Читать книгу Programme des Épouses Interstellaires Coffret - Grace Goodwin - Страница 10
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ОглавлениеPrince Nial, Cuirassé Deston, Salle de Transfert
Je parcours les couloirs du cuirassé comme un fou. Des guerriers endurcis détournent le regard, incapables de supporter la vue de ma peau aux reflets argentés. Je doute que ce soit à cause de moi, mais plutôt à cause de ce qui pourrait leur arriver. Je m’en fiche. Je serai sur Terre dans quelques heures, avec mon épouse. Je ne peux pas foirer cette mission.
Lorsque ma partenaire sera en sécurité, je me mettrai en quête d’un guerrier avec lequel la partager, je choisirai un second partenaire qui la protègera, et je m’emploierai à reconquérir mon trône. Je marche, ma colère me tord le ventre. Mon père est un imbécile, j’ai passé trop d’années à lui obéir aveuglément. Il est temps de le destituer, de force si besoin. Sa stratégie dans la guerre qui nous oppose à la Ruche est inefficace et débile, la preuve. Sans le Commandant Deston qui dirige la flotte de combat de main de maître, on serait déjà fichu. La salle de transfert est presque pleine. Le commandant Deston, sa partenaire Hannah, et leur second, Dare m’attendent près de la plateforme de transport. Deux guerriers que je ne reconnais pas actionnent le pupitre de commandes, ils enregistrent les données nécessaires pour me transférer au centre de recrutement sur Terre, celui-là même où ma partenaire a été recalée il y a quelques jours. Recalée ! Ma colère va crescendo en l’apprenant.
Deux immenses guerriers gardent la porte. Je réalise le risque que prend mon cousin en les voyant. Il n’y a pas grand monde à bord qui aime fréquenter un guerrier contaminé, prince ou pas.
« Commandant. » Je salue mon cousin en lui agrippant l’avant-bras, incapable d’exprimer verbalement ce que cette chance représente à mes yeux. En m’envoyant sur Terre pour trouver mon épouse, il défie mon père mais également tout le conseil planétaire. Ça prouve le peu d’estime qu’il a pour mon père et sa foi en notre système d’accouplement.
Je jette un œil à Hannah, à ses côtés. Elle est si menue, si fragile comparée à ses deux partenaires, et pourtant forte et toute puissante. C’est elle le maillon fort dans l’équation. Je regarde leurs colliers assortis et j’envie leur connexion.
J’aimerais bien être comme eux moi aussi. Bientôt. Je dois juste aller sur Terre, la trouver et la ramener.
« Bon voyage, Nial, dit Deston. Une fois parti, ton père bloquera à coup sûr les gares de transport, il enverra probablement des chasseurs de primes à tes trousses.
– Mon père ne me fait pas peur. »
Le commandant Deston acquiesce avec un profond respect que je ne lui connais pas. J’étais un enfant gâté. J’en ai conscience à présent, et je ne m’en vante pas. Un prince pourri gâté qui veut jouer à la guerre sans comprendre ses tenants et aboutissants. Je ne suis plus le même. Je me détourne du Commandant et salue son épouse. « Dame Deston.
– Bonne chance. » Elle se met sur la pointe des pieds et m’embrasse sur la joue gauche. Ça me persuade d’autant plus qu’une épouse terrienne est ma seule chance de trouver une femme qui m’acceptera tel que je suis.
Son second partenaire, Dare, croise mon regard, j’envie le petit éclat argenté qui brille dans son œil. Il a été capturé lui aussi. Mais en tant qu’héritier du Prime, j’ai eu droit aux honneurs de la Ruche, ils se sont occupés de moi en priorité. Dare s’en est bien tiré avec leur technologie, il n’a eu droit qu’à cet éclat dans un œil, lui seul le sait, et ses proches.
Dare attrape ma main tendue. « Comment protègeras-tu ta partenaire sans l’aide d’un second ? » Il maintient le contact, alors que je l’aurais déjà lâché pour ma part. « Tu devrais choisir un second, Nial. Emmène-le avec toi.
– Je suis un paria, je suis contaminé. Je secoue la tête. Je ne peux pas imposer ça à un guerrier. Pas encore. »
Dare poursuit. « Imposer quoi ? Protéger et veiller sur une magnifique épouse ? Se partager son corps et la baiser jusqu’à ce qu’elle crie de plaisir ? Il sourit et Hannah rougit. Fais-moi confiance, Nial, être second, c’est loin d’être une punition. »
Je sais qu’il dit vrai quand je repense à sa—leur—cérémonie d’accouplement.
Il dit peut-être vrai mais je suis contaminé, ce qui va à l’encontre des lois en vigueur sur Prillon, notamment concernant les déplacements sur une planète. Je suis accouplé à une épouse qui ne me connaît pas et qui partira probablement en hurlant lorsqu’elle découvrira dans quel état je suis. Je ne peux demander à un guerrier de se joindre à moi en de pareilles circonstances.
Je ne réponds pas, je relâche l’étreinte de Dare et monte sur la plateforme de transport, les yeux sombres de Dame Deston brillent d’un éclat malicieux. Ses cheveux bruns ne passent pas inaperçus parmi la race blonde de Prillon Prime, qui brille telle une étoile dans la noirceur de l’espace. « Vous serez tout nu lors de votre arrivée.
– Oui. » Pas de vêtements. Pas d’armes. Je connais le protocole de Prillon, je sais comment nos transporteurs ont été conçus. Aucun vêtement et aucune arme ne résisteraient à un voyage si long. L’arrivée d’une épouse volontaire et nue est l’un des évènements les plus attendus de toute la Coalition Interstellaire. Je me demande comment ils réagiront au centre de recrutement sur Terre lorsqu’ils verront un homme nu—non, un individu mi-homme/mi-cyborg—apparaître, tout nu.
« Vous mesurez trente centimètres de plus que la majorité des hommes sur Terre. On va vous repérer à des kilomètres à la ronde.
– J’ignore ce que signifie cette expression, mais j’avoue que je vais faire figure d’oiseau rare rien qu’avec ma taille, sans parler de ça. » Je montre mon profil.
Hannah serre les lèvres et hoche la tête.
« Soyez vous-même. »
Ce retard m’excède, je regarde le guerrier officiant aux commandes d’un sale œil. Il hoche la tête devant mon ordre tacite.
« Attendez. »
Une voix grave nous fait tous nous retourner. L’un des gardes près de la porte s’avance vers moi.
Il s’appelle Ander, c’est l’un des guerriers qui nous a tiré d’affaire de la Ruche, Dare et moi. Il est plus costaud que moi, des épaules larges, une grande cicatrice marque tout son profil droit. Cette marque est le signe de sa bravoure au combat, le prix qu’il a payé pour notre survie.
Je suis blond à la peau claire, une couleur banale au sein de notre peuple. Ander est plus foncé, ses yeux sont couleur rouille, ses cheveux sont plus sombres et sa peau basanée, tirant plus vers le brun, il tient des anciennes lignées. Je le connaissais avant qu’il ne se porte à notre secours. Il est très redouté et grandement apprécié sur le cuirassé, c’est l’un des guerriers d’élite du Commandant Deston. Je lui dois la vie. Dare aussi. Sa présence dans la salle de transport prouve que le commandant et son second lui font confiance pour leur garde rapprochée, c’est un guerrier dévoué et de confiance.
Je croise son regard inflexible, les deux parias se dévisagent l’un l’autre. Je le regarde d’un air intrigué déposer ses armes et venir vers moi. « Je me porte volontaire pour être votre second. »
Ander est un coureur notoire plus âgé que moi mais âpre au combat. Je ne pourrais tomber sur meilleur guerrier pour m’aider à trouver et protéger mon épouse. Il m’a prouvé sa fidélité ainsi qu’à Dare et au commandant durant toutes ces années de guerre. Je ne le connais pas vraiment mais ça ira. Il est digne de prendre épouse. Merde, il le mérite peut-être encore plus que moi.
La cérémonie d’accouplement est la pierre angulaire de mon accouplement, celle avec le second très dominateur qui a sodomisé sa partenaire avec une précision digne d’un expert. Je ne connais ma partenaire qu’en rêve, Ander devrait faire l’affaire. Largement.
Je me tourne vers le commandant, je ne peux emmener l’un de ses meilleurs guerriers sans sa permission. Si j’étais le prince de naguère, celui qui croyait que tout lui était dû, j’aurais emmené le guerrier sans rien demander à cet homme qui dirige le vaisseau, à ceux qui obéissent à ses ordres, à ceux qu’il protège.
Ander se tourne à son tour vers le commandant. Le commandant tient sa partenaire par la taille, il sourit, c’est rare. « Allez-y. Que les Dieux vous protègent. »
Dame Deston pose sa tête sur son épaule, elle sourit sincèrement. « Essayez de ne pas tuer trop d’idiots. Et de ne pas lui faire une peur bleue. » Elle tend la main et Dare lui remet trois colliers noirs. Elle se tourne vers moi. « Vous allez en avoir besoin. »
Je secoue la tête. « Je crains, ma Dame, qu’ils ne survivent pas au transport. Ils ne fonctionneront pas correctement hors de portée du vaisseau.
– Oh. Je les garde pour votre retour. » Elle les pose dans la main de Dare et se serre contre ses deux partenaires, visiblement déçue en nous voyant tous deux, côte à côté, sur l’emplacement dédié au transport. « Bonne chance. Elle va vous prendre pour des bêtes curieuses. Faites preuve de patience. »
Je hoche la tête et m’étreins en prévision de la torsion qui s’exerce lors d’un voyage au long cours, Ander se tient derrière moi. Une montée de puissance envahit mes cellules, le protocole de transport a commencé. Je ne comprends pas sa phrase elle va vous prendre pour des bêtes curieuses. Ni le fait de faire preuve de patience. Cette terrienne est ma partenaire. Nous sommes liés. Elle est au courant de la connexion, tout comme moi. Elle va se demander qui est Ander, je l’ai choisi comme second, elle n’a pas à me poser de questions. Son partenaire. Inutile de perdre du temps à courtiser notre nouvelle épouse avec des airs avenants ou de belles paroles.
Je suis son partenaire !
Je vais tout simplement l’enlever. Et si elle a peur ? Si elle s’oppose à cette union ? Peu importe. Elle m’appartient et je ne la laisserai pas tomber. Je vais la conquérir, elle finira bien par céder, dans une semaine ou dans un an.
Jessica, Terre
Accroupie sur le toit, je scrute les gradés de la Brigade des Stups à l’aide d’un téléobjectif caché dans mon sac. Ma cible est assise sous un parasol à l’une des sept tables, dans la cour d’un café du centre-ville. Je porte ma tenue habituelle lorsque je suis en mission, chemise et pantalon noirs.
Les officiers sont les invités du cartel, leur présence est bien la preuve qu’ils sont véreux, ils sont pris sur le fait. La preuve est établie. Le lieu est très surveillé par des sbires lourdement armés, des hommes surveillent sans relâche depuis le toit.
J’ai quinze minutes pour filer d’ici avant qu’ils ne m’attrapent.
Une femme s’agenouille par terre entre les jambes d’un homme, elle lui taille une pipe sous la table tandis qu’il sirote son whisky et plaisante avec son pote. Il ne s’interrompt même pas lorsque la femme, sous l’emprise de la drogue, avale sa bite et fait mumuse avec ses couilles. Toute la zone regorge de trafiquants de drogue, de souteneurs et de prostituées à leur service, leurs esclaves.
Je me demande quel est le pire, les femmes qui meurent d’une banale overdose de C-Bomb ou les rescapées, condamnées à l’esclavage pour obtenir leur prochaine dose.
Ça fait quarante-huit heures que je n’ai pas pris de vrai repas, je suis déshydratée et je n’ai avalé que des gélules de protéines et du café. Je n’ai pas de maison et plus de famille. Mon partenaire extraterrestre, le seul homme qui me convienne dans tout l’univers, ne veut pas de moi. Il ne me reste que mon honneur, et la possibilité de faire en sorte que les femmes ne soient plus kidnappées et forcées à se droguer ou tomber dans l’enfer de la prostitution. Ce groupe utilise une certaine méthode de recrutement, ils administrent aux captives un cocktail de drogues—dénommé C, ou C-bomb, pour Cunt-bomb—les femmes sont réduites à l’état de putains décérébrées. Cette drogue fonctionne à merveille. Une dose suffit pour que les femmes soient accros ou meurent.
La dépravée qui suce la bite du mec est visiblement droguée.
L’un des barons de la drogue glisse un sac rempli de drogue, de fric et Dieu sait quoi d’autre sur la table de l’officier de la Brigade des Stups, il ouvre le sac, sourit et saisit une seule pilule dans le sac—rose clair, je la vois grâce à mon téléobjectif. Il la prend entre le pouce et l’index et la donne à la femme qui lui fait une fellation sous la table. Elle la met sous sa langue. Elle se fige presque immédiatement, sourit d’un air béat et baisse la tête, redoublant d’efforts et lui fait une gorge profonde.
Je fais la grimace, je prends photo sur photo, en faisant attention de ne pas bouger. Pas encore. Il me faut encore un nom, encore un visage. J’ai déjà identifié trois gros bonnets. Il ne reste plus qu’à envoyer un petit mot et des photos à des flics honnêtes pour les envoyer derrière les barreaux. Je veux juste savoir avec qui ce groupe est en affaires à la mairie et j’aurais terminé. Je vais anéantir les connards qui essaient de détruire ma ville.
Je respire tout doucement, sans tressaillir une seule fois. J’ai chaud sous la bâche qui me sert de camouflage, mais je n’ose pas bouger. Le moindre reflet sur l’objectif de mon appareil pourrait les alerter de la présence. Je suis un sniper, mon arme est l’information, pas les balles. Pas aujourd’hui du moins. Lorsque j’étais soldat, ma carabine M24 était bien plus fatale.
Ma patience est enfin récompensée lorsqu’un homme que je connais sort d’une zone d’ombre et s’assoie face aux deux agents des Stups.
Je cligne trois fois des yeux pour ravaler mes larmes. Evidemment.
J’en sais assez. Ma formation de sniper prend tout son sens à cet instant précis. Je n’ai pas merdé. Je suis restée calme, j’ai respiré doucement, tandis que mon cerveau carburait à toute vitesse. Merde. Putain ! Le salaud !
Très vite, je prends quelques photos avant de rassembler mes affaires et de rentrer. Je sais exactement où le trouver, j’y suis déjà allée. Plusieurs fois. Je vais me mettre en embuscade et l’affronter, je vais tout déballer. Les citoyens doivent connaître le connard qui se cache derrière tous ces meurtres ces derniers temps, le monde n’y croira jamais. Je suis coupable, victime de son coup monté. Il me faut un aveu, j’ai besoin d’une confession enregistrée.
Deux heures plus tard, le voici de retour dans sa maison coloniale de dix pièces, je l’attends dans la salle à manger officielle située au rez-de-chaussée ; le fusil de chasse douze coups qu’il a acheté il y a des années de ça dans une armurerie est chargé, le canon repose contre le dossier d’une chaise couleur cerise. Je pointe l’arme vers sa poitrine. Il fera une cible de choix. J’ai gagné des compétitions de tir dans l’Armée pendant quatre ans, c’est lui qui m’a entraînée.
« Jess. » Il écarquille les yeux, complètement abasourdi de me voir là. Une seconde plus tard, il s’est déjà repris.
« Clyde. »
Je fixe mon vieux mentor par-dessus le fusil et hoche doucement la tête, sans le quitter des yeux. C’est un ancien soldat et un ancien commissaire de police, désormais le maire de notre belle ville. Il porte un complet bleu marine et une cravate, il est séduisant et présente bien pour la cinquantaine, c’est un modèle pour la ville. Un héros de guerre, ses yeux s’éclairent d’un sourire. Sa fossette au menton fait de lui un célibataire très convoité.
« Je croyais que t’étais partie te faire sauter par un extraterrestre. »
Il a le culot de prendre une cigarette et de l’allumer tandis que je l’observe, des volutes volètent entre nous.
3L’extraterrestre n’a pas fait son boulot ? T’es venue te faire sauter ma chérie ? Tu veux une autre dose de C ?
– Non merci. »
Il hausse les épaules et tire sur sa cigarette, il fait des ronds de fumée, comme s’il n’en avait rien à foutre. « Je croyais. J’ai appris que t’as aimé la C la première fois, j’imaginais que tu voulais une nouvelle dose. »
Je frissonne. Je n’ai jamais parlé de cette nuit infernale à personne, cette nuit où j’étais droguée, j’étais quelqu’un d’autre. Je me suis enfermée dans la salle de bain, recroquevillée par terre. Je me suis masturbée jusqu’à avoir le vagin en sang, encore et encore, pendant des heures, chaque orgasme me procurait un soulagement temporaire. La torture a duré plus d’une nuit, je sais désormais à qui la faute. J’appuie sur la gâchette, il lève les mains en signe de reddition.
« Doucement.
– J’avais confiance en toi. » L’idée de le tuer me donne envie de vomir sur mes bottes, mais je me retiens. Il ne mérite pas de vivre, je dois obtenir ses aveux. Sa mort ne suffit pas. Ma caméra posée sur la corniche de la cheminée enregistre la pièce et nos moindres échanges. « Pourquoi tu fais ça ?
– Ça quoi ? » Il me regarde bien en face, calmement, il prend tout son temps pour s’asseoir dans son fauteuil favori, une arme de poing est cachée entre l’accoudoir droit et le dossier. Il ignore que son flingue se trouve bien au chaud dans ma poche.
« Tu le sais parfaitement. T’as tué des douzaines d’innocentes. Tu t’es lié au cartel. T’as vendu la ville au diable. »
Sa main se déplace entre les cousins et je souris, son regard vide devient noir de colère en constatant que son flingue a disparu. Il soupire et croise les bras sur sa poitrine.
« Fais ce que tu as à faire Jess, mais tu n’obtiendras aucun aveu de ma part. J’ai rien fait de mal. »
J’ai une envie de folle de le descendre à bout portant, de lui ficher une balle dans la poitrine grande comme le Texas, mais quelque chose m’en empêche.
Putain, ça fait chier d’avoir une conscience, ce type ne peut pas comprendre. J’ai tué lorsque j’étais au Proche-Orient, parce que j’y étais obligée. Tuer ou être tuée. C’est différent. Mais là ? C’est un meurtre de sang-froid.
Sérieusement, il mérite de mourir.
Je le dévisage pendant trente bonnes secondes, je pèse le pour et le contre. Le tuer et m’enfuir ? Le ligoter et appeler les flics ?
Ils ne me croiront jamais. Jamais. Je suis une traîtresse, une ex gradée corrompue qui dispose de millions sur son compte en banque, je planque de la C-bomb chez moi, et je me drogue. En ville, c’est un dieu. Je suis une criminelle et une menteuse. Une ordure.
Son petit sourire suffisant m’énerve à un point tel que j’avance vers lui. Je vais devoir lui mentir pour espérer le faire réagir et sortir de ses gonds. Le forcer à avouer. J’ai laissé tomber ma filature après l’avoir photographié en train de parler avec les agents, il ignore ce que j’ai vu ou pas. « J’ai pas besoin d’une confession, Clyde. Je t’ai pris en photo pendant que la pute te taillait une pipe au café, il y avait un sac contenant l’argent de la drogue sur la table.
– Salope, » crache-t-il, adieu les belles manières. « Il va t’arriver de sacrées bricoles, tu sauras même plus comment tu t’appelles, et après je te jetterai en pâture à ces mecs. Ils te déchiquèteront comme des chiens. »
Les neurostimulateurs vibrent au niveau de mes tempes et je secoue la tête pour les faire taire. Ça recommence, plus fort cette fois-ci, un bruit étrange que je n’ai jamais entendu auparavant, comme si des machines communiquaient.
Je recule, Clyde se lève et s’accroupit, profitant de ma distraction.
Merde. Il y a un truc qui cloche. J’appuie sur ma tempe et gémis. Je dois sortir d’ici. Tout de suite.
Trop tard. La douleur me vrille les tempes et je tombe à genoux. Le flingue se fracasse par terre tandis que je me plie et geins, j’essaie de rester consciente.
Clyde s’empare de l’arme et esquisse un pas dans ma direction lorsque la porte vole en éclats et sort de ses gonds. Trois créatures gigantesques font irruption dans le salon de Clyde. Ce ne sont pas des humains. Leurs corps sont entièrement métalliques, mais pas en métal dur et brillant, semblable aux clés à molette de mon grand-père ; c’est doux, on dirait que le métal est malléable, il épouse leur peau, comme s’il était vivant. Leurs yeux sont couleur argent mais au centre, à la place des pupilles, on aperçoit des points noirs et des traits, comme dans un ordinateur. Ils ont des paupières mais ne cillent pas lorsqu’ils pénètrent dans la pièce et se dirigent vers l’homme qui les met en joue.
On les dirait tout droit sortis d’un film. Des robots vivants. Des extraterrestres. Ce ne sont pas des humains.
Clyde leur tire dessus, je prends ma caméra et me carapate sous la table de la cuisine, près de la porte du fond. J’ai un mal de crâne atroce mais je sais que ces hommes—quels qu’ils soient—ne sont pas là pour une visite de courtoisie. S’ils veulent Clyde, je le leur laisse.
Le tir de chevrotine rebondit sur leur armure et crépite dans la pièce. Je serre les dents et me tais tandis qu’un éclat de chevrotine me touche à l’épaule et à la jambe.
J’ai vu pire, c’est rien comparé à ma migraine.
Je me réfugie dans le patio lorsque Clyde se met à hurler. J’entends des pas lourds, le martèlement de bottes métalliques résonne sur le parquet, l’un des monstres se dirige vers moi.
J’abandonne ma pseudo-cachette, me redresse et cours, mettant en pratique le plan que j’avais imaginé, non pas de fuir avec ma vidéo comme initialement prévu, mais de sauver ma peau. Clyde continue de hurler à l’agonie mais je ne me retourne pas. Je cours, une créature à mes trousses. Je perds le compte du nombre de fois où je fais des détours, prends des raccourcis ou essaie de me cacher. Il me suit, comme s’il était équipée d’un radar…
Merde. Je touche les cicatrices sur mes tempes et maudis le sort, Dieu et le prince extraterrestre qui m’ont abandonnée. C’est une balise de reconnaissance. C’était censé être un putain de traducteur linguistique ! Le bruit des parasites s’est atténué mais il est toujours présent, il s’agit de leur langage. Comme promis par la gardienne Egara, je comprends de mieux en mieux au fur et à mesure que j’écoute. Sauf qu’ils ne parlent pas à haute voix comme des gens normaux, mais via une sorte de fréquence que mes nouveaux implants comprennent. Ce n’est pas de l’anglais, mais je les comprends à la perfection.
« Trouvez la femme. On doit la ramener chez nous.
– Elle se trouve à vingt mètres environ par rapport à notre position. On la capturera dans trente-trois secondes et demie.
– L’homme humain est mort. Attrapez la femme. On doit ficher le camp de cette planète avant que la coalition ne repère notre vaisseau.
– Dix-neuf secondes si on se base sur sa position et vitesse actuelles.
– Augmentez la vitesse.
– On augmente de cinquante pour cent. »
Je pense brièvement à la gardienne Egara et à ses affirmations concernant la maîtrise de la langue grâce aux implants. Elle avait raison. Si je survis, je lui adresserai un mot en guise de remerciement.
Dix-neuf secondes avant que cette chose me capture ? Je cours plus vite que je n’ai jamais couru de toute ma vie, heureusement que je me suis efforcée de courir cinq jours par semaine, je percute une immense poitrine de plein fouet. Etourdie, je lève la tête, plus haut, sa peau est argentée, je pousse un hurlement.