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Jacques III.

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Arrivée à Édimbourg. — Portrait de Jacques III. — Anselme créé baron de Corthuy, chevalier de St-André et conseiller du roi d'Écosse. — Le chancelier Evandale. — Négociation sans résultat possible. — Le roi veut séparer sa sœur du comte d'Arran. — Résistance de la princesse.

Arrivé à Édimbourg, Anselme ne tarda pas à être présenté à Jacques III. Il vit un beau jeune prince, âgé seulement de dix-sept ans: sa taille était élevée et bien prise; il avait les cheveux noirs, le teint brun et, avec la face alongée des Stuart, une physionomie douce et intelligente. Il se plaisait au luxe des vêtements, des armes, des joyaux, et aimait avec passion l'architecture, la sculpture, la musique. Ce goût pour des arts dédaignés de ses farouches vassaux devint plus tard une des causes de ses revers.

Anselme le partageait; il venait d'une ville renommée pour son école de peinture, d'une cour qui ne l'était pas moins pour sa politesse et sa magnificence. Entre cette cour et celle d'Edimbourg, les relations politiques n'étaient pas, il est vrai, bien intimes: les rois d'Écosse cherchaient, d'ordinaire, dans une étroite alliance avec la France un appui contre les intrigues et les entreprises des Anglais, et s'étaient montrés plus favorables à la maison de Lancastre qu'à l'autre Rose. Charles le Téméraire, au contraire, ligué avec Édouard contre Louis XI, venait d'épouser Marguerite d'York; mais d'importants rapports liaient, toutefois, l'une à l'autre l'Écosse et la Flandre, et Jacques, par sa mère, Marie de Gueldre, tenait de prés au puissant duc de Bourgogne.

A ces divers motifs de sympathie ou d'égards se joignaient les qualités personnelles de l'envoyé et celle d'hôte d'une princesse d'Écosse; sur ce point Jacques pensait en roi: il ne tarda pas à le faire paraître. Son premier abord avait quelque chose de froid et de contraint; mais le gentilhomme brugeois n'en reçut pas moins, de lui, l'accueil le plus gracieux et le plus honorable. Quelque temps après, on vit Édouard IV, en remontant sur le trône d'Angleterre, nommer comte de Wincester le sire de la Gruthuse, chez lequel il avait été logé à Bruges; Jacques, de son côté, voulut témoigner sa royale gratitude de l'asile que sa sœur avait trouvé chez Anselme Adorne.

Celui ci est appelé de nouveau auprès du roi. On peut se représenter, dans une salle majestueuse du palais de Holy-Rood, le jeune prince, vêtu avec la magnificence qu'il affectionnait et environné de ses frères, de ses principaux conseillers, d'une cour fière et brillante. Anselme, un genou en terre, reçut des mains de Jacques III les éperons, le baudrier, l'épée de chevalier. C'était ainsi que, vingt ans auparavant, lorsqu'à l'occasion du mariage de Jacques II avec la belle Marie de Gueldre, deux Lalain et le sire de Longueville joutèrent contre deux Douglas et un parent du lord des Iles, le roi, voulant faire honneur aux champions, leur conféra la chevalerie avant le combat. Elle avait, en Écosse, tant de prix, qu'on la considérait comme une condition essentielle du sacre des souverains; en Flandre, elle donnait droit au préfixe de M'her ou Mer, réputé si honorable qu'il se plaçait quelquefois même devant le nom des princesses[27]. Les femmes des chevaliers étaient appelées dames, tandis que celles des simples gentilshommes étaient seulement demoiselles.

Suivant l'intitulé de l'itinéraire et un manuscrit de famille, les insignes que le nouveau chevalier reçut de la main du roi, comprenaient le collier de son ordre, qui était celui de Saint-André, ainsi qu'on le voit dans Lesley. Cet historien rapporte que Jacques V, lorsque Charles-Quint, Henri VIII et François Ier lui eurent envoyé, l'un, la Toison d'or, l'autre, la jarretière, le troisième, l'ordre de Saint-Michel, fit représenter au-dessus de la porte de son palais les armoiries de ces trois monarques, avec les colliers de leurs ordres et de celui de Saint-André, propre à l'Écosse.

La bienveillance et la munificence du roi ne se bornèrent point, envers Anselme Adorne, à l'élever au rang de ses chevaliers; il lui donna en même temps l'investiture de la baronie de Corthuy, Corthvy ou Cortwick, à laquelle l'intitulé de l'itinéraire joint celle de Tiletine. Mais toutes ces faveurs, on ne le verra que trop, devaient être chèrement payées. A la pompeuse cérémonie assistait un hôte non invité, la fatalité des Stuart. Jacques III et ses deux frères étaient, tous trois, réservés à une mort violente, aussi bien que le nouveau chevalier. Le duc d'Albany devait périr dans un tournoi, le comte de Mar, en captivité; le roi, ainsi qu'Anselme, sous le poignard d'un assassin, et les auteurs futurs de ce double attentat étaient rangés peut-être autour d'eux.

Anselme Adorne fut aussi conseiller du roi d'Écosse, circonstance assez singulière, puisqu'il n'est pas moins avéré qu'il servit également la maison de Bourgogne. Le système féodal admettait ces complications; nous ignorons, toutefois, si ce titre ne fut pas simplement honorifique et s'il fut conféré alors, ou dans une autre occasion. On ne confondra pas ces marques de munificence royale avec les faveurs trop légèrement prodiguées, dans la suite, par Jacques III. Ce n'est qu'environ huit années après, quand il eut atteint sa majorité de 25 ans, que, plus libre dans ses actions, il irrita les esprits par la manière imprudente dont il plaçait sa bienveillance. Maintenant, il était dirigé par lord Evandale et d'autres sages conseillers et entouré de tout ce que l'Écosse avait d'illustre.

Il est encore à remarquer, à l'honneur du nouveau baron de Corthuy, que, placé dans une situation délicate, entre la sœur et le frère, il s'est conduit avec tant de loyauté et de prudence, qu'il reçut constamment des marques d'estime de tous deux. Si néanmoins, comme il y a lieu de le croire, il avait charge d'aplanir les voies au retour de la princesse, avec son mari, il dut bientôt s'apercevoir de l'inutilité de cette tentative. Le roi était entouré de ceux qui avaient préparé la chute des Boyd, concouru à leur condamnation, partagé leurs dépouilles, et qui auraient eu à redouter leur vengeance; il se souvenait, lui-même, avec un sentiment pénible, de l'espèce de contrainte morale qu'ils avaient exercée sur lui, du soin qu'ils avaient pris de le tenir éloigné des affaires. Il lui avait fallu, sans doute, un violent effort pour se décider à se soustraire à leur ascendant et à renverser leur puissance; mais il n'avait point fait ce pas pour reculer.

Le mariage de sa sœur, en particulier, arrangé dans l'intérêt de cette famille, lorsqu'il était trop jeune pour y donner un consentement sérieux, le blessait profondément. Il conservait de rattachement pour Marie et la voyait, à regret, partager le sort d'un proscrit; mais c'est en la détachant de celui-ci qu'il voulait la rendre à une position plus digne d'elle. Le baron de Corthuy ne put obtenir d'autre réponse sur ce point, que de pressantes instances pour que la princesse revînt orner la cour de son frère, en abandonnant Thomas Boyd à sa mauvaise fortune.

Il n'était point rare, en Écosse, de voir casser le mariage des grands sous divers prétextes; c'est ainsi que le duc d'Albany, frère du roi, répudia sa première femme pour épouser, en France, une fille du comte de la Tour d'Auvergne et entra bientôt en négociation, pour la remplacer éventuellement par une princesse anglaise. Rien, pourtant, ne pouvait être alors plus loin de la pensée de Marie que de rompre ses nœuds; l'idée seule en eût été, pour elle, plus douloureuse que l'exil.

Nous verrons ailleurs l'issue de cette lutte entre le cœur d'une femme et la volonté d'un roi.

Anselme Adorne, Sire de Corthuy, Pèlerin De Terre-Sainte

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