Читать книгу Le Dimanche des Enfants - J. N. Bouilly - Страница 19

Оглавление

TROIS FOIS, TROIS FRÈRES ROIS.

Table des matières

PAR M. EDOUARD PATRY.


Dans l’histoire de France, que vous étudierez plus sérieusement un jour, il se présente, mes enfants, une circonstance singulière qu’il est bon de vous faire connaître. Déjà, vous savez indubitablement que la nomenclature de nos rois se divise en trois races: les Mérovingiens, les Carlovingiens et les Capétiens. Vous n’ignorez pas non plus que cette dernière race, qui dure encore, tient, dans notre histoire, la place la plus importante, tant par la nature des hauts faits qu’elle a accomplis, que par le grand nombre de rois qu’elle a donnés à la France: lequel ne s’élève pas à moins de trente-huit jusqu’à nos jours. Or, c’est dans cette race que se rencontre l’étonnante particularité que je vais vous signaler.

Cette grande famille des Capétiens, dont le chef régnait il y a mille ans, a formé trois branches distinctes: celle des Capétiens directs, celle des Valois et celle des Bourbons, qui s’est tout récemment subdivisée, en 1830, en Bourbons d’Orléans. Eh bien! chacun de ces trois grands rameaux a fini par trois frères rois, et chacun de ces trois frères rois, dans les trois branches, a été plus ou moins malheureux, soit dans sa vie privée, soit dans l’administration du royaume: c’est ce que vous allez voir.

I.

Table des matières

LES TROIS DERNIERS CAPÉTIENS DIRECTS.

Philippe IV le Bel, troisième roi de la branche des Capétiens, mourut en 1314, laissant trois fils: Louis Hutin, comte de Champagne, Philippe le Long, comte de Poitou, Charles le Bel, comte de la Marche, et une fille, Isabelle, dont le mariage avec Édouard II, roi d’Angleterre, devint pour la France la source de grands et longs malheurs.

Louis Hutin, l’aîné des trois frères, succéda à son père sous le titre de Louis X; il mourut après un règne de deux ans, en 1316, ne laissant de sa première femme, Marguerite de Bourgogne, qu’une seule fille, nommée Jeanne, à qui appartenait de droit la couronne. Mais, habitués à se voir gouvernés par des rois, et craignant sans doute de se déshonorer s’ils obéissaient à une femme, les Français, par une décision injuste, déclarèrent les femmes inhabiles à régner. Ils s’étaient fondés sur un article d’une vieille loi des Francs, la loi salique, laquelle exclut les femmes du partage de la terre salique, c’est-à-dire d’une certaine portion des terres conquises; cette loi salique a, depuis, été appliquée sept fois.

Jeanne fut donc exclue du trône; et, comme sa belle-mère, Clémence de Hongrie, seconde femme de Louis X, était près de donner un héritier à la couronne quand Louis Hutin mourut, Philippe le Long, comte de Poitou, fut nommé régent du royaume, jusqu’au jour où la naissance de cet enfant détruirait par son sexe toutes les incertitudes, en affermissant ou non la couronne sur la tête du régent. Au bout de six mois, la veuve de Louis X mit au jour un fils, qui fut proclamé roi de France, sous le nom de Jean I posthume (c’est-à-dire né après la mort de son père); mais Jean ne vécut que sept jours; en conséquence, la couronne passa légitimement au second fils de Philippe IV le Bel, Philippe le Long, comte de Poitou, qui prit dès lors le titre de Philippe V.

Après six ans d’un règne malheureux, celui-ci mourut, laissant deux filles naturellement exclues du trône par la loi salique. La couronne échut donc au troisième fils de Philippe le Bel, Charles, comte de la Marche, qui s’appela Charles IV le Bel.

Comme son dernier frère, Charles IV ne régna que six ans; comme lui aussi n’eut-il que des filles, de sorte qu’il fut le dernier des Capétiens directs.

Ainsi finit, par trois frères rois, cette première branche des Capétiens.

Mais ce qu’il y a ici de plus remarquable encore, c’est, indépendamment de l’extinction de leur race et par les mêmes causes, l’étonnante similitude de destinée pour ces trois frères. Tous trois moururent jeunes: Louis à vingt-six ans, Philippe à trente, Charles à trente-quatre. Tous trois eurent à punir un même genre de crime chez leurs femmes: Louis fit étrangler Marguerite de Bourgogne, au Château-Gaillard, où elle avait déjà subi une captivité de deux années; Philippe pardonna à la sienne, Jeanne de Bourgogne, et la reprit avec lui, tandis que Charles, après s’être séparé de Blanche de Bourgogne, sœur de Jeanne, la relégua dans un monastère, où elle finit ses jours dans la plus austère pénitence. Les trois frères avaient également été détestés de leurs sujets à cause des lourds impôts dont ils les accablaient et de l’altération fréquente qu’ils firent subir aux monnaies. Enfin, aucun des trois n’eut, comme nous l’avons vu, de fils pour successeurs; la naissance de Jean n’ayant eu, en réalité, aucun résultat. Une ancienne chronique dit à ce sujet: «La Providence divine ne voulut pas accorder de descendants à ceux qui avaient saccagé le royaume par tant d’exactions et de violences.»

II.

Table des matières

LES TROIS DERNIERS VALOIS.

La branche des Valois succéda à celle des Capétiens. Philippe VI monta sur le trône à la mort de son cousin Charles IV le Bel. Il fut le premier de cette famille royale sous laquelle tant d’événements heureux ou malheureux pour la France devaient s’accomplir.

Henri II fut le dixième roi de cette branche; il mourut en 1559, des suites d’une blessure que lui fit Montgommery dans un tournoi, laissant, de Catherine de Médicis, quatre fils, dont aucun n’eut de postérité, et dont trois seulement régnèrent, le duc d’Alençon, le plus jeune d’entre eux, étant mort avant Henri, son troisième frère. François II, l’aîné, ne régna que dix-sept mois, n’eut pas d’enfants de sa femme Marie Stuart, de sorte que la couronne passa à son frère Charles IX, âgé seulement de dix ans et demi. Marié à Élisabeth d’Autriche, celui-ci n’eut qu’une fille; et, lorsqu’il mourut en 1574, Henri, troisième fils d’Henri II, accourut de Pologne dont il avait été nommé roi, pour ceindre la couronne de France, sous le nom de Henri III. Comme François II, il n’eut pas d’enfants, et en lui s’éteignit la branche des Valois.

De même que les trois derniers Capétiens, ils furent tous trois malheureux, et rendirent la France plus malheureuse encore. Sous la funeste influence de leur mère, Catherine de Médicis, méchante femme, qui avait su s’emparer de leur esprit et les dominer, ils accablèrent leurs sujets des maux les plus cruels: la Saint-Barthélemi, ou massacre des protestants ordonné par Charles IX, sera une tache aussi ineffaçable de ce règne que la guerre civile de la ligue, qui désola sans interruption celui de Henri III. Et maintenant, comment s’éteignit la race des Valois? François II mourut à dix-huit ans, d’un abcès à l’oreille; Charles IX, à peine âgé de vingt-quatre ans, périt de phthisie ou d’empoisonnement, déchiré de remords, misérable et chargé de l’exécration publique; enfin, à trente-neuf ans, Henri III fut assassiné à Saint-Cloud par le fanatique Jacques Clément.

III.

Table des matières

LES TROIS DERNIERS BOURBONS.

La branche des Bourbons eut beaucoup de peine à s’asseoir sur le trône de France. Henri IV, élevé dans la religion protestante, n’y monta, longtemps après la mort d’Henri III, qu’après avoir abjuré sa croyance. Ses successeurs furent Louis XIII, Louis XIV et Louis XV, dont l’histoire vous est sans doute connue.

Indépendamment de plusieurs filles, Louis XV eut un fils Louis dauphin, qui mourut, regretté de toute la France, avant son père, et laissant trois fils: Louis, duc de Berri; Louis, comte de Provence, et Charles, comte d’Artois.

A la mort de Louis XV, en 1774, la couronne échut de droit, toujours d’après la loi salique, au préjudice de ses filles, à l’aîné de ses petits-fils, le duc de Berri, qui fut Louis XVI. Celui-ci, avec une fille, la duchesse d’Angoulême, qui vit encore, n’eut que deux fils, morts, le premier à onze ans, et le second à dix, en sorte qu’après les divers événements accomplis pendant la Révolution, sous la République et sous l’Empire, la couronne échut au frère de Louis XVI, Louis, comte de Provence, qui se fit appeler Louis XVIII, et non Louis XVII, parce que le second fils de son frère, quoique mort à dix ans, avait cependant survécu de deux années à son père.

Louis XVIII étant mort sans enfant, en 1824, Charles, comte d’Artois, troisième frère, monta sur le trône sous le nom de Charles X.

Comme chez les Capétiens et les Valois, le sort de ces trois frères a été malheureux. Louis XVI est mort, comme un martyr, sur l’échafaud, en 1793; Louis XVIII eut, jusqu’à sa mort, à lutter sans cesse contre la fureur des partis; enfin, Charles X est mort tout récemment sur la terre d’exil.

Voilà un rapprochement historique assurément fort triste, mais en même temps bien extraordinaire.


Le Dimanche des Enfants

Подняться наверх