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PRÉFACE.

Table des matières

J’EUS occasion, il y a quelques années, de parler d’économie politique à des hommes de beaucoup d’esprit, dont les connaissances sont variées. Je ne pus leur cacher ma surprise, en voyant que cette science leur était absolument étrangère. Les uns me dirent qu’elle est sans attrait pour eux; les autres, qu’ils avaient ouvert des ouvrages d’économie politique et ne les avaient point compris.

Ces réponses m’affligèrent, car il s’agissait d’une science qui me paraît offrir une haute importance. Je l’ai cultivée dès ma jeunesse ; et j’ai senti, de plus en plus, combien elle touche de près à tous les intérêts de l’humanité.

Je cherchai les causes de cette indifférence, de cet éloignement que beaucoup de personnes montrent pour une science qu’elles ignorent. Parmi ces causes, il en est une dont je vis le remède, et qui, par cela même peut-être, me frappa plus encore que les autres. Un livre nous manque; il n’est point assez facile de commencer l’étude de l’économie politique.

Nous avons, sur cette science, d’admirables ouvrages; mais aucun de leurs auteurs n’a pris soin d’aller toujours du connu à l’inconnu, seul moyen cependant de guider sans effort les esprits, et de les amener, en quelque sorte, à découvrir eux-mêmes la vérité. Si l’on commence par dire que l’économie politique traite de la formation, de la distribution et de la consommation des richesses, on s’énonce avec exactitude; mais je conçois que plus d’un lecteur pose le livre. En effet, cette manière très juste de s’exprimer, est inintelligible pour quiconque ne possède pas déjà la science qu’il s’agit d’enseigner.

Ensuite les ouvrages d’économie politique les plus célèbres sont volumineux: cela suffit pour effrayer certains lecteurs. Bornons-nous à considérer ceux dont l’attention est capable d’efforts. Pour apprendre une science, il faut d’abord discerner ses principes fondamentaux, et les classer dans son esprit. Ce travail est bien moins difficile en étudiant un livre concis, qu’en lisant un ouvrage fort étendu, où le nombre des idées secondaires distrait, et pour ainsi dire étourdit l’attention, quelque soin, d’ailleurs, que l’auteur ait pris pour mettre les idées principales en évidence, à l’aide de la méthode.

Nous avons des Abrégés; mais les écrits très succincts me paraissent plus propres à rappeler aux hommes instruits l’ensemble des principes, qu’à les expliquer à des commençans. La meilleure production de ce genre est le Précis d’économie politique publié par M. Blanqui.

Parmi les ouvrages dont l’étendue me semblerait convenable pour rendre facile une première étude, celui de madame Marcet a, peut-être, le plus approché du but. Mais, depuis qu’il a paru, l’économie politique a fait de grands progrès: ce livre, d’ailleurs, offre peu de méthode; et l’auteur a choisi la forme du dialogue qui n’est pas la meilleure pour instruire. Quand l’élève interlocuteur expose des idées, on ne sait si elles sont justes, ou si le maître va les réfuter; il en résulte de la confusion, on est obligé de mettre une attention pénible à se garantir de cette espèce de piège.

Persuadé qu’il est trop difficile de commencer l’étude de l’économie politique, je résolus d’écrire un ouvrage où j’essaierais d’éviter les divers inconvéniens dont je viens de parler. Je me proposai d’aller toujours du connu à l’inconnu, dans un volume qui n’aurait pas assez d’étendue pour fatiguer l’attention; et qui, cependant, me permettrait d’offrir les développemens nécessaires. Je me promis de ne jamais laisser perdre de vue les rapports intimes de l’économie politique avec le bonheur des hommes; et j’espérai donner ainsi à ce genre d’études l’attrait dont tant de personnes ne le croient pas susceptible, faute de le connaître.

Les gens du monde, s’ils lisaient ce volume, éviteraient des erreurs qui souvent, dans la conversation, leur échappent; et qui ne passent inaperçues qu’à la faveur d’une ignorance trop générale. Les jeunes gens qui, pour fournir une carrière honorable, ont besoin d’études approfondies, trouveront dans ce livre les principes, les bases de l’économie politique; et je m’estime heureux si je les mets en état de lire, avec plus d’intérêt et de fruit, les auteurs que j’aime à nommer les maîtres de la science.

Un des plus beaux génies qu’ait produit l’Angleterre, Smith a, d’une main sûre, ouvert la route où marcheront à jamais les hommes qui feront avancer la science dont nous allons nous occuper. Cependant, ce n’est point à son ouvrage que je conseillerais de passer aussitôt après celui-ci. Cet écrivain dépourvu de méthode superpose ses idées sans ordre; et, tout en admirant quel nombre de vérités il a répandues, on a reconnu des erreurs qu’il avait laissé subsister, ou même qu’il avait fait naître.

M. Say est l’auteur qu’il faudra lire d’abord. Aucun homme n’a rendu plus de services à l’économie politique. Le rare talent d’observation avec lequel il a rectifié et complété cette science, l’ordre qu’il a su le premier lui donner, son style qui réunit à la clarté l’élégance et la chaleur qu’admettent les sujets sévères, l’ont placé à la tête des hommes qui, dans leurs veilles, explorent la science des richesses, et lui ont mérité une réputation qui fait honneur à notre patrie.

J’indiquerai comme un livre utile celui que M. Storch a publié en Russie , et qu’on a réimprimé en France avec des notes de M. Say. Le texte et les notes offrent souvent une espèce de discussion, très propre à exercer le jugement du lecteur.

Deux productions fort remarquables sont l’Économie politique de M. de Tracy, et les Élémens d’Économie politique de M. Mill. Ce dernier a de l’obscurité. Les mots répandre les lumières offrent une métaphore,. dont le sens devrait être toujours présent à l’esprit des écrivains. Une science peut être plus difficile qu’une autre, mais il n’en est pas dont les leçons soient nécessairement obscures.

Après avoir formé son jugement, on lira des ouvrages où de graves erreurs se mêlent à d’importantes vérités: tels sont les Principes d’Économie politique, de M. Malthus les Nouveaux Principes d’Économie politique de M. de Sismondi, etc.

Enfin, on prendra connaissance de quelques ouvrages, tels que ceux de Jacques Steuart , de M. Ferrier, etc., pour voir les vieilles erreurs avec tous leurs développemens, et pour être plus en état de les repousser, lorsqu’elles viennent à surgir de nouveau.

Des hommes superficiels refusent à l’économie politique le titre de science; et pour prouver qu’elle repose sur des données incertaines, ils disent que les écrivains qui s’en occupent, loin d’être d’accord, offrent des opinions divergentes, réfutées les unes par les autres. Il pourra toujours y avoir sur un sujet deux opinions, puisqu’il y aura toujours des esprits justes et des esprits faux. Les premiers sont les seuls dont les débats seraient inquiétans; mais ils s’entendent sur les points fonda mentaux, ils arrivent aux mêmes résultats pratiques. Vouloir davantage, ce serait oublier que la liberté de penser exclut l’identité absolue des opinions, et que cette identité ne saurait se concilier avec les recherches qu’exige l’avancement des sciences.

On peut recueillir beaucoup de faits et d’idées, en conversant avec les hommes qui, par état ou par goût, ont observé les causes du progrès des richesses. Toutefois, pour profiter des conversations, il faut a voir déjà de l’expérience, il faut savoir discerner si des intérêts particuliers n’influent point sur les opinions qu’on entend énoncer. Il estutile aussi de suivre les discussions relatives à l’industrie dans les assemblées délibérantes; mais, trop souvent, on y voit combien les préjugés dominent encore l’administration des états. Plusieurs séances du parlement britannique ont offert un grand intérêt, lorsque M. Huskisson était au ministère: la retraite de cet homme supérieur est une calamité universelle.

L’ouvrage qu’on va lire doit beaucoup à ceux qui l’ont précédé. Souvent la manière d’exposer ou de démontrer un principe est tout ce qui m’appartient. Cependant, l’économie politique est une science trop récente pour qu’on ne puisse encore y faire quelques découvertes, en lui consacrant des années. On trouvera des aperçus nouveaux dans plusieurs chapitres, tels que ceux où je parle de l’utilité et de la valeur, de l’épargne et des capitaux, des salaires, de la population, de l’emploi du revenu, de l’abus qu’on peut faire de la science des richesses, etc. L’ordre dans lequel on expose les idées est, après leur justesse, ce qu’il y a de plus important: j’ai modifié la division ordinaire de l’économie politique; on verra au commencement du second livre, les motifs qui m’ont déterminé. Je crois avoir ajouté quelque chose à la science dont je vais tracer les principes; et, sous divers points de vue, cet ouvrage destiné surtout. à la jeunesse, peut être offert aux hommes qui, par leurs travaux, ont approfondi l’économie politique.

Économie politique: Principes de la science des richesses

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