amour et d'impatience. Ainsi, avec de telles dispositions, il ne faut pas douter que cette jeune reine ne soit heureuse. La reine douairière, qui est très-bonne et très-raisonnable, souhaite passionnément qu'elle soit contente. Je trouvai, en venant, toutes les dames, et tous les officiers de sa maison, qui est très-nombreuse, auprès de Burgos. La duchesse de Terranova, sa camarera mayor, fit arrêter sa litière auprès de la mienne. Elle me parut spirituelle et très-honnête, point aussi vieille que je me l'étois figurée. Toutes les dames et filles d'honneur me montroient de loin leurs mouchoirs que l'on met en l'air en signe d'amitié. Je pensai oublier d'en faire autant; et, si ma fille ne m'en eût fait aviser, j'allois débuter par une grande sottise. Vous ne sauriez vous imaginer quelles honnêtetés je reçois ici. La reine mère m'a envoyé son majordome pour savoir comment je me trouvois des fatigues de mon voyage, et me donner beaucoup de marques de bonté. On dit qu'elle n'a pas accoutumé d'en user de la sorte avec les autres ambassadrices; ce n'est pas à mon médiocre mérite que j'attribue cet honneur.
Je n'ai pas encore voulu recevoir de visites. J'attends le retour de M. de Villars. Il y a tant de manières et tant de cérémonies à observer, qu'il faut qu'il m'instruise de tout, depuis les moindres choses jusques aux plus importantes. Rien ne ressemble ici à ce qui se pratique en France.
Don Juan est mort de chagrin; le roi commençoit à lui en donner, en rappelant, sans lui en parler, plusieurs grands qu'il avoit exilés.
Je ne sais si la princesse d'Harcourt entrera dans le carrosse de la reine.
La connétable Colonne m'a envoyé visiter. Elle est toujours dans son couvent, dont elle s'ennuie fort; elle espère en sortir quand la reine sera ici, et loger chez sa belle-sœur, la marquise de los Balbasès. L'abbé de Villars, qui l'alla voir l'autre jour, l'a trouvée très-bien faite, et j'entends dire qu'elle n'est pas reconnoissable de ce qu'elle étoit en France: c'est une taille charmante, un teint clair et net, de beaux yeux, des dents blanches, de beaux cheveux. Elle a fait un livre de sa vie, qui est déjà traduit en trois langues, afin que personne n'ignore ses aventures: il est fort divertissant. Elle est habillée à l'espagnole d'un fort bon air, mais ayant retranché et augmenté, ce qui en effet est mieux.
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