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INTRODUCTION
Les vicissitudes du monde contemporain en mouvement

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Par

Jean-Bernard Ouédraogo, Abel Kouvouama, Benoît Hazard

Nous avons voulu donner à cet ouvrage collectif consacré à l’œuvre de Jean Copans cet intitulé singulier, à savoir L’œuvre de Jean Copans et les zones critiques d’une anthropologie du contemporain. Non pas que nous ayons réduit son œuvre immense à cette temporalité proche sans la situer dans la longue durée ; bien au contraire, une anthropologie du contemporain porte nécessairement la marque du passé-présent-à-venir dans ce qui établit la relation entre les dispositifs sociaux du macro-social et les dispositifs singuliers qui caractérisent les pratiques et représentations du présent et du quotidien des individus. Si le projet anthropologique consiste, par-delà les différentes méthodes d’approche, les courants et les ruptures historiques, à penser le rapport de l’unité et de la diversité du genre humain, il est toujours déterminé par les conditions épistémologiques, sociales et idéologiques de son élaboration. Cela, Jean Copans l’avait bien compris et souligné régulièrement dans la plupart de ses publications. Alors que l’anthropologie du contemporain est toujours en quête d’une épistémè, l’œuvre de Jean Copans est curieusement restée un angle mort de cette quête. Paradoxalement, l’un des fils conducteurs du travail revendiqué par Jean Copans est celui des « Crises d’identité de l’anthropologie » dans lesquelles il n’a cessé de souligner les tensions entre la nécessaire unité théorique de la discipline et l’éclatement des objets, des terrains et des définitions revendiquées par les auteurs.

En effet, auteur prolifique, engagé dans la vie de multiples institutions, pédagogue hors pair, Jean Copans est un collaborateur assidu et prolifique des Cahiers d’études africaines et de la revue Politique africaine. Le nombre de recensions d’ouvrages signées de sa plume témoigne d’une intense activité de lecture du travail des autres. Peut-être est-ce d’ailleurs cette ouverture et cette capacité à recevoir la pensée de ses collègues qui constituent l’une des facettes importantes de sa démarche de chercheur ? Impliqué dans la recherche en train de se faire, ses lectures et ses commentaires en font à la fois un chroniqueur, un observateur et un analyste du temps présent. Et si ses traductions de l’ouvrage de F. G. Bailey, Stratagems and Spoils (1969) – traduit sous le titre Les règles du jeu politique (1971) –, et de l’ouvrage de Mahmood Mamdani, Citizen and Subject (1996) – Citoyen et Sujet. L’Afrique contemporaine et l’héritage du colonialisme tardif (2004) – font dorénavant partie du corpus incontournable des sciences sociales, et notamment de l’anthropologie politique, ses retours critiques sur ces mêmes ouvrages sont restés moins connus. Comment alors qualifier son itinéraire et sa trajectoire dans des jeux de catégories qui, à peine énoncés, procèdent d’un réductionnisme ? Car Jean Copans est aussi de ces passeurs et traducteurs lorsqu’il introduit les débats et les controverses de la revue Current anthropology dans le milieu des anthropologues français, et qu’il y prend une part active. Il a formé un bon nombre de jeunes collègues, africains ou pas, en poste pour bon nombre d’entre eux en Europe ou en Afrique. Quant à ses travaux, de la classe ouvrière en Afrique (noire) à ses engagements sur les sécheresses de 1973 en passant par ses réflexions sur les intellectuels en Afrique (La longue marche de la modernité africaine. Savoirs, intellectuels, démocratie), sur les nationalismes (voir le séminaire de Balandier de 1964 et sa note sur le nationalisme Gikuyu au Kenya), sur la mouridologie dans ses échanges avec Cruise O’Brien, ou encore, sur la sociologie politique de l’Afrique et l’aventure Politique africaine (il en fut l’un des piliers fondateurs et ultérieurement, l’un des critiques), tous présentent une actualité surprenante, tant au regard de la multiplicité des objets et des terrains que des résonances avec une vision de l’anthropologie du contemporain.

Les écrits réunis dans cet ouvrage visent à scruter son œuvre dans une histoire du temps présent (sans céder au présentisme), à comprendre ce qu’il nous dit de l’anthropologie du contemporain, de l’actualité d’une science de l’Homme. De plus, les liens mentionnés entre l’auteur, son œuvre et l’anthropologie du contemporain nous ont conduits, chacun en ce qui le concerne, à articuler ses différentes démarches à un retour réflexif sur l’anthropologie, particulièrement l’anthropologie de l’Afrique contemporaine, et à inscrire celle-ci dans une perspective internationale. Trois angles d’approche choisis, tout aussi arbitraires que justifiés, ont été privilégiés afin d’aborder successivement :

 D’abord, l’anthropologie et les sciences de l’homme en question (partie I) en partant du fait que pour Jean Copans, l’Afrique est pour une grande part appréhendée comme paradigme des sciences sociales ; car dans ses séminaires et ses interventions publiques, il n’a cessé de promouvoir une réflexion collective sur les sciences sociales au sens large, sur les manières de faire, des plus abstraites aux plus concrètes, en matière d’enquête de terrain, de recueil des données, de recherche documentaire, de construction et d’écriture à la fois des données et des résultats. Des contributions à cet ouvrage ont abordé les rapports entre l’anthropologie fondamentale et l’anthropologie appliquée.

 Ensuite, l’anthropologie : ses objets, ses terrains (partie II), dans laquelle les auteurs se sont investis sur des terrains variés dans la description des configurations du politique, depuis les mouvements sociaux et politiques jusqu’aux questions du développement ; et d’interroger les rapports entre les institutions politiques au sens large du terme et les stratégies collectives et individuelles des différents acteurs sociaux.

 Puis, l’anthropologie : expériences de soi et des autres (partie III) où les mobilités, les mutations et les crises sociétales ont affecté également les domaines du privé et du public ; reconfiguré les relations interindividuelles (l’amitié, le voisinage, le lien familial, etc.) ; et modifié les foyers d’expériences aussi bien des populations des sociétés étudiées que des chercheur-e-s en quête de sens dans l’explication de l’évènement en train de se dérouler.

En laissant Jean Copans écrire la postface suivie de la présentation bibliographique de ses travaux, nous avons également souhaité laisser les choses dites et écrites à celui qui fait œuvre de témoignage à Georges Balandier, auprès de qui il a cheminé un demi-siècle durant, avec respect, admiration, exigence scientifique et esprit critique. Assurément, le lecteur trouvera de quoi lire avec profit pour une transmission raisonnée des savoirs anthropologiques dans ce monde contemporain en mouvement.

Les zones critiques d'une anthropologie du contemporain

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