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Marie Stuart, comtesse d'Arran.

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L'Écosse au XVme siècle. — Meurtre de Jacques Ier. — Exécution de Douglas et de son frère. — Alain Stuart et Thomas Boyd. — Un comte de Douglas poignardé par Jacques II. — Le roi tué devant Roxbourg. — Marie de Gueldre. — Minorité de Jacques III. — Kennedy, évêque de St-André. — Ligue entre les Boyd et d'autres seigneurs. — Lord Boyd, grand justicier, s'empare de la personne du roi. — Thomas Boyd et Marie Stuart. — L'Ile d'Arran érigée en comté. — Ambassade en Danemark. — Les Boyd cités au parlement. — Alexandre Boyd décapité. — Lord Boyd, le comte et la comtesse d'Arran se réfugient à Bruges.

Il est fâcheux que l'itinéraire d'Anselme Adorne soit si sobre de détails sur les divers voyages qu'il fit en Écosse: ce n'était pas la contrée la moins curieuse ni la moins sauvage de celles qu'il visita: quelques plaines souvent dévastées par les incursions des Anglais et les querelles des grands; des montagnes, des îles, où ne pénétraient ni le costume, ni les mœurs de la civilisation; un peuple guerrier et mobile, des chefs puissants et ambitieux, mélange de grandeur, d'astuce et de férocité; un sol, pour ainsi dire, miné de haines, d'embûches, de trahisons: tel est, en quelques traits, le tableau que l'auteur nous eût laissé.

S'il eût voulu y jeter des groupes de figures, il eût pu montrer, sur différents plans, Jacques Ier, assailli, dans son logis, par une troupe de seigneurs et cruellement massacré sous les yeux de la reine; Chricton, chancelier pendant le règne suivant, attirant à la table de Jacques II, encore enfant, le jeune comte de Douglas avec son frère, et les faisant traîner tous deux au supplice; Alain Stuart égorgé, pour une vieille querelle, par Thomas Boyd; celui-ci assailli par le frère d'Alain et périssant dans une vraie bataille; un autre Douglas poignardé de la propre main du roi qu'il bravait, et achevé par les courtisans: épisodes dont la mémoire était encore fraîche et qui caractérisaient la contrée, ses mœurs, sa situation politique.

Le trône relevé par l'héroïque Robert Bruce, s'était ensuite comme affaissé sous ses descendants; deux de ses successeurs avaient été prisonniers des Anglais. Une branche cadette des Stuarts, issus de Bruce par les femmes, avait usurpé le pouvoir sur la branche aînée de cette maison. L'Écosse, livrée à l'anarchie féodale, était devenue, suivant l'expression d'un contemporain, une caverne de brigands, quand Jacques Ier, sortant de la tour de Londres, prit en main le pouvoir et l'affermit avec une vigueur qui allait jusqu'à la barbarie. Comme ce père assassiné, Jacques II, quand il fut en âge de régner, lutta, et même, ainsi que nous l'avons vu, le poignard à la main, contre la puissance des grands et travailla à affermir la sienne, ainsi qu'à améliorer le triste sort de la nation; mais il mourut, dans sa trentième année, devant Roxburg, atteint par un éclat d'une pièce grossière d'artillerie qu'il voyait pointer[24].

Sa belle et courageuse veuve, Marie de Gueldre, releva, par sa présence et ses discours, la valeur des assiégeants et emporta la place. La couronne tombait, de nouveau, sur la tête d'un enfant, Jacques III, prince faible, qu'on a sévèrement jugé, parce qu'il poursuivit l'œuvre de son aïeul et de son père avec moins de résolution et d'énergie, et qu'il avait des goûts trop retirés et trop délicats pour son rang, son pays et son temps.

Dans ses premières années, l'Écosse fut gouvernée, en paix et avec prudence, par l'évêque de St-André, l'illustre Kennedy, allié au sang royal, et l'un des hommes les plus pieux et les plus éclairés du temps. Son frère, principalement commis à la garde du roi, partagea ce soin avec sire Alexandre Boyd, que recommandaient son habileté dans les armes et d'autres qualités chevaleresques. La santé du prélat déclinant, lord Kennedy songea à s'affermir dans sa position en s'unissant avec Boyd et le grand chambellan, lord Fleming, par un de ces traités trop fréquents en Écosse, par lesquels des seigneurs se liguaient pour pousser ou maintenir l'un d'eux au pouvoir, renverser un rival, ou même répandre son sang. Dans cet acte secret, on nomme parmi les adhérents des contractants, lord Hamilton et Patric Graham, dont nous parlerons plus bas. Graham, demi-frère de l'évêque et son successeur, était déjà titré de Bisschop of Sanctander[25], ce qui fait présumer que Kennedy, voyant approcher sa fin, avait résigné cette dignité. Ce dernier mourut l'année suivante (1466).

Sûrs de ne pas rencontrer d'opposition sérieuse de la part des lords Fleming et Kennedy, mais comptant surtout sur leur propre audace, les Boyd, dont le chef était Robert, récemment élevé à la pairie et revêtu des fonctions de justicier, se présentent à l'improviste, s'emparent de la personne du roi, le conduisent à Édimbourg, où ils assemblent le parlement, et persuadent au jeune monarque de ratifier publiquement le coup hardi qui faisait de lui, désormais, un instrument de leur grandeur.

Lord Boyd se fait nommer gouverneur du roi et des princes; ce n'était point assez pour son ambition. Il avait un fils doué de qualités fort distinguées; au témoignage d'un Anglais contemporain, Thomas Boyd était non-seulement robuste, agile, excellent archer, mais noble dans ses manières, bon, affable, généreux. Robert sut lui ménager des entrevues avec la sœur aînée du roi, qui avait été auparavant destinée à l'héritier de la couronne d'Angleterre. Marie Stuart—elle portait ce nom qu'une reine, du même sang, devait rendre si célèbre—joignait également, aux grâces de sa personne, les qualités de l'esprit et un cœur fait pour s'attacher vivement. Les deux jeunes gens conçurent une mutuelle affection. La puissance des Boyd écarta les obstacles, et Thomas devint l'heureux époux de la princesse qui lui apporta, comme apanage, outre de nombreux domaines, l'île d'Arran, érigée à cette occasion en comté. Lord Boyd se fit encore donner, à lui-même, la place de grand chambellan, qui était devenue vacante et avait des attributions fiscales et lucratives.

Quelque temps après son mariage, le comte d'Arran partit, en ambassade, pour Copenhague; il allait y terminer une négociation relative au mariage de Jacques III avec Marguerite, fille du roi Christiern, union qui mettait fin à des différents entre la Norwège et l'Écosse, et assura à celle-ci la possession des Orcades et des îles Shetland. Cette ambassade, utile au royaume, paraît avoir été funeste aux Boyd. Les nobles voyaient avec jalousie tant d'honneurs, de puissance, de richesses, s'accumuler dans une famille; parmi eux, lord Hamilton devait être d'autant plus blessé du brillant mariage de Thomas Boyd, qu'il avait espéré, lui-même, obtenir la main de la princesse, sous le dernier règne. Le chancelier Evandale, homme habile et prudent, était au fond peu flatté de se trouver réduit à un rôle tout à fait secondaire, et, enfin, Jacques III, avançant en âge, commençait à se lasser d'une tutelle qui ne lui laissait que le titre de roi. On profita de l'absence de son beau-frère, pour pousser le jeune monarque à une résolution que la présence du comte eût peut-être prévenue.

Jacques convoque le Parlement, le 22 avril 1469, et y fait citer les Boyd. Robert, affrontant l'orage, comparaît avec la fierté et l'appareil d'un puissant vassal, escorté de ses partisans et d'hommes d'armes; mais la bannière royale est déployée contre lui: on l'abandonne, il fuit et gagne l'Angleterre. Son frère, retenu par une maladie, est arrêté et périt sur l'échafaud. Lord Boyd et le comte d'Arran sont condamnés par coutumace et leurs biens confisqués.

Ainsi, en un moment s'était écroulé tout cet édifice de grandeur et de puissance, si hardiment élevé. Celui qui, pendant près de trois ans, avait été le maître du royaume, n'était plus qu'un fugitif, et l'époux de la princesse d'Écosse, un proscrit comme lui! Rang, fortune, pouvoir, le comte a tout perdu; mais Marie Stuart n'est point changée: elle revêt un déguisement, elle quitte furtivement la cour de son frère, elle se jette dans une barque et rejoint son mari sur le vaisseau qui le portait, ou sur la terre étrangère. Quelle entrevue et qu'il serait difficile d'en exprimer l'amertume et le charme!

Avant même que la mort tragique de sire Alexandre n'eût mis le sceau à leur infortune, lord Boyd, le comte et la comtesse arrivaient ensemble à Bruges, y demander un asile au duc du Bourgogne[26]. C'était l'usage que de tels hôtes fussent logés chez les plus considérables d'entre les habitants. C'est ainsi qu'Anselme Adorne reçut à la maison de Jérusalem les illustres exilés avec toute leur suite.

Ils trouvèrent, chez le gentilhomme brugeois, les prévenances les plus obligeantes et les plus courtoises. Bientôt charmée de cet accueil et des qualités de leur hôte, la princesse obtint, du duc de Bourgogne, qu'Anselme se rendit en Écosse avec une mission relative à cet incident. Telle est la tradition, et c'est aussi ce que l'on peut conjecturer en le voyant, peu après, partir pour une contrée où l'attendaient les faveurs les plus marquées et les dernières rigueurs du sort.

Anselme Adorne, Sire de Corthuy, Pèlerin De Terre-Sainte

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