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Les Artevelde.

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Les tisserands. — Les deux colonnes d'or de Bruges. — Édouard III. — La loi salique et la laine anglaise. — Jacques van Artevelde. — Louis de Male. — Les Chaperons-Blancs. — Philippe van Artevelde. — Beverhout. — Massacre des Brugeois. — La cour du Ruart. — Rosebecque. — Les trois Gantois. — Flandre au Lion! — Pierre Adorne, capitaine des Brugeois. — Le bourgmestre et le doge. — Naissance d'Anselme.

Qui pourrait passer devant les Artevelde et ne pas s'arrêter un moment à contempler ces grandes figures historiques? Nous devons cependant ajouter, auparavant, quelques traits à l'esquisse que nous venons de tracer.

Avec des intérêts communs à toutes, les trois villes en avaient de distincts et même d'opposés, des prétentions ou des droits rivaux, gardés avec un soin jaloux. Leur industrie principale était celle du tissage de la laine, qui, dans certains degrés de la fabrication, leur était exclusivement réservée. Elle enrichissait Ypres, elle dominait à Gand; à Bruges, elle était balancée par un puissant commerce. C'étaient là, selon l'expression d'un comte de Flandre, les deux colonnes d'or de cette ville dont Æneas Sylvius, Commines et de Thou ont célébré, comme à l'envi, l'opulence et la beauté. Gand, de son côté, s'élevant parmi les méandres de l'Escaut et de la Lys, réclamait la suprématie sur la navigation intérieure.

Trente ans environ après la bataille de Mons-en-Pevèle, Édouard III revendiquait le trône des Valois. Pour se créer un point d'appui en Flandre, il arrête la sortie de la laine anglaise: c'était la ruine des tisserands; ce fut pour Jacques d'Artevelde, qui détermina les Gantois à s'unir aux Anglais, le fondement de sa puissance.

Elle rencontra à Bruges une opposition dont il triompha. Ses moyens se sentaient de la rudesse du temps: ses adversaires avaient voulu le poignarder; à son tour, il les perçait de son épée, ou les faisait lancer, par les fenêtres, sur les piques de ses partisans. Si sa main était prompte, sa parole était éloquente, sa politique habile et hardie; ses manières parurent égales au rang auquel il s'éleva. Gouvernée, sous son influence, par les trois membres, traitant, par son entremise, avec l'Angleterre et la France, la Flandre eut un grand poids dans la balance, évita les désastres d'autres insurrections, et obtint des avantages qu'elle eût vainement attendus de son comte, retenu par le lien féodal.

La fin d'Artevelde, pourtant, fut cruelle: le peuple le massacra. Le comte était mort à Crécy, sous la bannière des lis. Édouard, survivant à son fils, le glorieux prince Noir, et à ses plus vaillants capitaines, dépouillé d'une partie de ses conquêtes, abandonné, pillé, à son agonie, par sa maîtresse et ses serviteurs, laissa la couronne d'Angleterre à un enfant qui ne devait point la conserver.

Louis de Male, fils du dernier comte, put alors ressaisir le pouvoir dont il ne restait qu'un nom, encore cher aux Flamands. Ceux-ci continuaient, toutefois, à pencher pour les Anglais qu'il appelait, lui, les meurtriers de son père; mais la restitution promise de Lille, Douai et Orchies, gagna la Flandre au mariage de l'héritière du comte avec un fils du roi Jean. C'est la maison de Bourgogne qui se fonde.

Croyant sa puissance affermie, Louis s'abandonna sans contrainte à ses plaisirs et à ses prodigalités. Ce fut, à la cour et dans toute la Flandre, un débordement de mœurs, qui, selon les vieux chroniqueurs, devait armer la vengeance du ciel. Le comte sembla l'appeler. Né au château de Male, près de Bruges, affectionnant le séjour de cette cité brillante et polie, et la trouvant plus facile que Gand à concourir à ses dépenses, il irrite les Gantois par sa préférence pour la ville rivale et les pousse à bout par la concession d'un canal qui, ouvrant une communication directe entre la Lys et Bruges, y eût amené les blés de l'Artois, libres de droits d'étapes envers Gand.

Les Gantois courent aux armes, dispersent les travailleurs et prennent pour signe de ralliement le célèbre chaperon blanc. La Flandre et Bruges même se partagent. Les nobles se rangeaient sous la bannière de leur naturel et droiturier seigneur. A Bruges, on comptait, dans un parti, les marchands, les armateurs, les pelletiers; dans l'autre, les tisserands. Serrés de près par les forces du comte, les Gantois se souviennent du nom d'Artevelde; ils placent à leur tête son fils, marié à une dame de la noble maison de Halewyn. Tiré, malgré lui, de la retraite, il parut né pour commander.

Au retour des conférences de Tournay, le Ruart[5] déclarant aux Gantois qu'il ne leur reste que ces trois partis: ou de s'enfermer dans les églises pour y attendre la mort, ou d'aller humblement crier merci à leur seigneur, ou, enfin, de venir le chercher à Bruges pour le combattre; ce peuple, affamé et épuisé, abandonnant le choix à Philippe d'Artevelde lui-même; celui-ci, sortant à la tête de 5,000 braves, qui portaient chacun, brodée sur une manche, cette pieuse devise: Dieu aide! annonçant à ses compagnons, lorsqu'il leur distribue les derniers vivres, qu'ils n'en doivent désormais attendre que de leur valeur, balayant devant lui d'imprudents adversaires surpris au milieu d'une fête, et pénétrant dans Bruges, sur leurs pas: changez là quelques mots, vous diriez de l'histoire de Sparte!

Cette victoire, dans laquelle Froissart loue la modération des Gantois, n'en était pas moins, pour Bruges, un épouvantable désastre. Le sang des métiers hostiles aux tisserands coule par flots, mêlé au sang patricien; les sépultures manquaient aux cadavres; il fallut creuser, exprès, de grandes fosses pour les y entasser. Ce n'était point assez de ces victimes et de nombreux otages pour assurer la domination des vainqueurs; ils font tomber une partie des portes et des murailles, marques et garants de l'indépendance communale. Bruges, ville ouverte, n'était plus un membre de Flandre, c'était la conquête de Gand.

La Flandre s'unissait, mais sous de funèbres auspices. L'Angleterre où régnait, de nom, le jeune Richard, ne tenait plus la France en échec. Salué du titre de père de la patrie, richement vêtu d'écarlate et tenant cour de prince, le Ruart occupait une hauteur glissante, entre la tombe de son père et la sienne.

Alors, à la lueur de l'incendie des villes, on voit s'avancer une armée toute brillante d'acier, d'armoiries, de bannières, au milieu desquelles ondoyaient les plis de l'oriflamme: c'était le duc de Bourgogne avec le jeune Charles VI, son neveu, et toute la chevalerie de France. Les Flamands auraient dû garder leurs positions et s'y retrancher; mais ils savaient mieux mourir qu'obéir. Impuissant à contenir leur imprudente ardeur, Artevelde tombe écrasé dans la mêlée.

Par un de ces enchaînements bizarres qui déjouent les calculs, le triomphe de Philippe le Hardi inaugurait une puissance longtemps rivale de la France. Un Gantois, comme les Artevelde, mais sorti du vainqueur, devait achever de rompre le nœud féodal entre ce royaume et la Flandre. Il devait dans Madrid, l'une des capitales de son empire sur lequel, disait-on, le soleil ne se couchait point, faire consacrer la limite que les Flamands tracèrent pendant quatre siècles, avec leur sang, de Bavichove[6] à Guinegate[7].

C'était une triste victoire que celle de Rosebecque pour Louis de Male qui la devait à des armes étrangères. Pour les Brugeois, vaincus à côté des Gantois, la défaite était presque une délivrance; ils relèvent les étendards du comte sur leurs murailles mutilées. La guerre n'était point finie: Anglais, Bretons, ceux-ci, sauvages auxiliaires de Louis de Male, ceux-là, alliés de Gand ou croisés pour le pape Urbain contre les Clémentistes, qu'ils s'obstinent à trouver en Flandre, ravagent à l'envi cette terre glorieuse et désolée.

Parmi les capitaines qui conduisaient à la défense des murs, à peine rétablis et de nouveau menacés, l'élite de la population brugeoise, on remarque un arrière-petit-fils d'Obizzo. C'était Pierre Adorne, personnage considérable à qui Philippe le Hardi confia la surintendance de ses domaines en Flandre et en Artois, qui fut deux fois bourgmestre de la commune et remplit les fonctions de premier bourgmestre, l'année même où Antoniotto dirigeait contre Tunis une flotte commandée par son frère Raphaël et portant, outre l'armée génoise, un corps de chevaliers et d'écuyers, sous la conduite du duc de Bourbon (1388).

Parmi ces nobles pèlerins, plusieurs appartenaient à la Flandre[8]; en sorte que l'emprise n'y eut pas peu de retentissement, et l'éclat qu'elle répandait sur le nom d'Adorne était partagé par la branche flamande. Aussi tenait-elle à honneur, comme on le voit dans Sanderus, d'être ex præclara ducum Genuensium prosapia, de l'illustre maison des ducs[9] de Gênes.

Un fils de Pierre Adorne et dont le prénom était pareil, chevalier, suivant le même auteur, épousa Élisabeth Braderickx, fille du seigneur de Vive, d'une maison flamande, noble et ancienne. C'est de ce mariage que naquit Anselme, le 8 décembre 1424.

Anselme Adorne, Sire de Corthuy, Pèlerin De Terre-Sainte

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