Читать книгу Informationswissenschaft: Theorie, Methode und Praxis / Sciences de l'information: théorie, méthode et pratique - Группа авторов - Страница 14
Image socioprofessionnelle et rôle des Archives de l’Etat
ОглавлениеL’entrée en vigueur de la loi sur l’information étant très récente, seul l’avenir dira si elle aura pu jouer un rôle de tremplin, comme tel fut le cas au Québec, où la sortie du tandem législatif de la loi sur l’accès et de la loi sur les archives (1982–1983) a été décisive pour l’amélioration de l’image de la profession. Selon Carol Couture, leur introduction a transformé «profondément les us et coutumes solidement ancrés dans les administrations», car il s’est agi de garantir de nouveaux droits (tant d’accès que de protection des données), mais cela a aussi contribué à mettre en contact les archivistes (et records managers), dont la reconnaissance professionnelle était faible, avec la haute administration, qui fut enfin sensibilisée à leurs compétences et comprit que pour répondre à cette nouvelle mission, il fallait doter ces services des moyens indispensables pour répondre à la volonté du législateur.32 Les archivistes suisses, et en l’occurrence fribourgeois, sauront-ils devenir l’équivalent de leurs confrères québécois?
Sous nos latitudes, la responsabilité du manque de reconnaissance socioprofessionnelle n’est pas seulement individuelle, mais aussi institutionnelle. Actuellement, les AEF dépendent du Service de la culture, qui dépend lui-même de la Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport: elles ne sont donc pas un service à part entière, alors qu’on s’attendrait à ce qu’elles reposent sur le plus haut niveau de décision.33 On imagine les problèmes d’une telle hiérarchie, notamment lorsqu’il s’agit de faire montre d’autorité. On est loin du voisin vaudois, qui a su faire sa place et où les Archives cantonales dépendent (situation en vigueur depuis le 1er janvier 2014) de la Chancellerie d’Etat. Dans ce canton, une démarche systématique pour introduire un calendrier de conservation des archives d’opération a été réalisée et imposée à l’ensemble des départements et services. En outre, côté fribourgeois, les AEF traînent derrière elles une longue tradition qui consistait, pour leurs directeurs successifs, à ne s’intéresser qu’à la recherche historique ou à la généalogie, au détriment de l’administration. Les différents services ont donc appris à s’en passer, la tendance étant de s’orienter (aujourd’hui encore) vers le Service du Personnel et d’Organisation (SPO), voire le SITEL. Le retard pris est-il à ce point catastrophique que la vapeur ne pourrait s’inverser? La direction actuelle des AEF appartient à une nouvelle génération d’archivistes, bien décidée à reprendre en main la mission aujourd’hui attendue des Archives d’Etat. Deux points demeurent néanmoins essentiels si l’on entend améliorer la situation.
Premièrement, la motivation des intervenants (archivistes, records managers, directeurs d’Archives, etc.) et leur formation doivent être sans faille. A ce niveau, la VSA-AAS joue un rôle certain, de même que les associations d’archivistes cantonaux. Il y a en effet un clivage important entre les différentes générations d’archivistes (qui ne concerne pas leur âge mais leur dernière mise à niveau) chez qui le Records Management demeure incompris. Il convient donc d’avoir une attitude professionnelle responsable, en se tenant informé et en participant à l’évolution de la discipline, la vie en autarcie des archivistes et records managers étant une période révolue.
Deuxièmement, l’adoption d’une loi sur les archives34 (incluant la gestion des documents et records de l’administration) devrait (doit!) permettre d’obtenir de nouveaux budgets pour engager du personnel qualifié et assurer ainsi un soutien professionnel à l’administration. Le récent exemple des Archives de l’Etat de Neuchâtel l’illustre bien, dans la mesure où l’adoption de la nouvelle loi sur l’archivage, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, a été suivie de l’engagement d’un spécialiste en Records Management. A Genève, il existe un réseau de «préposés aux archives» de l’Administration municipale, qui sont des collaborateurs ayant, en sus de leurs tâches mentionnées dans leur cahier des charges, la responsabilité de la gestion des documents de leur service.35 Certes, Genève connaît une longue tradition réglementaire archivistique, la loi sur les archives publiques datant de 1925, mais il s’agit d’un modèle intéressant qui pourrait servir d’exemple ou de point de départ. Dans tous les cas, il semble déterminant que l’Etat inscrive à son agenda la mise sur pied d’une véritable politique publique de transparence de ses activités, qui dépasse la formulation d’une simple loi, dont il est illusoire de penser qu’une application correcte puisse s’effectuer sans un support financier adéquat.
Après l’adoption d’une loi spécifique aux archives, l’étape suivante serait, comme le préconise la norme ISO 15489,36 de réfléchir à des solutions concrètes pour y répondre. A ce niveau, le rôle des AEF devrait être celui de soutenir et d’encadrer les chefs de service, en les invitant à se doter d’une politique de Records Management et d’archivage, comme cadre de référence utilisé par les membres de leur personnel, et énonçant clairement les intentions et les principes approuvés par la direction, sous forme d’une policy explicite,37 où il s’agirait d’écrire ce que l’on fait, de faire ce que l’on a écrit, et de vérifier ce que l’on a fait. Là encore, l’idée de continuum à l’évaluation prend tout son sens.