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Jérusalem.

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L'hospice et l'église. — Le Saint-Sépulcre à Bruges. — Le double voyage d'Orient. — Eugène IV. — Le luxe des vieux temps. — L'éducation des faits. — Siége de Calais. — Politique de Philippe le Bon.

Si la famille d'Anselme était évidemment de celles qui penchaient pour l'élément monarchique de nos vieilles institutions, elle ne laissait pas d'être populaire par ses services et le noble usage quelle fit de sa fortune. Bruges lui dut des fondations utiles et l'église dont nous avons parlé. Construite par l'aïeul, le père et un oncle de notre voyageur, à l'imitation de celle du Saint-Sépulcre de Jérusalem, elle en retrace les parties principales. Elle est remarquable par le globe teint de vermillon qui couronne sa tour flanquée de deux minces tourelles, sa disposition intérieure, ses belles verrières[10], ses monuments funéraires, et surtout par la représentation du divin tombeau, que renferme l'une des tourelles.

Le père d'Anselme, dans un voyage de Terre-Sainte, dont il revint avec le titre de chevalier du Saint-Sépulcre, plus considérable alors qu'il ne fut depuis, avait pris lui-même les dimensions du monument sacré avec une exactitude extrême: il le pensait du moins. Voilà pourtant que, dans le cours des travaux, l'on se trouve arrêté par un doute; on ne sait trop quel détail manquait ou laissait quelque incertitude. C'était, après tout, peu de chose; disons mieux, ce n'était presque rien. Pour Pierre Adorne c'était beaucoup trop. Son parti est aussitôt pris; il embrasse et bénit son fils, qui demandait à le suivre, et le voilà de nouveau en route pour l'Orient. Après avoir bravé une seconde fois les fatigues, les flots, les outrages des infidèles, il revient, apportant comme un pieux trophée la mesure attendue pour terminer l'ouvrage.

Ainsi le veut la tradition, et de graves témoignages la confirment; mais quand on n'y verrait qu'une de ces légendes, qu'enfante la poétique imagination du peuple, elle attesterait encore le vif intérêt que les contemporains prenaient à ces travaux. Ce fut vers l'an 1435 qu'ils furent achevés. Une bulle du pape Eugène IV vint mettre le sceau à la sainte entreprise, en érigeant en paroisse la Jérusalem brugeoise, qui comprenait, outre l'église, un hospice et le manoir de famille. Tel était le luxe des vieux temps: on ne craignait pas de s'entourer des misères pour les secourir, et des sérieuses images de la religion et de la mort, car cette église devait aussi servir à la sépulture des Adorne.

On trouve ailleurs des monuments de ce genre; mais peu importait aux Brugeois. Il semblait que la tombe sacrée, objet de tant de vœux, de tant de gigantesques expéditions, de tant de regrets, aperçue jusque-là dans un lointain mystérieux, fût transportée soudain dans les murs de Bruges, ainsi qu'on montre ailleurs de saints édifices apportés par la main des anges.

Chacun comprendra quelle part Anselme, alors dans sa douzième année, dut prendre à la publique émotion. Les constructions qui préoccupaient si vivement sa famille, leur achèvement, toutes les circonstances, en un mot, qui s'y rattachaient, furent pour son enfance des événements. En même temps, les récits des voyages de son père, de ses aventures, de ses périls, enflammaient l'imagination du jeune homme; il brûlait dès lors d'embrasser, suivant l'expression de son itinéraire, d'un regard ferme et tenace, ces mers lointaines, tour à tour riantes ou orageuses, ces contrées habitées par des peuples si différents de ceux qu'il connaissait, ces lieux saints et célèbres, ces rochers, ces palmiers, ces monuments, dont la description le ravissait.

Les exemples et les discours de ceux qu'on doit respecter seront toujours la principale partie de l'éducation. On ne négligea point, toutefois, d'initier Anselme à la connaissance de la langue et des lettres latines et aux exercices chevaleresques fort en vogue à cette époque. Ses progrès étaient rapides, sans qu'il montrât pourtant la précocité, plus que merveilleuse, que lui prêtent certains auteurs qui ont trop peu consulté les dates, comme nous le verrons bientôt.

Au moment où Philippe le Bon, à force de gracieuses paroles, obtenait l'aide des Flamands pour déloger de Calais les Anglais, leurs anciens alliés et naguère les siens, deux questions s'agitaient entre lui et les Brugeois: l'une était un vieux litige au sujet de l'Écluse, poste important pour lui, qu'ils revendiquaient comme leur port et une de leurs villes subalternes; l'autre concernait le territoire appelé le Franc.

Philippe songeait à l'ériger en quatrième membre; il se prêtait ainsi aux désirs de la noblesse du Franc, ajoutait un élément nouveau et plus flexible à la triade flamande, convertie en tétrarchie, et divisait pour l'assouplir une de ces masses compactes et puissantes dont l'éclat le rendait fier, mais qu'il cherchait à rendre plus maniables.

Telle fut la double origine d'un différend qui allait changer Bruges en un sanglant théâtre de confusion et de désordre.

Anselme Adorne, Sire de Corthuy, Pèlerin De Terre-Sainte

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