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II

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ÉMILIE. — «Oh! madame Fagg, je ne peux pas vous dire combien j’aime Quinnebasset, depuis que cette pluie sempiternelle s’est décidée à s’arrêter! Ces montagnes boisées doivent être d’une beauté merveilleuse en été, et la rivière est un vrai torrent écumeux. Délice m’a dit qu’il y avait des promenades ravissantes de tous les côtés, et que nous ferions des excursions ensemble tous les jours de congé, dès que le printemps sera revenu.

«Me voici à la fin de ma première semaine de classe. Je vais vous dire ce que j’en pense, puisque vous désirez le savoir. J’estime beaucoup notre maîtresse, miss Lightbody; on dit qu’elle n’est pas assez ferme avec ses élèves, mais elle paraît très bonne et très douce; cela ne vaut-il pas mieux? Elle est très jolie et très distinguée, malgré ses lunettes bleues. A ce propos, pourquoi les savants ont-ils presque toujours des lunettes sur leur nez?

«Savez-vous que cela m’intimidait beaucoup, cette pensée d’aller en classe et de faire connaissance avec tant de figures nouvelles?

«Ce qui a contribué encore à m’embarrasser, c’est que je me suis trouvée plus avancée que mes compagnes. Cela tient tout simplement à ce que j’ai été élevée à Boston; mais j’avais peur qu’elles en fussent blessées; on me paraît un peu susceptible à Quinnebasset. D’ailleurs, il y a toujours une sorte d’animosité entre les jeunes filles de la campagne et celles de la ville; aussi me suis-je hâtée d’apprendre à Délice que je ne sais rien de rien en dessin, en lui recommandant bien d’en instruire toutes ses voisines. Comme cela, elles ont pu voir que je n’avais nulle envie de me poser en jeune fille «supérieure».

«Toutes ces demoiselles, sans exception, m’ont paru très gentilles, et je ne vois pas trop pourquoi il y en a qui sont exclues de notre clan, celui dont Délice fait partie et moi aussi, grâce à elle. J’en ai remarqué quatre dont il faut que je vous parle, ma bonne Esther, parce que, d’après Délice, elles sont «la crème de la crème» du pays.

«C’est d’abord Virginia Curtis, une jolie brune que l’on pourrait appeler une jeune fille bien équilibrée; elle ne dit et ne fait jamais que ce qu’elle doit dire et faire. Cela m’agacerait d’être si parfaite!

«Ensuite Katie Hackett, une blonde aux yeux noirs pétillants de gaieté et de malice. Celle-là est loin d’être parfaite, mais elle est pleine d’entrain et me plaît infiniment. Elle me plairait tout à fait si Délice ne m’avait pas prévenue qu’elle a une langue dont il faut se méfier, et que ce qu’on dit devant elle doit être attentivement contrôlé. J’aimerais autant ne pas le savoir.

«La troisième est Maggie Selden, qui est blonde, pâle, frêle, mince comme un roseau et douce comme un agneau; elle ne dit jamais de mal de personne et elle est d’une complaisance à toute épreuve. C’est un ange, je ne vous dis que cela.

«Quant à Délice, elle vient si souvent ici que je n’ai pas besoin de vous faire son portrait. Je l’aime de tout mon cœur, et je l’ai aimée dès le jour de mon arrivée, si vous vous le rappelez; les autres ne lui vont pas à la cheville. Toutes, nous l’adorons, nous l’appelons «Délice la bien nommée», «Délice de notre cœur» ; aucune épithète n’est assez exquise pour elle! Vous ne pouvez pas vous imaginer comme elle est charmante pour tout le monde en général et pour moi en particulier...

«Je n’ai pas encore vu «la reine» de notre clan, Dora Topliff. Délice dit qu’elle est extrêmement désagréable et universellement détestée; je suis sûre qu’elle me déplaira. Katie Hackett me racontait ce soir qu’elle (Dora) venait d’arriver de New-York, où elle était allée passer quelques semaines, et que nous la verrions bientôt apparaître avec un chignon de cent francs sur la tête. Est-ce croyable qu’on se mette des faux cheveux à son âge, et qui coûtent un tel prix encore!...

«Il y a, parmi celles qui ne sont pas des nôtres, une jeune fille qui m’intéresse beaucoup. Elle s’appelle Xéna Gliddins; sa mère est veuve et tient une petite boutique d’épicerie. Je crois que c’est à cause de cela que ces demoiselles trouvent qu’elle ne peut pas faire partie de «la crème de la crème»; mais, moi qui ne suis pas aristocrate, cela me fait mal de voir cette pauvre Xéna toujours à l’écart et exclue de tous les plaisirs. La pauvre fille est en outre tout à fait disgraciée de la nature: elle a une taille tout d’une venue qui ressemble plutôt à un sac de blé qu’à la taille d’une jeune fille de seize ans, une figure couverte de taches de rousseur, des cheveux presque blancs tant ils sont d’un blond pâle, et des yeux aux cils invisibles. Bref, elle est affreuse; mais c’est justement pour cela qu’elle me fait peine; il me semble qu’elle doit être si malheureuse!... On dit qu’elle fait des vers pour se consoler. Elle a peut-être du talent, qui sait? En tout cas, je ne comprends pas qu’on l’oblige à préparer tous les jours le feu de la classe. Selon moi, elle a tort de se soumettre à cette exigence. S’il est vrai que ce soin nous regarde, toutes les élèves devraient s’en charger à tour de rôle; il n’est pas juste que ce soit toujours la même qui en ait l’ennui...»

«TOUTES CES DEMOISELLES M’ONT PARU TRÈS GENTILLES.»


Les jeunes filles de Quinnebasset

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