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LES PEINTRES

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Table des matières

La décoration de la chapelle Sixtine n’avait été achevée que peu de temps avant la mort de Sixte IV: il n’est donc pas surprenant que Rome comptât encore, au moment de l’avènement d’Innocent VIII, quelques membres de la phalange réunie par son prédécesseur.

En tête figure le Pérugin. Il prit une part importante à un travail relevant de la décoration temporaire plutôt que du grand art: les préparatifs du couronnement d’Innocent VIII. De ce chef, il reçut, avec son associé Antonazzo, la somme de 310 florins. Le mandat de paiement (20 novembre 1484) nous apprend qu’il s’agissait surtout de bannières ornées des armes du nouveau pape, de 25 images de Saint-Antoine, de peintures dans la chambre du pape, enfin de la «dealbatura aulæ palatii.»

On est surpris de ne pas trouver au service d’Innocent VIII un peintre aussi éminent que Melozzo da Forli, l’un des favoris de son prédécesseur Sixte IV. Les relations de l’artiste avec le pape défunt et surtout avec son neveu, Girolamo Riario, seigneur de Forli, expliquent son abstention. Selon toute vraisemblance, il se retira, de son propre mouvement, dans sa ville natale, où l’attendaient les faveurs du comte Riario, tombé en disgrâce sous le nouveau pontife. Melozzo mourut, comme on sait, le 8 novembre 14942.

Les ténèbres qui ont si longtemps enveloppé la personnalité du peintre romain Antonazzo ou Antoniazzo Aquilio sont aujourd’hui dispersées, grâce aux travaux de MM. Cavalcaselle et Crowe, Corvisieri et Bertolotti. Il résulte de nos documents qu’Antonazzo fut pendant un temps l’associé du Pérugin; ce qui ne donne pas une faible idée de sa réputation. Après avoir travaillé avec lui aux préparatifs du couronnement d’Innocent VIII, ils peignirent ensemble la porte de la chapelle Sixtine. La mention de ce paiement se trouve, une fois dans un registre des Archives d’État, au Campo Marzo, une autre fois, avec une date différente, dans un registre des Archives Secrètes du Vatican. Ce dernier registre ajoute un détail précieux, à savoir que les 83 florins constituant le versement furent comptés entre les mains de «magister Petrus de Perusia».

Sur les travaux exécutés à Rome, pendant le pontificat d’Innocent VIII, par un autre colloborateur du Pérugin, Bernardino Pinturicchio, une simple mention suffira ici: le lecteur trouvera à cet égard les plus amples détails dans l’Histoire de la Peinture italienne de MM. Cavalcaselle et Crowe (édit. allem., t. IV, p. 217-273) et dans la savante monographie de M. Schmarsow: Pinturicchio in Rom. J’ignore si un document du 14 décembre 1484, relatif à une fourniture de plâtre, se rapporte à Bernardino Pinturicchio ou à son obscur homonyme et compatriote Bernardino di Piero, qui était fixé à Sienne en 1484-1485, c’est-à-dire précisément vers l’époque à laquelle appartient notre document.

A ne considérer que les travaux courants confiés à Pier Matteo Serdenti d’Amelia, on pourrait croire que nous avons affaire à un peintre en bâtiments, et non à un peintre d’histoire. A chaque instant, en effet, nous le voyons chargé d’ouvrages infimes. Mais un témoignage contemporain, auquel on n’hésitera pas à ajouter foi, nous montre que la réputation de ce maître ne se bornait pas à la cour pontificale et à Rome: en 1482, l’un des députés de l’œuvre du dôme d’Orvieto, désirant voir s’achever les fresques de la chapelle neuve, dont la décoration avait été commencée par Fra Angelico, proposa à ses collègues de s’adresser à Pier Matteo d’Amelia; il insistait toutefois sur la nécessité de lui faire subir un examen préliminaire. Nous ignorons si l’on donna suite à cette proposition, mais nous pouvons affirmer qu’à partir du règne d’Innocent VIII Pier Matteo exécuta pour la cour pontificale des travaux très considérables. A un certain moment la Chambre apostolique lui devait une somme relativement élevée.

Antonazzo, alors dans toute la force de son talent, ne dédaigna pas de s’associer avec lui. En 1485 les deux maîtres peignirent des étendards destinés au Capitole, aux citadelles de Civitavecchia, de Cervetri et de Bénévent.

Les historiens du Palais de Venise, l’ancien palais de Saint-Marc, ont tous ignoré l’existence d’un important cycle de peintures décoratives conservé jusqu’à nos jours dans ce monument, le plus imposant de ceux que la Première Renaissance a laissés à Rome. J’éprouverais quelque embarras à faire ici mon mea culpa, si je ne me trouvais en si bonne compagnie. Aussi bien l’exploration du palais n’était-elle pas des plus faciles à l’époque où j’habitais la Ville éternelle.

Ces peintures, au nombre de douze, ornent la salle qui avoisine les archives de l’ambassade d’Autriche et représentent les Travaux d’Hercule, ainsi que des Enfants jouant.

M. Ulman produit toute une série d’arguments qui militent en faveur de Pollajuolo. Il est disposé à croire que celui-ci travailla au palais de Saint-Marc dès 1471; il reconnaît toutefois qu’il n’est pas impossible qu’il y ait travaillé sous le pontificat d’Innocent VIII, entre 1489 et 1491.

Dès la première année du pontificat d’Innocent VIII, le cardinal Giuliano della Rovere avait essayé de fixer Mantegna à Rome, pour achever les Stances du Vatican. Enfin, en 1488, Innocent VIII obtint du marquis de Mantoue à force d’instances que celui-ci lui abandonnât pour une couple d’années l’illustre artiste que les princes de l’Italie entière se disputaient. De 1488 à 1490, Mantegna décora pour lui une petite chapelle située dans le palais apostolique.

La description que Taja (1750) et Chattard (1767) nous ont laissée des fresques de Mantegna semble avoir échappé aux historiens de l’art; MM. Cavalcaselle et Crowe notamment, dans leur belle Histoire de la Peinture en Italie, ne l’ont pas connue: ils se bornent à dire que «nous savons seulement de ces fresques qu’elles représentaient entre autres, le Baptême du Christ.» Si cette double description n’est pas inédite et si elle n’est pas de nature à nous consoler de la perte d’un ensemble véritablement merveilleux, elle nous fournit du moins le moyen de classer un certain nombre de dessins de Mantegna, en les rapprochant de telle ou telle des scènes de la chapelle.

Particulièrement suggestive et féconde fut la présence à Rome de l’habile et frivole Filippino Lippi. C’est vers 1487 que le cardinal Oliviero Caraffa l’appela pour lui confier la décoration de la chapelle de Santa-Maria sopra Minerva. Vasari nous a laissé sur ce travail des détails curieux, que tous nos lecteurs connaissent. Cependant Filippino avait dès 1487 accepté la commande de la décoration de la chapelle des Strozzi, dans l’église Santa Maria Novella de Florence. Une lettre qu’il écrivit de Rome, le 2 mai 1489, à Filippo Strozzi a pour but de faire prendre patience à son client. Un mot encore: la décoration de la chapelle Strozzi traîna singulièrement en longueur: elle ne fut achevée qu’en 1502.

Je termine par des notices sur quelques artistes moins connus.

« Christophorus Colonella pictor» travaille en 1491 pour le chapitre de Saint-Pierre, qui lui confie divers travaux à San Biagio della Pagnotta.

« Evangelista pictor de Sutrio» est employé en 1485 par le même chapitre: il peint pour lui des écussons destinés aux cérémonies .

« Magister Paulus pictor» est locataire du chapitre de Saint-Pierre, pour un loyer d’un florin.

« Magister Petrus de Senis pictor» reçoit, en 1487, un paiement pour des peintures exécutées au Palais apostolique.

Je citerai encore, comme ayant travaillé à Rome, pour l’église Sant’Agostino, au temps d’Innocent VIII, le peintre Nardo. Cet artiste fut chargé, en 1487-1488, de menus travaux de restauration (« per arraconciare lo crucifixo che fo della bona memoria de mastro Paolo... — per fare repegniare et acconciare la Nostra Donna et Joseppe per lo presepio»).

A propos de la construction d’un «nuovo palazzo» dans une localité qui n’est pas nommée, mais qui me paraît être Viterbe (car c’est de cette cité qu’il est question dans une série de registres congénères), un registre des Archives du Campo Marzo signale un certain «Guian (ou Janni) Jacomo de Mastro Andrea pentore» qui exécuta, en 1487-1488, les peintures du «bussulato» et des «palchi» de ce palais (Patrimonio, Tesoreria generale, 1487-1488, fol. 138).

Parmi les peintres verriers fixés à Rome sous ce pontificat, nos documents nous font connaître les trois suivants:

« Magister Johannes vitrarius», qui reçoit, le 27 février 1485, un paiement de 18 florins pour deux fenêtres exécutées «in capella palatii in sancto Petro cum armis... Sixti» (ce travail remonte donc au pontificat de Sixte IV).

« Mastro Philippo de Pesaro vitrero», qui arrange, en 1485, deux fenêtres de la sacristie de l’église Saint-Augustin.

« Mastro Juliano Romano che fa la finestra de vetro a Torre Sanguinea.» Cet artiste travaille, en 1488, pour la même église de Saint-Augustin.

Un mot aussi sur les peintres en miniature. En 1485, Innocent VIII employa comme miniaturiste «magister Joachinus», identique soit à Giovacchino di Giovanni de Sienne, soit à Giovacchino de Giganti. De 1491 à 1496 nous rencontrons à différentes reprises sur les registres du couvent de Sant’Agostino le nom d’un certain «Gregorio miniatore». Cet artiste enlumina un Antiphonaire, des Offices, un livre de baptême et de décès, un Psautier.

Les arts à la cour des papes Innocent VIII, Alexandre VI, Pie III (1484-1503)

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