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Le Comte de Lasteyrie du Saillant

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CHARLES-Anet-Victorin de Lasteyrie, Comte du Saillant, était originaire de Voutezac en Corrèze. Entré à treize ans, en 1772, aux Gardes du Corps du Roi, il fut nommé en 1779 capitaine de dragons au Régiment de Noailles. L’année suivante, il était présenté à la cour et avait l’honneur de monter dans les carosses du Roi. Après la chute de Louis XVI, il émigra et prit du service dans l’armée de Condé. Plus tard, rentré en France, il se rallia au nouveau gouvernement et fut nommé, en 1810, chambellan de Napoléon, et, l’année suivante, préfet du département de la Lippe.

En 1798, il épousait, en secondes noces, Fortunée de Berghes Saint-Winock, qui lui apportait l’importante terre de Boubers, seigneurerie échangée avec la terre d’Olhain et venant des Princes de Raches. Les grands bois qui entouraient la propriété, encore fort peuplés, lui donnèrent le goût de la chasse et il fut nommé lieutenant de louveterie par Napoléon.

Le château de Boubers, bâti par la Princesse de Raches, née Créquy-Canaples, avait été terminé avant la révolution et construit sur de plus vastes proportions que Frohen, bâti par la Marquise de Fercourt, sa sœur. Les logements et les communs y étaient spacieux et l’on comprend que durant le séjour de l’armée au Camp de Boulogne, le Comte du Saillant eut la fastueuse amabilité d’envoyer, les veilles de chasse, chercher ses amis en poste, à 80 kilomètres de chez lui, pour les faire reconduire le surlendemain.

Je n’ai pu retrouver trace des brillants laisser-courre qui eurent lieu à cette époque et dois me borner à mentionner l’anecdote suivante, qui n’a trait à la vénerie que parce qu’il y a une trompe en jeu.

Un de ses beaux-frères, le Comte de V. C., clubman distingué et joyeux noctambule, habitait à Paris un premier étage dans une de ces maisons, genre caravansérail, possédant une cour intérieure comprise entre les quatre bâtiments. En face de lui, au rez-de-chaussée, habitait une modiste, dont les ouvrières, à l’instar de nos midinettes, étaient de caractère fort gai et chantaient d’agréable façon le répertoire du Charpentier d’alors.

Malheureusement, le Comte de V. C., contrairement au roi d’Yvetot, se couchait fort tard, mais se levait de même. Les trilles des ouvrières en modes le gênaient dans son sommeil matinal et il s’en fut trouver sa voisine, la priant de faire taire ces gazouillis jusqu’à une certaine heure.

Pour toute réponse, on lui objecta que s’il menait la vie de tout le monde, il ne serait pas dérangé dans son sommeil à l’heure ou tous travaillent. Le Comte de V. C. partit furieux, non sans avoir juré de donner de ses nouvelles.

En effet, dès le lendemain, il allait trouver le Comte du Saillant, lui demandant de lui prêter son piqueux pour quarante-huit heures. Arrivé à Paris, il lui enjoignit de se mettre le lendemain matin à la fenêtre du deuxième étage et de sonner éperdument de la trompe lorsqu’il entendrait les modistes chanter, ce qui fut exécuté de point en point. Etonnement de tous les locataires, toutes nos midinettes furent des premières à se précipiter aux fenêtres, et, que vit-on? Le piqueux à la fenêtre du deuxième, mais à celle du premier la partie la plus charnue du clubman qui s’épanouissait sans aucun voile.

A la suite de cette incartade, la modiste porta plainte et ils comparurent tous deux devant le juge de paix, et comme, après une assez longue discussion, ce dernier faisait envisager au Comte de V. C. l’inconvenance de son procédé, en lui disant: «Enfin, voyez, si tout le monde faisait comme vous.» Il lui fut repondu: «Mais, Monsieur le juge de paix, personne ne se verrait.»

Au commencement de la Restauration, le Comte du Saillant se retirait dans une autre de ses propriétés, celle des Pressoirs-du-Roi, près Fontainebleau.

Boubers fut vendu après avoir servi de papeterie. Ce sont aujourd’hui les métiers à tisser qui dévident le coton dans les grandes pièces de réception de jadis.


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