Читать книгу Études sur les animaux domestiques - Guy de Charnacé - Страница 9
IV
ОглавлениеC’est lorsque M. Sanson expose les conditions nécessaires à la réussite de ce qu’il nomme la sélection, et ce que nous- appellerons plus justement, avec M. Magne, le régime, que nous aimons à suivre les enseignements du Livre de la Ferme, car l’éleveur y trouvera d’excellentes leçons, aussi profitables à celui qui opère simplement par le régime qu’à celui qui pratique le croisement. L’auteur établit qu’il ne suffit pas de choisir judicieusement les reproducteurs, mais que le développement des organes, chez les animaux, est entièrement subordonné aux conditions de milieu sous l’influence desquelles il s’effectue. Il appuie sur la nécessité d’une gymnastique fonctionnelle, et fait voir que l’art du zootechnicien consiste essentiellement à diriger cet exercice dans le sens du but à atteindre, en favorisant chez les jeunes sujets l’activité organique des aptitudes qu’il s’agit de développer par l’emploi des moyens hygiéniques qui y sont propres. Puis il ajoute: «Toutes les races domestiques sont en possession, dans une certaine mesure, de la totalité des aptitudes dont l’ensemble est exploité pour nos besoins, dans chacune des espèces auxquelles ces races appartiennent. Les conditions de la culture, et peut-être aussi d’autres influences qui sont le résultat plus direct de l’intervention de l’homme, ont fait prédominer chez quelques-unes d’entre elles certaines de ces aptitudes. Il n’est pas impossible, par exemple, que les circonstances économiques, plus que les conditions agricoles, aient été pour quelque chose dans la formation immémoriale des races que nous appelons laitières, parce qu’elles sont remarquables surtout par l’activité sécrétoire de leurs mamelles. L’industrie des populations au milieu desquelles cette aptitude spéciale a pris naissance explique mieux son développement, dans l’état actuel de la physiologie, que toute autre considération tirée de la constitution géologique ou agricole des localités. Toujours est-il que ce qui est rendu évident par l’observation des animaux soustraits à l’influence de l’état social, c’est que le développement de l’aptitude dont il s’agit ne peut être qu’une conséquence de ce même état. Dans la pure condition de la nature, il n’y a point de raisons pour que les mamelles fournissent du lait au delà des besoins de la nutrition du fruit.»
Notre contradicteur sait si bien que ses leçons s’appliquent indifféremment à tout système d’amélioration, qu’il est conduit à reconnaître lui-même que «les dissidences si profondes qui divisent les zootechniciens et les éleveurs, au sujet de l’amélioration des races par elles-mêmes ou par voie de croisement, perdent beaucoup de leur importance.» Nous voulons seulement constater, quant à présent, nous réservant d’y revenir plus loin, cet aveu auquel le lecteur n’était guère préparé par les déclamations antérieures de M. Sanson: «Le tout, ajoute-t-il, est de s’entendre, en ne donnant aux mots que la valeur qu’ils doivent avoir. On croit souvent faire du croisement ou du métissage, alors qu’on ne fait en réalité que de la sélection.»
«La base logique de tous les perfectionnements du bétail, en vue des nécessités sociales, dit encore M. Sanson, est dans l’accroissement de ses aptitudes natives.» Nous ajouterons, nous: Aussi bien que dans celui des aptitudes qu’on a pour but de lui inculquer par le croisement; car ce que nous tenons surtout à prouver, c’est que là où le régime est impuissant, lors même qu’il est aidé par une sélection intelligente, et un concours heureux de circonstances, là surtout, disons-nous, le croisement fait des prodiges, quoique le milieu où il s’opère soit bien souvent peu favorable.
Oui, il est bien certain que les formes et les aptitudes chez les animaux dépendent essentiellement des circonstances hygiéniques au milieu desquelles elles se développent. C’est ainsi que nous reconnaissons, avec le Livre de la Ferme, que le cheval de course doit, en partie, ses aptitudes spéciales à l’éducation qu’il reçoit, et qu’on désigne sous le nom d’entraînement. Nous pourrions, à cette occasion, signaler les nombreuses contradictions auxquelles M. Sanson est amené par ses idées préconçues; mais cela nous entraînerait hors de notre sujet immédiat. Notons seulement cette observation très-juste de M. Sanson, qu’il se charge lui-même pourtant de réduire dans la suite à néant, et qu’il entoure de réticences: «On ne saurait disconvenir, dit-il, que le cheval de course offre le type de la puissance musculaire portée à son plus haut degré, c’est-à-dire produisant, en un temps donné, le travail mécanique le plus considérable. C’est à ce prix que ses allures acquièrent la vitesse, qui est l’effet d’une énergie plus intense que durable, mais n’exigeant pas moins, pendant que dure l’influence de cette énergie, un déploiement de force dont la somme, si elle était convertie en travail utile, nous surprendrait par son élévation.» Que veulent donc dire alors ces deux mots: «travail utile,» et ceux-ci: «l’énergie passagère et factice» du cheval de pur sang? M. Sanson ferait-il par hasard au cheval de course le reproche de n’être pas une machine à vapeur, à laquelle il suffit de fournir eau et combustible pour en tirer profit? Et qu’entendre aussi par: «cette excitabilité à présent constante dans la race?»
M. Darwin, en parlant des effets des habitudes chez les animaux, dit qu’il a trouvé que les os de l’aile pesaient moins et les os de la cuisse plus, par rapport au poids entier du squelette, chez le canard domestique que chez le canard sauvage, et il pense que cette différence provient de ce que le canard domestique vole moins et marche plus que son congénère sauvage. Il formule aussi l’opinion émise depuis par M. Sanson à l’égard des mamelles des vaches et des chèvres, et fait encore observer qu’on ne pourrait citer un seul de nos animaux domestiques qui n’ait pas en quelque contrée les oreilles pendantes. «Quelques auteurs, ajoute-t-il, ont attribué cet effet au défaut d’exercice des muscles de l’oreille, l’animal étant plus rarement alarmé par quelque danger, et cette opinion semble très-probable.» Nous sommes donc parfaitement d’accord avec M. Sanson sur ce point, que les éleveurs doivent appeler à l’aide de l’amélioration physiologique des races tous les agents qui peuvent y contribuer.