Читать книгу Les arts à la cour des papes Innocent VIII, Alexandre VI, Pie III (1484-1503) - Eugène Müntz - Страница 12
DOCUMENTS SUR L’ÉTAT DES FINANCES D’INNOCENT VIII
ОглавлениеLe trésor de l’Église était épuisé lors de l’avènement d’Innocent VIII; bien plus, les dettes du Saint-Siège s’élevaient à une somme énorme (on parle de 250,000 ducats).
Le nouveau pape n’était pas homme à mettre de l’ordre dans un tel état de choses: rien n’égalait sa légèreté, son incurie en pareille matière. A chaque instant il achetait de nouveaux joyaux avant d’avoir retiré ceux qu’il avait précédemment mis en gage; il allait jusqu’à engager les joyaux qu’il avait en mains pour en acquérir d’autres, qui le tentaient par leur nouveauté. Rarement tant de détresse s’allia à tant de prodigalité. En 1486, nous avons à enregistrer d’un coup une dépense de 5,348 ducats pour perles et pierres précieuses de toute sorte: en 1487, de 12,000 ducats, non compris 2,000 ducats pour une perle piriforme, et 4,187 ducats pour des joyaux divers. Le 5 avril de la même année le cardinal de Parme est déclaré créancier de joyaux destinés à l’enrichissement de la tiare de Sixte IV: 33 rubis, 33 perles, du prix de 600 ducats, 11 émeraudes et une perle en forme de gland, du prix de 800 ducats, etc. .
Et cependant, dès 1488, le pape se voit forcé d’emprunter 20,699 ducats sur la tiare pontificale, qui resta longtemps entre les mains des prêteurs. Cette leçon lui profita-t-elle? Nullement: la même année il achète, pour sa satisfaction personnelle, un rubis balais de 2,200 ducats, et, pour les offrir à la femme d’un capitaine, des joyaux d’une valeur de 1,200 ducats. En 1490, il ne peut résister à la tentation d’acquérir, pour 600 ducats, une émeraude dont le vendeur n’est autre que Laurent le Magnifique. Lors du mariage de son fils avec la fille du Magnifique, il fait don à la fiancée de joyaux d’une valeur de 8,000 ducats et au fiancé de joyaux de la valeur de 2,000 ducats.
Étant donnés de pareils errements, il n’est pas surprenant qu’Innocent VIII eût à compter avec des embarras financiers sans nombre: il en était constamment réduit à demander des délais, même pour des sommes minimes. Ce n’étaient que délégations et substitutions sur les annates, sur les redevances ecclésiastiques et civiles; ce n’étaient qu’emprunts contractés sur gages, que combinaisons et expédients de toute nature.
Une innovation de ce pontificat, ce sont les payements en nature, je veux dire les payements en tapisseries: celles-ci tenant lieu de numéraire. C’est ainsi que nous voyons ordonnancer, en faveur du dépositaire de la Chambre apostolique, la remise de 500 aunes d’ «arazzi», à raison de deux ducats l’aune. On comprend combien de variations devaient se produire sur le prix de telles marchandises. Nous en avons pour preuve un acte en date du 26 juin 1490 (reproduit plus loin), par lequel la Chambre apostolique se vit forcée de consentir à un rabais de 66 pour 100 sur l’évaluation première. Le trésorier pontifical avait reçu pour 77,984 ducats de «panni» ; vérification faite, ceux-ci ne valaient que 34,313 ducats.
Ces témoignages, absolument officiels, doivent être placés en regard des racontars d’Infessura et de Burchard. Le premier n’affirme-t-il pas qu’en 1490, pendant une maladie du pape, on trouva dans un coffre-fort 800,000 florins et 300,000 dans un autre; le second, que, peu de jours avant sa mort, le pape demanda aux cardinaux l’autorisation de distribuer à sa famille 48,000 ducats, qu’il avait par devers lui . En réalité, un état dressé à la mort d’Innocent VIII et reproduit ci-dessous, enregistre pour environ 125,000 ducats de dettes. D’après Fabroni , le passif se serait même élevé à 300,000 ducats.
Avant de laisser la parole aux documents, il importe de donner quelques détails sur la valeur des monnaies mentionnées dans les comptes pontificaux: la plus usitée est le florin d’or ou ducat d’or de la Chambre apostolique, du poids moyen de 3 grammes et demi (ceux du Cabinet de France pèsent 3 gr. 40) et par conséquent d’une valeur intrinsèque de 10 à 11 francs. Pour avoir la valeur relative du florin, il faut se rappeler que, pendant la période comprise entre 1450 et 1500, le pouvoir des métaux précieux fut sensiblement supérieur à ce qu’il avait été pendant la première moitié du même siècle et à ce qu’il fut au début du siècle suivant. M. d’Avenel estime que, si ce pouvoir, comparé à celui d’aujourd’hui, fut, de 1426 à 1450, de 4 1/2 et, de 1500 à 1525, de 3, il atteignit, de 1451 à 1500, la proportion de 6. Un florin représentait donc une soixantaine de francs, au minimum, de notre monnaie actuelle.
En 1485-1486, le florin de la Chambre était subdivisé en 10 carlins, soit 72 bolonais ou baioques, et chaque bolonais en 20 deniers. En 1487, le pape fit frapper des bolonais d’argent, valant chacun 6 quatrains, et dont 55 représentaient un florin de la Chambre.
1484. 28 septembre. Juliano Grillo pro recuperatione vasorum argenteorum S. D. N. pp. fl. 114,22. — A. S. V., vol. 511, fol. 151.
1485. 14 mars. Pro restitutione fl. 2291,48 quos mutuaverunt sede vacante super mitra S. D. N., quam restituerunt nunc. — Ibid., fol. 189 v°.
» 18 avril. Pro redemptione vasorum argenteorum fl. 489,4. — Ibid., fol. 198 v°.
1485. 7 juillet. Pro redemptione unius collanæ cum gemmis et margaritis, Soc. de Gaddis, fl. 2578,9. — Ibid., fol. 223 v°.
1486. 4 août. Il est question de la remise faite à la banque de Saint-Georges de Gênes de la tiare pontificale: «Regnum pontificale gemmis et lapidibus pretiosis ornatum, absque tamen perla grossa, quæ in apice ipsius regni, et absque pomo aureo ornato septem diamantibus quod erat in ornamento dictæ perlæ et absque pendentibus ejusdem regni.» La somme prêtée s’élevait à 33,750 ducats, non compris les intérêts de 5,000 ducats (A. S. V., Divers., 1486-1487, ff. 38-46. Cf. Intr. et Exit., 1488-1489, fol. 170 v°, 1489-1490, fol. 229 v° ; Intr. et Exit., 1491-1492, fol. 237 v°. Voy. en outre mes Collections des Médicis au XVe siècle, p. 95-96 (lettre du 26 janvier 1489).
1492. 2 juillet. Habita in Camera apostolica per os patres dn̄os ejusdem Cameræ præsidentes clericos super receptione et distributione introituum spiritualium et discussis discutiendis cum mercatoribus declaratis super introitibus hujusmodi pro diversis summis creditoribus sive majore parte eorundem creditorum, ut ipsi introitus spirituales debitis Cameræ subveniant, et creditores absque confusione quod sibi debetur habilius consequantur...
» Hæc sunt nomina mercatorum qui, ut præmissum est, et pro summis descriptis infra possunt excomputare et expedire pro medietate, dummodo de ipsis summis descriptis appareant veri creditores infra primam divisionem faciendam. Et primo:
Alii vero qui accipere debent divisionem secundum modum suprascriptum sunt hii, videlicet: primo
Visa in Cam. ap., etc. — Arch. Secr. Vat., Divers. Cam., 1491-1492, vol. 48, ff. 138 v°-140 v°.
1492. 11 juillet. De mandato facto 29 junii flor. auri tricentos quadraginta novem a dictis Martellis et Ricasulis in deductionem crediti habiti cum Camera pro quo habebant in pignus certa vasa argentea, ad introitum a S. D. N. ut supra (fol. 90). — A. S. V., Intr. et Exit., 1491-1492, vol. 523, fol. 227.
DÉDICACE DU «TRAITÉ D’ARCHITECTURE» DE VITRUVE PUBLIÉ PAR SULPICIUS (1486).
Raphaeli Riario Cardinali Sanctæque Romanæ Ecclesiæ Camerario. Jo. Sulpitius fœlicitatem.
Quicquid curæ, studii, vigiliarum et opere in cmendando et vulgando Victruvio posui, quicquid utilitatis in medium affero, quicquid forsan et laudis consequar tuæ dedico amplitudini, Raphael Riarie, Romanæ ecclesiæ dignissime Camerarie, certum litteratorum præsidium, fotor (sic) ingeniorum, spes publica, patrocinium popularium (sic), benignitatis delitie (sic), virtutum quam plurimarum vivida quædam effigies! Cui enim hunc aptius possem? quam cui ego sum deditissimus, et a quo me diligi, et Victruvium in delitiis haberi intelligo? Immo ad quem libentius architectus ipse se diriget? quam ad eum qui sua lectione plurimum delectatur, quique suis præceptis et sæpe et in magnis ædificiis, si vixerit, sit usurus, quemque prætoria, villas, templa, porticus, arces et regias, sed prius theatra ædificaturum spe certa colligimus.
Tu enim primus Tragœdiæ, quam nos juventutem excitandi gratia et agere et cantare primi hoc ævo docuimus (nam ejus actionem jam multis sæculis Roma non viderat), in medio foro pulpitum ad quinque pedum altitudinem erectum pulcherrime exornasti, eandemque postquam in Hadriani mole, Divo Innocentio spectante, est acta, rursus intra tuos penates tanquam in media circi cavea toto consessu umbraculis tecto, admisso populo et pluribus tui ordinis spectatoribus, honorifice excepisti. Tu etiam primus picturatæ scœnæ faciem quom (sic) Pomponiani comœdiam agerent, nostro sæculo ostendisti. Quare a te quoque Theatrum novum tota urbs magnis votis expectat; videt enim liberalitatem ingenii tui, qua ut uti possis Deus et fortuna concessit. Cum igitur nec desint tibi facultates nec voluntas gratificandi, accinge te ocius ad hanc beneficentiam alacriter exhibendam. Quid enim popularius? Quid gloriosius ista tua ætate facere possis? Q. Catulum, qui primus spectantium consessum inumbravit, jam æquavisti; Claudio in pictæ scenæ varietate non invidemus; Antonii argenteam, Petreii auream, Catulique eburneam ut luxum nimium expetit nemo; versatilem et ductilem quando libuerit facies non difficulter.
Illud unum igitur superest, ut mediocrem locum ex Victruvii institutione constituas, in quo juventus tibi deditissima ad majorum se imitationem in recitandis poematis fabulisque actitandis in deorum honorem festis diebus exerceat, honestisque spectaculis et moneat populum et exilaret (sic). Nam quæ voluptas potest cum hac spectandi delectatione conferri? quæ per oculos et aures blande in animos influens; eos titillat, movet, docet et afficit? Valeant ergo digladantium inter se hominum muta funestaque et cum bestiis vix unquam sine humana cæde spectacula, et vel hic litteratis vel in campo militaribus delectemur. Ea autem ut quam optime et sæpissime fiant, Theatro est opus. Quo quid fieri et presentibus et posteris jucundius potest? Si enim post Pompeianum illud marmoreum et capacissimum, minora et incultiora magnæ suis gloriæ fuerunt auctoribus, quantæ tibi nunc erit, quom (sic) nullum integrum extet, si aut dirutum reparaveris, aut novum erexeris? Aedes sacras, quarum maxima est copia (atque utinam tam sanctæ (sic) quam passim deos veneraremur!), in ætate provectiori ponere poteris. Producet enim tibi vitam Omnipotens, si bene feceris, et ad summa rerum te evehet, ut non modo maxima quæque urbium ornamenta, sed etiam novas urbes constituas. Nunc vero hæc occasio præter mittenda non est.
Vides enim magnum ad Romam ornandam inter præstantissimos et fuisse jam pridem et esse certamen, ac unumquenque in suæ laudis argumento quod prudenter excogitavere versatos esse atque versari.
Sixtus Pontifex Maximus, compluribus sacris ædibus instauratis, Pontem refecit, Vias direxit et stravit, Bibliothecam copiosissimam ordinavit, tum Divæ Virgini speciosissima templa ædificavit.
Innocentius vero ad illum et Paulum superandum erectus, omnia præclara et popularia cogitat. Itaque imposito bellis fine, Prætorio suburbano peracto agilitatis certaminibus et equitum concursionibus, dotalibusque et sumptuariis legibus revocatis, Falconis Sinibaldi, sui questoris, summi consilii, fidei, auctoritatis et patriæ amantissimi viri, et Marcelli Capiferri Nicolaique Porcii ædilium singularis amicitiæ cura tum Flore campus, tum Circus Flaminius lateribus aptissime sternitur. De Gymnasio nostro evertendo et magnifice construendo (quod utinam præoccupasses: ibi enim quotidiana omnium disciplinarum eduntur spectacula) prudentissimi Reformatores jam iniere consilium, et eurythmiam et symmetriam disposuere.
Quæ cum ita sint, quid aliud novi huic est sæculo reliquum? nisi ut aut fontes inducantur, aut theatrum ædificetur? Fontes vel tu postea, vel quivis alius cum multa utilitate gratiaque inducet. Nunc theatrum quin vel instaures vel novum construas cave ne d[i]fferas, ne tantam expectationem et spem eludere videaris. Difficile est enim amantissimi populi desiderium aut diu protrahere aut omnino frustrari: gratia enim, qua nominis celebritas viget, vel remittitur vel extinguitur. Quod ne tibi possit accidere, age, hanc gloriosam provinciam, toto populo optante et, ut magnificentius et instructius erigas, aurum per singula capita ultro conferente, jam arripe, et te gratiosum et clarissimum hac insigni liberalitate gratiosiorem illustrioremque reddens, perpetua populum Romanum voluptate cum æterna tui memoria bea. Interim vero nostrum hoc munusculum, queso, ne asperneris, atque ut ei, donec tibi nostris aliquid fabricatum manibus afferam, acquiescas, dignationem tuam magnopere velim ornatam. Vale.