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1 La grammaticalisation des locatifs

Dans le contexte de notre étude, la grammaticalisation sera considérée comme une spécialisation progressive de formes d’origine pronominale dans une fonction de déterminants. Cette trajectoire, attestée pour l’émergence de l’article dans l’histoire du français, semble reconduite par la cliticisation de en français moderne, en français parlé en particulier. L'objectif de cette étude, préliminaire, est d'examiner l'emploi de dans son usage en français parlé. L'accessibilité de corpus oraux d'envergure, comme le corpus ESLO, permet désormais la confrontation des modèles théoriques aux données d'usage, même si, comme nous le verrons, l'exploitation de ces données n'est pas toujours aisée. L'annotation du corpus et la quantification des profils projetés soulève en effet des questions méthodologiques que l'analyse doit affronter.

1.1 La grammaticalisation en français

L’intégration de l’article défini au GN1 s’est développée progressivement en français depuis la juxtaposition en latin des démonstratifs au nom. En ancien français, l'emploi du déterminant n'est pas systématique et de (plus) nombreuses insertions entre article et nom sont observées. Ils fonctionnent en contexte d’ellipse ou de coordination avec un autre paradigme accompagnant le nom. Les paradigmes démonstratifs pouvaient se combiner à d’autres paradigmes de détermination, possessive par exemple, et la distinction entre déterminant et pronom n’était pas aussi nette en latin qu’elle ne l’est aujourd’hui en français (Combettes 2001, Marchello-Nizia 2001). Par conséquent, la grammaticalisation des déterminants doit être considérée sur fond de l’évolution plus générale du français :

Le fait qu’une forme comme l’article défini soit une création par rapport au latin classique, ou que les démonstratifs du français soient le résultat d’une « recomposition » des formes latines, n’interdit pas, nous semble-t-il, la mise en parallèle du syntagme nominal et du syntagme verbal (…) ; l’effacement des marques casuelles est toutefois un phénomène général et profond, dont les conséquences ne peuvent être limitées à la distinction des catégories majeures. (Combettes 2001: 2)

En effet, les corrélations entre différents aspects de la linéarisation ont été mises en évidence en typologie (Greenberg 1963, Lehmann 1982), en particulier entre l’ordre de base des constituants majeurs et la place des expansions nominales. Les contraintes liées à la fonction sujet en particulier font comprendre l’émergence de l’article comme phénomène local de la grammaticalisation du cadre syntaxique tout entier, qui conduit à poser le problème au-delà du cadre strictement syntaxique :

Dans une optique fonctionnelle, il convient de se demander en effet si ce mouvement général a des relations avec d’autres niveaux d’analyse que le niveau morphosyntaxique ; qu’en est-il par exemple de l’influence des facteurs pragmatiques et textuels, en particulier des modifications que l’on peut percevoir dans le domaine de la sémantique référentielle, ou de l’évolution qui affecte la structure informationnelle de l’énoncé ? (Combettes 2001: 9)

La compréhension de l’articulation entre langue et discours en dépend Car si les changements linguistiques sont, de manière générale, induits par l'usage, leur motivation peut être supposée résoudre des « problèmes communicatifs » (Detges/Waltereit 2016), autrement dit, elle renvoie aux enjeux de la construction du sens en interaction. L'un des processus structurels impliquant la routinisation d'un tel solutionnement est la grammaticalisation. Le concept a été promu pour expliquer la constitution d'unités ou de paradigmes grammaticaux au sens strict (Lehmann 1982). Son application à des constructions de portée excédant le cadre propositionnel pose le problème à la fois du modèle de syntaxe emprunté (et des unités d'analyse), et celui de la constitution du sens en contexte. Ces problèmes sont particulièrement flagrants dans les corpus oraux. Sans avoir fait ses preuves encore parmi les concepts d'analyse du domaine, la notion de pragmatisation (pragmaticalization : Diewald 2011) vise à appréhender les cas où un glissement fonctionnel s'applique à un segment discursif qui « déborde » du cadre propositionnel.

1.2 Le système de détermination en français

Les études diachroniques mettent en exergue l’évolution des caractéristiques sémantiques et pragmatiques subie au cours de la grammaticalisation, dont, notamment, les valeurs déictiques et anaphoriques des pronoms et l’opposition de divers types de démonstratifs (Schøsler 2001, Selig 1992, Marchello-Nizia 1995). La grammaticalisation avancée de l’article en français moderne a été analysée par Schøsler (2001). En fondant son propos sur une taxonomie ±défini (relatif au statut informationnel) et ±référentiel, l’auteure observe l’emploi de plus en plus systématique de l’article, qui va de pair avec la neutralisation progressive de la valeur de définitude. Dès lors, l’article marque principalement les catégories grammaticales inhérentes au nom, i.e. nombre et genre (compensant la perte des déclinaisons caractéristiques du latin) ; tout comme en latin – et contrairement à l’ancien français – les combinaisons de valeurs -défini +référentiel et +défini +référentiel ne sont pas formellement opposées. Enfin, la définitude est progressivement prise en charge par le en position postnominale, qui se combine désormais au paradigme anténominal. Schøsler argumente en faveur de cette conclusion avec l’observation des données de Blanche-Benveniste (2000) qui laissent envisager comme marquage « intersubjectif » entre une donnée connue du locuteur mais potentiellement nouvelle pour l’interlocuteur :

1 comme ils font les autres gens-là qui veulent rentrer le soir (Blanche-Benveniste 2000).

Le locuteur signale par qu'il a en tête un groupe de gens particulier, qui ne sont cependant pas introduits dans le contexte amont, ce qui conduit à la détermination a postériori par la relative.

1.3 Le cas de là : problématique

La grammaticalisation de en position post-nominale est allée de pair, historiquement, avec la spécialisation du démonstratif dans la fonction de déterminant depuis l'ancien français.

Si la fonction sémantique consistait initialement à compenser la neutralisation de la valeur proximale présente dans l’ancien paradigme démonstratif du latin, la fonction actuelle en retour de l’érosion morpho-phonologique (semantic bleaching) est multiple : fonctionne comme marqueur de définitude ; dans ce cas, son utilisation avec des noms à valeur indéfinie ou sa combinaison avec un article indéfini est impossible. Par ailleurs, il revient à la fonction d'un marqueur de « clôture », de fin de syntagme. Ces emplois, particulièrement caractéristiques de l'oralité conceptionnelle, posent régulièrement des problèmes d'interprétation structurelle concernant sa portée dans les hiérarchies syntaxiques. A minima, il revient au enclitique le rôle d'un marqueur de segmentation, dont les aspects rythmiques sont intuitivement repérés, mais pour lequel les études détaillées font défaut.

La trajectoire de grammaticalisation engagée par semble des plus classiques (cf. Heine/Kuteva 2002, Kriegel 2003), de nombreuses études (p.ex. Baker 2003, Daff 1998, Detges/Waltereit 2009, Italia 2006, Vincent 1993, Ludwig/Pfänder 2003, Wiesmath 2003) en ont explicité les aspects structuraux pour différentes variétés du français et des langues créoles à base française. Cependant, les analyses quantitatives des données orales sont encore très peu développées. L’objectif de cette recherche sera l’étude exploratoire des caractéristiques combinatoires de en français parlé, ayant pour objectif la remise en perspective des évolutions envisagées dans la littérature. Nous verrons que l’un des problèmes majeurs est l’interprétation structurelle même des formes relevées dans les corpus. Il n’est pas rare en effet de noter l’instabilité notoire des emplois :

Il semble alors que ne peut intervenir que sur les entités thématisées ou thématisables dans le discours, et qu’il y a une différence référentielle entre les noms marqués par et les noms marqués par un déterminant préposé, en ce que confère le trait [+présupposé] au nom qu’il marque. Cependant, l’absence du marqueur dans des exemples similaires dont le référent est déjà introduit dans le co-texte (sa bouche, leur bouche) va à l’encontre de cette interprétation. Il est pour cette raison difficile de formaliser une distinction sémantique entre les deux paradigmes en question qui expliquerait leur distribution respective dans le texte. Même si dans la plupart des cas il est possible de conférer une valeur stable à (valeur spécifique maximale), il ne semble pas possible, pour le moment, d’articuler une différence sémantique entre les syntagmes det + nom + d’une part, et Ø + nom + d’autre part. (Knutsen/Ploog 2005: 50)

- ou encore de « det + nom », pourrait-on ajouter : car si la description se réfère à un usage périphérique (celui d’Abidjan), la co-existence en synchronie de différentes étapes de grammaticalisation semble la règle plutôt que le cas d'exception. Enfin, comme l'indique le terme de glissement sémantique, les différentes interprétations possibles sont liées dans un continuum. Une délimitation catégorielle des emplois serait un non-sens dans la saisie descriptive de la grammaticalisation.

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