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MADAME DU BARRY.

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MADEMOISELLE Beauvernier, surnommée Lange, à cause de sa beauté, et connue sous ce dernier nom, étoit née dans la bassesse. Des circonstances particulières, et les agréments de sa figure, engagèrent une personne qui eut occasion de la connoître à lui procurer quelque éducation, et elle demeura plusieurs années dans un couvent. Sa beauté la fit rechercher, et elle eut plusieurs amants, les uns par goût, dit-on, et un plus grand nombre par des vues d’intérêts. Le comte Du Barry, qui depuis vingt ans s’occupoit de donner une maîtresse à Louis xv, eut occasion de la connoître, et se persuada aussitôt qu’il avoit trouvé la personne propre à remplir ses vues. Cet homme, connu sous le nom du Roué, avoit beaucoup de talents pour l’intrigue, et un tact merveilleux pour apprécier les charmes et la beauté des femmes. Il devint l’amant de mademoiselle Beau vernier ou Lange, et s’occupoit aussi de pourvoir aux dépenses de sa maîtresse et aux siennes, en attirant chez elle des gens riches qui payoient libéralement ses faveurs passagères. Mais la vérité exige que je dise que le nombre de ses amants de diverses sortes n’a point été aussi considérable qu’on l’a prétendu, et que Lange avoit un extérieur décent et des manières réservées pour une femme de son état. Du Barry ne perdant pas de vue son projet de donner une maîtresse au roi, crut nécessaire de la faire sortir de la classe des filles, et de lui donner un état honnête. En conséquence, il la fit épouser à son frère, et elle prit le nom de comtesse Du Barry. Il la fit connoître de Le Bel, premier valet de chambre de Louis xv; et celui-ci, en ayant parlé au roi comme d’une femme charmante, lui inspira le désir de la voir. Le roi fut séduit par sa beauté, et encore plus, peut-être, par l’art qu’elle avoit de réveiller les sens que l’âge commençoit d’amortir. Il ignoroit son ancien état, croyoit qu’elle n’avoit eu qu’un seul amant, et qu’elle étoit femme de condition. Il eut la foiblesse de consentir à sa présentation, et il la fit monter au rang des La Vallière, des Montespan et des Pompadour. Parvenue à cette place, elle ne mit aucune mesure à ses prodigalités; le trésor royal sembloit être à sa disposition et à celle de son beau-frère. L’asservissement du roi à une femme regardée comme une prostituée, le luxe de celle-ci, ses énormes dépenses, excitèrent le plus grand scandale. Il en résulta une diminution de respect pour le roi et pour la royauté, circonstance qui est à compter parmi les causes qui ont, non pas amené la révolution, mais qui l’ont facilitée, en y préparant les esprits. A la mort de Louis xv, madame Du Barry fut traitée avec sévérité. On la força d’entrer dans un couvent; ensuite on sentit qu ’il n’y avoit rien à reprocher à cette femme qui n avoit fait que son métier, en tirant de son amant tout l’argent qu’il vouloit bien lui donner. Elle fut rendue à la liberté, et vécut à Lucienne, maison de campagne magnifiquement ornée. Tout le monde connoît sa triste fin. Les plus importants événements qui avoient eu lieu pendant sa faveur avoient passé devant ses yeux comme les personnages de la lanterne magique: elle ne s’en étoit point mêlée, et il ne lui en restoit qu’un confus souvenir. Lors de la révolution elle se signala par son dévouement et une bonté singulière pour ceux qui étoient menacés d’en être les victimes. Enfin cette femme, que rien n’avoit prémunie dans sa jeunesse contre le vice, et qui avoit été en traînée par la misère et les mauvais conseils, n’a jamais fait de mal, avec tout pouvoir de nuire. C’est une modération remarquable dans sa position, et qui lui donne des droits à l’indulgence des gens les plus sévères.

Portraits et caractères de personnages distingués de la fin du XVIIIe siècle

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