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Axiome n°3 : Avant que les langues romanes existent, il y avait seulement des variétés romanes se développant constamment dans l’espace géographique (dialectes, « patois »). (principe d’aréalité)

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L’idée de paysages linguistiques sans frontières définies et changeant constamment dans l’espace a sa place dans la philologie romane traditionnelle. En général, elle résiste même face à la reconnaissance historique de frontières politiques, d’espaces linguistiques construits idéologiquement et de formes de société plurilingues.1 Le point de vue que des espaces linguistiques territoriaux peuvent être modifiés par l’influence d’un pouvoir politique et/ou religieux, mais non radicalement changés, va de pair avec la première acceptation. Ainsi, la philologie romane avec ses classifications historiques d’espaces linguistiques laisse bien souvent de côté ces démarcations de frontières politiques, religieuses ou administratives.

Walther von Wartburg par exemple a proposé une organisation en Romania occidentale et Romania orientale du territoire d’expansion européen des langues romanes, dont la frontière traverse l’Italie du Nord, et qui suppose en outre qu’on peut unir les deux parties dans une Romania globale.2 Cette représentation n’a jamais sérieusement été remise en question alors que dix à quinze langues romanes ainsi qu’un grand nombre de dialectes romans et beaucoup de langues et variétés non romanes sont parlées dans l’ensemble du territoire.3

La philologie romane a toujours travaillé de manière prioritaire avec ce concept de la Romania globale. Ainsi, Gerhard Rohlfs a émis le postulat d’une Romania centrale et de la périphérie, mais à laquelle il n’accorde qu’une importance de principe, c’est-à-dire à laquelle il n’associe pas de frontières précises (à l’exception, à la limite, de certaines isoglosses).4 Enfin, n’oublions pas de mentionner l’Introduction à la philologie romane de Carlo Tagliavini, dans laquelle est défendue une division en quatre Romaniae qui ne se justifie que d’un point de vue géographique, et non linguistique : la Romania ibérique (sur la péninsule ibérique), la Romania gallique (dans l’hexagone français jusqu’à la frontière linguistique germanique), la Romania italique (en Italie, donc la vallée du Po et la « botte ») et la Romania dacique (aire de diffusion du roumain dans les Balkans).5

La philologie romane est encore moins précise dans l’organisation des espaces linguistiques extra-européens, donc la soi-disante « Romania nova ». Il est intéressant que là aussi, elle ne respecte quasiment pas les frontières étatiques mais bien plus les anciens territoires coloniaux ou des espaces linguistiques définis par des isoglosses comme principe d’organisation linguistique. On retiendra donc que toute orientation à une répartition politico-territoriale des espaces linguistiques romans est secondaire face au déplacement géographique constant de variantes linguistiques. Cette posture analytique a eu des conséquences majeures d’un point de vue méthodique. Je m’y intéresse ci-après.

Depuis le début du XXe siècle, la géographie linguistique, qui s’est développée à partir de la dialectologie comme méthode descriptive, défend sa place dans la linguistique romane. Dès ses débuts, elle s’impose face à des recherches sur le style, par exemple, qui s’inscrivent dans une tradition continue jusqu’aujourd’hui, et contribue ainsi à creuser un fossé entre les lettres et la linguistique qui n’existait pas aux origines de la philologie traditionnelle. Ces observations montrent à leur tour les conséquences d’une focalisation conséquente sur la dimension orale de l’usage du langage.6

La géographie linguistique est axée sur la « production » depuis ses origines. Elle poursuit l’objectif de générer des atlas linguistiques, et, à cet effet, de déterminer une sélection représentative de données, de les traiter méthodiquement et de les présenter de façon systématique. Ainsi, la géographie linguistique est la conjonction d’une linguistique des données et de structuralisme interprétatif qui, pendant des décennies, a contribué à la définition du cœur des recherches de la philologie romane. D’autres aspects comme la dimension sociolinguistique ont été laissés de côté. Cette discipline a considéré la définition d’espaces linguistiques géographiques comme sa contribution centrale au sein de la philologie romane. Elle les démarque en déterminant les frontières linguistiques sur la base de « faisceaux d’isoglosses », sans considération des dimensions socioculturelles de l’usage du langage.

Les opinions sont partagées sur les avancées scientifiques de la géographie linguistique. Daniela Pirazzini a proposé une belle synthèse de ses apports il y a quelques années.7 Il est indéniable qu’une précieuse documentation de la variation linguistique romane est née du paradigme scientifique de la géographie linguistique – précieuse, avant tout parce qu’un grand nombre des ces variations linguistiques sont régressives de par la dé-dialectalisation de l’usage du langage et que beaucoup d’entre elles sont abandonnées d’une génération à une autre. D’un autre côté, l’orientation prédominante de la philologie romane pendant des décennies sur les variations diatopiques s’avère être une barrière au développement de procédés d’analyse innovants à propos des formes modernes de plurilinguisme, qui bien souvent s’exprime plutôt à travers la mobilité sociale des locuteurs que la fixation géographique.

Dans ce sens, la géographie sociale par exemple, qui est reconnue aujourd’hui comme discipline, a peu de chances d’entrer dans une relation interdisciplinaire avec la géographie linguistique.8 Cependant, la géographie linguistique doit reconnaître qu’en concentrant ses recherches sur les espaces de plurilinguisme urbains, son objet de recherche véritable, l’espace rural peu touché par la civilisation, perd en importance. Quelques romanistes comme Thomas Krefeld ont tenté de faire de la géographie linguistique une linguistique de l’espace qui intègre dans son observation de la variation linguistique géographique les conditions sociales, l’usage du langage et l’interaction. Malheureusement, sa théorie des « glossotopes »9 reste marginale dans le développement de méthodes de la philologie romane, qui risque de disparaître dans les remous de la construction théorique post-structuraliste, comme par exemple dans la sociolinguistique urbaine10 représentée par Thierry Bulot.

Mais revenons à l’axiome formulé afin de souligner que l’intérêt primordial pour une recherche territoriale de la variation linguistique orale n’est pas nécessairement le corollaire de cette conviction profonde. La supposition qu’il n’existait pas de langues-ancêtre dans le sens de « proto-langues standard » avant la formation des langues romanes, mais seulement des dialectes et « patois » romans, reste certainement valide. Nous observons (de nouveau) une situation similaire là où aujourd’hui l’occitan, l’aragonais ou le vénitien sont encore parlés. Par ailleurs, l’influence de langues de contact non-romanes et de langues-toit de culture comme le latin ou le grec dans les anciens territoires linguistiques proto-romans est reconnue. Ainsi, on constate la création d’espaces de plurilinguisme complexes et dynamiques depuis l’émergence des langues romanes, qu’il faut expliquer dans une perspective historico-linguistique, -sociale et -culturelle.

Voilà la clé d’une analyse moderne du troisième axiome. Interpréter cet axiome dans sa dimension territoriale uniquement s’avère être une erreur, car on laisse de côté les acquis sur la dynamique d’espaces linguistiques sociaux. L’axe de recherche linguistique avant tout géographique a rendu aveugle la philologie romane pendant des décennies et lui a suggéré une conception de l’espace purement géographique, qui a perdu sa valeur d’un point de vue historiographique. Pourtant, le potentiel de l’axiome de la dialectalité de l’origine des langues romanes est immense, car il peut et doit être le point de départ d’une réflexion sur les conditions d’émergence d’une standardisation linguistique et des paramètres ethnologiques et socioculturels ayant engendré les langues romanes. À présent, nous nous écartons, sur le plan méthodique, de l’analyse synchrone d’une linguistique géographique des données pour nous dédier à une histoire sociale des langues et du caractère progressif de l’action linguistique. Ce pas est important pour le développement futur de la discipline; c’est une réforme nécessaire. Il correspond au transfert de l’optique du troisième axiome de l’aréalité vers la spatialité du parler. Consacrons-nous donc en conclusion au quatrième axiome, formulé ci-avant.

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