Читать книгу Informationswissenschaft: Theorie, Methode und Praxis / Sciences de l'information: théorie, méthode et pratique - Группа авторов - Страница 12
La situation du Service de l’environnement du canton de Fribourg (SEn)
ОглавлениеCréé en 1985 sur la base de l’Office de la protection des eaux et disposant d’une quarantaine de collaborateurs, le SEn relève de la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions et a pour mission, selon la définition mise en avant dans son catalogue des prestations, de «veiller à l’équilibre entre l’homme et l’environnement en application des lois fédérales sur la protection des eaux et sur la protection de l’environnement».13 Le service évolue dans un contexte à la fois très local, dans le sens où il doit répondre à des demandes précises (une plainte relative à des nuisances sonores ou la demande d’un permis de construire), mais doit aussi se conformer aux conventions internationales14 et répondre à des préoccupations sociales et politiques. La vague anti-nucléaire qui a fait suite à la catastrophe de Fukushima (2011) en est un exemple et témoigne des inquiétudes toujours plus grandes à l’égard de l’environnement, et des besoins de transparence qui en découlent. Si une personne est en charge de faire appliquer la nouvelle loi sur l’information et l’accès aux documents, entrée en vigueur le 1er janvier 2011 à Fribourg, il n’y a, en revanche, aucun préposé à la tenue des documents et des archives, ni au SEn, ni à l’échelon hiérarchique supérieur. Cette situation est tout à fait représentative de l’administration fribourgeoise, dont aucun service ne possède d’ailleurs de système complet ou élaboré de Records Management.
Avant toute implémentation d’un système de Records Management, le premier pas consiste à comprendre l’organisme et à analyser ses structures, ses fonctions, ses processus et ses activités.15 Avant de se lancer tête baissée dans les documents, il s’agit d’effectuer une enquête préliminaire, comme le prévoit d’ailleurs la norme ISO 15489.16 Des analyses SWOT et PEST ont donc été menées sur la base de la documentation émise par le SEn, et par le biais d’interviews et discussions avec les collaborateurs, de la consultation des documents et dossiers se trouvant dans les bureaux, le serveur commun et aux archives, et de la consultation des lois spécifiques au canton de Fribourg en matière de gestion documentaire et d’archivage.
Si, au niveau des dirigeants, la conception «intellectuelle» d’un système complet de gestion de l’information pertinente était comprise et souhaitée, il est vite apparu que les préoccupations des employés, dans leur travail quotidien, étaient généralement plus concrètes. Par exemple, la problématique de l’archivage des e-mails est souvent au centre de toutes les discussions, car on peine encore à réaliser qu’ils doivent être considérés comme des documents à part entière soumis aux mêmes règles que les autres. Dès lors, s’ils entrent dans la catégorie des records, ils doivent être versés dans le dossier auquel ils se rapportent. En outre, la façon de nommer les documents n’est pas standardisée, ce qui complique leur repérage, en particulier sous forme électronique. A cela s’ajoute le choix de la langue, le SEn étant un service bilingue, comme tous les services de l’Etat de Fribourg. Il a donc fallu, en mettant en commun les pratiques des différentes sections du service, réaliser un glossaire et une charte de nommage des documents (en prévoyant, entre autres, le format de la date), le but étant de pouvoir identifier un document sans avoir à le consulter. Enfin, en vertu d’une surinterprétation de la loi sur l’information, la crainte de mal faire a semé le trouble: on ne sait plus ce que l’on peut jeter ou non, au point que le moindre post-it était suspecté d’être concerné par cette loi. Une directive sur l’élimination des papiers de corbeille a donc été réalisée. Une fois ces problèmes résolus (du moins en partie), il a été possible d’aller de l’avant et d’évaluer les facteurs de désordre, le souhait des dirigeants étant de «mettre de l’ordre».
La majorité des documents produits ou reçus existent sous forme électronique et sont déposés sur un serveur commun, interne au SEn, assurant l’accès à chaque document par n’importe quel employé (l’accès aux dossiers de la direction étant toutefois protégé). Il s’agit d’un groupware permettant la coopération de plusieurs utilisateurs sur un même dossier. Il n’y a par contre aucun élément permettant d’identifier où en est le document par rapport à son cycle de vie. L’utilisation de ce serveur est chaotique. Des documents Word sont classés au même niveau que des dossiers. Si une numérotation avait été introduite, sur la base de l’organigramme du SEn, assez rapidement elle n’a plus été suffisante: les collaborateurs ont commencé à créer de nouveaux dossiers sans les numéroter, mettant un terme brutal à la tentative de cotation initiée quelques années plus tôt. Les documents à simple valeur informative (documentation) y côtoient les exemplaires de travail, les versions inachevées ou définitives, les records. Le défaut d’un système de Records Management, en fonction d’un cycle de vie contrôlé des documents, a conduit à une perte de maîtrise de l’information.
En outre, tant la gestion des documents et des records que l’archivage se font de façon individualisée. Il y a presque autant de pratiques que d’employés. Lorsqu’un collaborateur prend sa retraite, la mémoire et la logique organisationnelle qui lui étaient propres disparaissent. Cette individualisation des pratiques a des conséquences négatives, la recherche d’un document pouvant devenir chronophage. Le directeur du service estime que 20–25 % du temps de ses collaborateurs part dans la recherche de document(s).17 En l’absence de politique de Records Management, c’est en fait du stockage qui a été fait et non de la gestion, ni des documents, ni des records, ni des archives.
Enfin, en vertu d’un déménagement annoncé, et faute d’une préparation adéquate, le risque de devoir opérer dans l’urgence est grand. Or le Règlement concernant les Archives de l’Etat est clair: aucune mise au pilon n’est autorisée sans l’aval de l’autorité supérieure, le cas échéant des AEF.18 La mise sur pied d’un système de Records Management ou, au minimum, d’un plan de classement, est devenue nécessaire pour éviter une élimination irréfléchie et spontanée des documents, sans parler du risque lié à la perte ou la dégradation des documents vitaux, qui n’ont pas été identifiés et sans lesquels les activités du SEn pourraient être compromises.