Читать книгу Anselme Adorne, Sire de Corthuy, Pèlerin De Terre-Sainte - Edmond De La Coste - Страница 7
Italie et Flandre.
ОглавлениеLes Adorne à Gênes et à Bruges. — Antoniotto. — Obizzo et Guy de Dampierre. — Bataille des Éperons. — L'étendard déchiré. — Les comtes ou marquis de Flandre, princes par la clémence de Dieu. — Baudouin de Fer et Baudouin à la Hache. — Les États et les Trois Membres. — Les Poorters. — Les Métiers.
Au temps où la croix de Saint-Georges et le lion de Saint-Marc se disputaient l'empire de la Méditerranée et de l'Euxin, lorsque Gênes commandait à la Corse, protégeait les rois de Chypre et les empereurs grecs, et jetait ses colonies jusque sur les côtes de Crimée, à la tête des familles qui étaient en possession de donner, dans cette cité puissante, des chefs à l'État, on nommait les Adorno. «Ils étaient, dit l'historien des maisons célèbres d'Italie, en odeur de principauté[3].» Le plus fameux d'entre eux fut cet Antoniotto qui, de son trône ducal, convoqua la chevalerie à une sorte de croisade, enleva aux Maures l'île de Gerbi, près de la côte d'Afrique, et assiégea le roi de Thune, comme l'appelle Froissart, dans sa capitale; entreprise à laquelle saint Louis avait succombé et qui attendait Charles-Quint. «S'il eût été roi,» dit encore Litta, «ses actions l'eussent immortalisé.»
A l'époque de l'expédition de saint Louis, arrivait à Gand, sous les auspices, selon les uns, du comte de Flandre Guy de Dampierre, suivant d'autres, de Robert de Béthune, fils du comte, revenant d'Orient, le frère d'un aïeul d'Antoniotto, Obizzo (Opice), dont un descendant assistait, environ trois siècles après, à l'abdication de Charles-Quint, parmi les bannerets de Flandre.
Cet Adorno, d'après d'anciens titres[4], fut en grande faveur auprès de Guy; sa postérité, connue sous le nom d'Adournes ou Adorne, ne demeura pas à Gand; elle prit sa résidence à Bruges où nous la retrouverons plus tard.
C'était l'âge héroïque de la Flandre, comme de l'Écosse et de la Suisse; les journées des Eperons, de Bannock-Burn, de Morgarten, tiennent dans un espace de cinq années; mais la première des trois fut la plus surprenante, car les Flamands n'avaient ni le rempart des Alpes, ni les défilés de la Calédonie.
Un gros d'intrépides artisans s'étaient jetés dans la mêlée et en avaient rapporté les dépouilles des chevaliers. A Mons-en-Pevèle, le sort fut plus indécis, la valeur plus brillante peut-être. Philippe le Bel en fut témoin lui-même; couvert à la hâte d'un manteau d'emprunt, il vit sa bannière déchirée par ces mains rudes et sanglantes.
Bruges avait donné le signal du mouvement, il faut le dire, par un massacre: deux mots sauvaient ceux qui pouvaient les prononcer et condamnaient le reste. Les Flamands combattaient pour leur langue, leurs franchises, l'indépendance relative qu'admettait le système féodal et leur vieux comte captif et dépouillé, ce même Guy dont nous venons de parler. Rien, dans les nombreux soulèvements qui suivirent, n'effaça l'éclat guerrier de celui-ci.
Nous devons dire maintenant quelque chose de l'organisation politique de la Flandre et des changements qu'elle subit vers ce temps. Les premiers comtes ou marquis de Flandre, princes par la clémence de Dieu, alliés au sang de Charlemagne, régissaient leur monarchie—cette expression se rencontre dans de vieux écrits—avec l'aide et le concours des principaux du clergé et de la noblesse. La race forte et puissante des Baudouin de Fer et à la Hache, alla finir sur le trône de Constantinople. Elle était représentée maintenant par de faibles descendants en ligne féminine. La noblesse, au milieu des agitations populaires, perdait chaque jour de son influence. Gand, Bruges et Ypres, à l'apogée de leur merveilleuse splendeur, rangeant sous leur bannière les milices des villes secondaires et des châtellenies, se partageant, en quelque sorte, la Flandre et prenant en main ses intérêts, eurent place aux états et les effacèrent bientôt, sous la célèbre dénomination des trois membres.
Là était désormais la puissance. Plusieurs familles nobles, et même des plus distinguées, vinrent l'y chercher, s'inscrivant parmi les Poorters, ou appartenaient, dès l'origine des villes, à cet antique noyau de la population. Après venaient les métiers, renfermant les principaux du commerce et de l'industrie, mais encadrant aussi la partie la plus nombreuse et la plus mobile de la population, démocratie redoutable et principale force militaire.
Les Poorters avaient des capitaines; les métiers, leurs doyens. Des échevins rendaient la justice; un conseil représentait la commune. Le couronnement de l'édifice était formé, à Bruges, de deux bourgmestres annuels, chefs suprêmes de la cité, intermédiaires entre le prince et le peuple, mais souvent en butte à la colère de celui-ci, dans ses mécontentements. Ces places n'en étaient pas moins fort relevées et fort ambitionnées; on les vit remplies par des Ghistelles, des Halewyn, des d'Ognies, qui étaient des premiers en Flandre et atteignirent un rang princier.
Les trois membres s'entendaient sur la direction des affaires; nul d'entre eux, cependant, n'était lié par les résolutions des autres; leur mutuelle indépendance était un corollaire de leurs libertés.
La grandeur de ces institutions ne doit point faire illusion sur leurs inconvénients; il s'en rencontre dans toutes les formes politiques. Les législateurs, et même le plus puissant de tous, qui est le temps, n'ont sous la main qu'une étoffe, et c'est l'homme. Ici il manquait surtout l'unité. Il faut l'avouer, d'ailleurs, cette milice ouvrière des grandes villes, pesant, du poids du nombre et de ses armes, sur les résolutions et jusque sur l'administration de la justice et la conduite de la guerre, si elle apportait un contingent puissant d'ardeur et d'énergie, devait amener aussi des résultats moins heureux, dont la suite de cet ouvrage offrira de tristes exemples.