Читать книгу Un siècle de vénerie dans le nord de la France - Édouard Guy Du Passage - Страница 29

Avant-Propos

Оглавление

Table des matières

POUR comprendre l’existence, la disparition et le nouvel essor des vautraits assez nombreux qui se sont suivis en Picardie et en Artois, il est nécessaire d’examiner tout à la fois et les événements et la position des massifs boisés.

Après l’Empire, la plupart des forêts, bien que ravagées par la main des paysans avides de posséder et de couper les arbre séculaires, étaient restées plantées et la surface boisée de ces deux provinces était énorme. Les loups, comme les sangliers, y trouvaient facilement leur vie. Ce n’est qu’au moment de la Restauration que la manie du défrichement s’exerce en grand. Chassés du massif central de Crécy par l’aménagement de nombreuses routes, les sangliers désertèrent en 1833 leur retraite habituelle et se dirigèrent vers les futaies d’Eu en traversant la Somme. Plusieurs, le plus grand nombre peut-être, périrent dans cette émigration. On retrouva les cadavres gonflés sur la grève de la baie de Somme ou sur les côtes de la mer; l’un d’eux, encore vivant, fut péché à la marée descendante par des marins et tué par eux dans leur bateau.

La méthode suivie par les chasseurs de loups de fusiller, chaque fois que l’occasion s’en présentait, les sangliers devant leurs chiens, même au lancer, contribua pour beaucoup à leur destruction. Du côté de l’Oise, le Comte de Songeons avait pris un des derniers sangliers, en 1820, au moulin d’Ellecourt. Il pesait 428 livres. Pendant trente-cinq ans le sanglier est devenu un mythe dans nos contrées et ce n’est que deux ou trois ans avant 1870 qu’on signale la présence de quelques animaux roulant dans le pays. En 1865, Monsieur Brayeux, habitant le Mazis, signale la présence de plusieurs animaux dans le bois de Coppegneule. L’invasion allemande en ramena de nombreuses compagnies.

Depuis quelques années, le nombre de ces animaux tend à nouveau à diminuer. L’émigration, lente cette fois, se dirige vers le Midi. Le Gers et le pays des Causses voient chaque année de nombreuses hordes immigrer dans leurs pays ravinés, Deux raisons expliquent ce fait: Tout d’abord la mise en valeur de la plupart des forêts du Nord en lots de chasse à tir, limités par des grillages en fil de fer. Le sanglier a un groin très solide mais il n’aime pas à l’écorcher aux barbillons des ronces artificielles, et il fuit toutes ces incommodités. La seconde raison, c’est l’évolution constante de la sylviculture. Le chêne disparaît peu à peu de nos forêts du Nord pour faire place au hêtre. Or, la faîne n’a jamais remplacé le gland, puis, dans les taillis de chêne, la feuille subsiste l’hiver, servant d’abri contre les froids excessifs, et les animaux, pas plus bêtes que nous, préfèrent faire leur voyage de Côte d’Azur à leur manière.

Ces deux raisons laissent à prévoir que dans un avenir rapproché le sanglier disparaîtra à nouveau de nos pays.

Il s’est mieux défendu que le loup, narguant le piège et le poison, et les battues administratives sont souvent moins dangereuses pour son cuir épais que pour les mollets des Nemrods coalisés contre lui. Mais le fusillot n’en a plus peur et ses armes se perfectionnent. L’esprit nouveau, ennemi des privilèges, arrivera à supprimer de la surface du pays cet animal nomade qui, malgré ses soies hérissées, semble avoir quelque trace d’aristocratie. N’entre-t-il pas sans crier gare dans un champ de pommes de terre, arrosé de la sueur du peuple, et n’y prélève-t-il pas une dîme qui rappelle les anciens âges de l’obscurantisme, doivent dire, dans les écoles, les instituteurs et les normaliens?

Regardons donc le passé qui s’endort dans une frondaison dorée, car l’avenir est plein d’un brouillard gris sans accents ni gaieté.


Un siècle de vénerie dans le nord de la France

Подняться наверх