Читать книгу Portraits et caractères de personnages distingués de la fin du XVIIIe siècle - Gabriel Sénac de Meilhan - Страница 10
MADAME DE POMPADOUR.
ОглавлениеNÉE de parents obscurs, son père avoit malversé dans un emploi subalterne. Mad. Poisson, sa mère, femme sans principes, s’occupa, dès quel’âge eut développé les charmes de sa fille, des moyens de la produire et de la faire connoître du roi. M. Le Normand d’Etiolles, financier d’une naissance honnête, fut frappé de sa beauté. Fermant les yeux sur la mauvaise réputation du père et de la mère, et le défaut de fortune de la fille, il se détermina à l’épouser, et se flatta que l’espérance la lui attacheroit.
Madame d’Etiolles s’empressa de chercher les moyens de se faire connoître du roi. Elle y parvint, et ses charmes firent sur lui l’impression qu’elle avoit droit d’en attendre. Elle le vit plusieurs fois secrètement, soit à Paris, soit à Versailles, et la possession, loin d’éteindre les désirs du monarque, ne fit que les irriter davantage. Après plusieurs entrevues, madame d’Etiolles, qui désiroit avoir l’éclat et le rang de maîtresse reconnue, vint à bout de forcer le roi timide et irrésolu à la laisser s’établir dans un appartement contigu au sien. Dans les premiers temps, elle se mêloit particulièrement de ce qui concernoit la finance. Elle en introduisit l’esprit à la cour, et fit naître le désir aux femmes et aux courtisans de participer aux bénéfices des financiers au moyen de pensions sur leurs places, qu’on appeloit des croupes. L’esprit d’avidité et d’un sordide intérêt se joignit dès lors à l’ambition des courtisans, plus épris autrefois de l’éclat et des titres. C’est ainsi que tout se tient dans l’ordre moral, et que la circonstance si indifférente de la naissance d une maîtresse peut avoir une grande influence sur les mœurs de la cour. Madame d’Etiolles, ♦ créée marquise de Pompadour, étendit bientôt son pouvoir, nomma et destitua les ministres et les généraux. Mais ce qui est peu connu et qui n’a jamais fait de sensation, c’est l’infidélité de la marquise à son royal amant. On n’en pourra douter en lisant des lettres très-connues de la duchesse de Lauraguais au duc de Richelieu. Tous deux étoient parfaitement instruits de ce qui se passoit à la cour, et la duchesse reproche au duc de n’avoir pas, comme plusieurs autres qui l’avoient fait avec succès, cherché à plaire à la marquise. La duchesse de Lauraguais dispense, pour un aussi grand intérêt, son amant de la fidélité qu’elle avoit droit d’en attendre. Madame de Pompadour, vers le milieu de son règne, sentant qu’elle ne pouvoit fixer l’humeur volage du roi, se borna à être son amie et son conseil. Elle fit plus: elle osa aspirer à être admise, par la reine, au nombre des dames du palais, et cette princesse eut la foiblesse de consentir à cette scandaleuse élévation. Depuis ce temps, le roi se livra entièrement à des goûts passagers et obscurs, et la marquise continua à gouverner. Mais soit que le duc de Choiseul, dont elle étoit éprise et enthousiasmée, eût fini par avoir moins d’égards pour elle, soit que le roi fût dégoûté, par le mauvais succès, des conseils et des choix de la marquise, elle vit, dans les derniers temps de sa vie, diminuer son crédit, et il est probable que la mélancolie abrégea ses jours.
La marquise de Pompadour étoit belle, mais sa figure étoit inanimée. Elle avoit peu d’esprit, et n’avoit jamais pu perdre à la cour le ton et les manières des sociétés de finance. Le portrait que Voltaire a fait d’elle dans la Pucelle, est parfaitement ressemblant:
Telle plutôt une heureuse grisette, etc., etc.