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III

Table des matières

L’ENFANT DANS LA TRAGÉDIE. — ESCHYLE; L’AGE DE FER.

L’enfant retrouvera-t-il dans le poème dramatique ce droit de cité que, par la grâce d’Homère, il obtient dans la poésie épique? Assurément. Car toute la poésie grecque procède d’Homère, et principalement le théâtre. En bien des cas, ce sont mêmes légendes, mêmes héros, mêmes passions, même langage.

Toutefois ce n’est pas du premier coup que l’enfant s’empare de la scène. Le vieil Eschyle ne l’y a pas admis.

Il semble dédaigner ce moyen d’intéresser le regard et de charmer le cœur. Quand, dans la pièce d’Eschyle, Agamemnon, vainqueur de Troie, rentre dans Argos, Clytemnestre, qui le reçoit, n’a pas le petit Oreste à son côté.

En général, le sombre génie d’Eschyle est plus frappé des misères de l’enfance que de ses grâces poétiques et naïves. Il n’en parle que pour la plaindre. Créature faible, impuissante et dépendante, il ne voit guère que cela en elle. «Etre débile et sans raison, un enfant est comme le petit des animaux; il faut le nourrir, deviner ses besoins. L’enfant au berceau ne sait rien dire; il a faim, il a soif, ses langes sont mouillés, car ventre d’enfant n’a pas de loi. Et alors il faut laver, blanchir. Blanchisseuse et nourrice, autant dire que c’est la même chose.» Ainsi parle la bonne Gilissa, la vieille nourrice d’Oreste, et, pour le réalisme de la description, on voit qu’elle ne le cède pas au vieux Phœnix.

Ou bien encore, c’est l’enfant, victime de la guerre, soit ue le vainqueur, ivre de sang, l’immole sur le sein maternel, soit qu’on le réduise en esclavage avant même qu’il ait connu le prix de la liberté. Encore une réminiscence de la poésie homérique.

Çà et là pourtant, sur ce fond sombre se détache un trait lumineux. Cet aimable génie grec n’abdique jamais entièrement. C’est, par exemple, le tableau de l’oiseau et de l’enfant rapprochés avec grâce dans le cadre de ce vers charmant: «L’oiseau que l’enfant poursuivait s’envole.» Ou bien c’est un lionceau apprivoisé qu’on nous montre caressé par des enfants, image de la force captive et domptée au service de la faiblesse. Ce sont encore les vœux d’une âme pieuse pour la prospérité de l’enfance. Quand le chœur des furies Euménides profère sur l’Attique cette farouche menace: «Je répandrai sur ces champs le contagieux venin de mon cœur, et il sera fatal à la terre, et les fruits périront dans leur germe, et comme eux périront les petits des bêtes et les enfants des hommes,» à ce cri de colère, Minerve, protectrice d’Athènes, se hâte d’opposer un vœu plus doux: «Que rien ne nuise chez les mortels à la santé de l’enfance! » Ici le patriote, le citoyen inspirent le poète. Il sait que le nombre des enfants fait la force des familles, des armées, des républiques. «Que la fleur de la jeunesse reste sans atteinte, dit-il ailleurs; puisse à jamais se perpétuer la race des défenseurs de cette contrée, et Diane la chasseresse visiter les mères au jour de la maternité. Qu’Apollon, Dieu qui règne sur le Lycée, protège la jeunesse d’Argos.»

Ailleurs, Eschyle représente la patrie sous les traits d’une nourrice, et les jeunes guerriers comme des nourrissons élevés sur son sein: «C’est maintenant qu’il nous faut défendre cette terre, votre mère, votre nourrice chérie, elle qui supporta les pénibles soins donnés à votre enfance, lorsque, faibles encore, vous rampiez sur ce sol protecteur: elle qui vous nourrit pour qu’un jour, citoyens fidèles, vous soyez ses plus sûrs défenseurs ». L’allégorie de la mère-patrie n’a jamais été rendue avec plus de réalité.

Une seule fois l’âme pieuse d’Eschyle descend de ces hauteurs, et le poète tragique se sert de l’enfant pour porter au comble la pitié. C’est dans cette scène terrible où Oreste, vengeur de son père, vient d’abattre Egisthe à ses pieds. Il lui reste à immoler l’autre coupable, Clytemnestre, sa mère. Pour se protéger contre la mort imminente, pour désarmer ce bras filial levé sur elle, le suprême recours invoqué par Clytemnestre, ce sont les souvenirs d’enfance, c’est Oreste, petit et dormant sur le sein maternel: «Arrête, ô mon fils; respecte, cher enfant, ce sein sur lequel tu t’endormis tant de fois, où tes lèvres sucèrent le lait nourricier..... C’est moi qui ai nourri ton enfance; à ton tour, laisse-moi vieillir.» Objurgation pathétique et qui fait trembler le poignard aux mains d’Oreste: «Pylade, que ferai-je? Faut-il reculer devant le meurtre de ma mère?...»

Le livre des enfants et des mères

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