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ANNETTE LAÏS
XI.
LE ROMAN D'UNE JEUNE FEMME

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«Ce qu'il y a de bizarre au monde, me dit Aurélie après le départ de ce brûlant Josaphat, et d'un ton qui me faisait bien voir qu'elle reprenait mon éducation morale où elle l'avait laissée, c'est le goût des hommes en matière d'amour. On cite bien quelques curiosités de nous autres femmes: çà et là une passion allumée par un bossu, par un nègre ou par un notaire, mais ce n'est rien, messieurs, auprès du prodige de vos fantaisies. Ainsi, voilà deux hommes, mon mari et mon médecin, qui m'abandonnent pour une pure et simple caricature. Mon mari est vieux, mon médecin est fou, c'est très bien; mais voilà le pli pris. Ils font la route. En amour, dès que la route est faite tous les sots y passent, et Dieu sait que le sentier devient tout de suite un grand chemin. Avec le président d'un côté, Josaphat de l'autre, cette sauterelle mal emmanchée d'Annette Laïs est capable de débuter l'hiver prochain à l'Opéra. Eh bien! si l'on nous mettait, elle et moi, devant un miroir, à laquelle irais-tu, chevalier?

– A vous, petite maman, répondis-je.

Je disais vrai. Je n'étais pas assez du monde parisien pour goûter la saynète improvisée par le docteur. Ces choses ne sont originales qu'à un certain point de vue. Cela ressemble à l'esprit de quelques-uns de nos vaudevilles qui demande, pour être bien senti, l'étude préalable d'une langue dont le vocabulaire n'a pas encore été imprimé. Je ne voyais guère là-dedans qu'Annette Laïs, assise à son piano; devant Josaphat qui regardait ses épaules, ses sourcils et les ailes de son nez. Cela m'importunait. Entre moi et Annette Laïs, je ne découvrais aucun lien. Pourquoi mon chemin était-il plein d'elle? Ma cousine attira mon fauteuil à la force du bras, elle me prit les deux mains et me fit asseoir auprès d'elle sur le divan.

«Qui sait, murmura-t-elle tendrement, si tu n'iras pas aussi avec cette Annette Laïs?»

Annette Laïs

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