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PONT DE WATERLOO.

Table des matières

That great city which reigneth over the kings of the earth.

Révélation.

Ce pont, dont le parlement avait ordonné la construction par un bill, ne devait porter dans le principe que le nom modeste de la partie septentrionale de Londres avec laquelle on le destinait à ouvrir une communication, celui du Strand; mais un acte, émané du parlement en1816, ordonna qu’il serait nommé le pont de Waterloo.

Le18juin1817, jour anniversaire de la bataille de Waterloo, fut fixé pour celui de la fête d’inauguration pour l’ouverture de ce pont. Deux cents coups de canon furent tirés en commémoration du nombre de ceux qui tombèrent au pouvoir des vainqueurs.

Les Romains, lors de leurs triomphes, n’étalaient pas un plus fastueux appareil que le gouvernement anglais n’en déploya en cette occasion. Le prince-régent, accompagné du duc d’Yorck et de tous les grands officiers du palais, partit à trois heures de Whitehall, s’embarqua sur la Tamise, suivit la rive du fleuve du côté de Surrey, et vint avec son yacht passer, au milieu d’une multitude de barques, sous l’arche centrale du pont. On fit figurer dans cette cérémonie les gardes à pied et à cheval; leurs chapeaux étaient décorés de branches de lauriers; une banderole flottait au milieu d’eux: le héros britannique, le duc de Wellington était présent. On y remarquait aussi le lord-maire et toutes les corporations de la cité. La Tamise, couverte d’une innombrable quantité de gondoles et de batelets aussi élégamment que richement décorés, présentait un magnifique coup d’œil.

Le pont de Waterloo, à partir du Strand jusqu’à la route de Lambetts, a2,890pieds. Sa longueur, en y comprenant les culées, est de 1,240pieds; sa largeur totale est de42pieds. Des arches en briques soutiennent les tabliers à l’une et à l’autre extrémité. Celui du côté de Surrey a1,250pieds; celui du côté du Strand n’en a que400. La surface plane qu’on a obtenue en prolongeant les tabliers jusqu’au niveau des rues aboutissantes, produit une des perspectives les plus étendues qu’aucun pont puisse offrir en ligne directe. Celui-ci est supporté par neuf piles de vingt pieds d’épaisseur. Chacune d’elles est posée sur trois cent vingt pilotis de dix-neuf à vingt pieds de longueur. Les arches ont cent vingt pieds d’ouverture, et sont d’une hardiesse admirable. Mais ne doit-il point paraître étonnant que ce pont, construit à si grands frais, n’aboutisse à aucune rue directe de l’un ni de l’autre côté? On ne pouvait le placer plus mal.

Les promeneurs y jouissent d’un plaisir dont ils sont privés sur ceux de Londres et de Westminster à cause de la hauteur de leurs parapets. Ceux qui le traversent peuvent, lorsque la Tamise est dégagée de brouillards, porter leurs regards sur divers points éloignés. La balustrade qui le décore est en granit d’Alberden d’un beau grain. Quant à la corniche de couronnement, elle est aussi en granit, mais d’un grain plus grossier et qui ne paraît pas être en rapport avec celui de la balustrade. La hauteur du pont, à l’endroit où il vient s’unir au Strand, est de cinquante pieds au dessus du niveau de l’eau. La première pierre en ayant été posée le11octobre1811, et le passage en ayant été livré au public le18juin1817, sa construction a duré un peu moins de six ans.

Les sommes employées dans cette entreprise sont tellement considérables, qu’on assure qu’il s’écoulera quatre-vingt-neuf années avant que la compagnie qui en a avancé les fonds, touche rien au delà de l’intérêt de son argent, en supposant que le péage produise deux cents pounds (environ4,800fr.) par jour; mais il ne rapporte pas maintenant la dixième partie de cette somme. Il y a même des personnes qui assurent que le dividende annuel ne donnera pas aux actionnaires un schelling d’intérêt pour cent. L’acquisition seule des terrains et des maisons qui sont abattues ou qui doivent l’être a coûté44,000 livres sterling, plus d’un million de francs.

Tous les ans, au18juin, tous les soldats et les officiers de service à Londres, comme dans toutes les autres garnisons, mettent du laurier à leurs chapeaux. Il y a partout où la chose est possible, parade et revue extraordinaire. Le général qui gagna la bataille fameuse (après sa mort, le grand maître de l’artillerie aura à remplir les mêmes fonctions) ainsi que le commandant en chef de l’armée, tiennent chacun un lever extraordinaire.

Le soir, ce dernier assiste à un grand repas qui est donné par le général aux officiers les plus distingués de l’armée. Ce repas est lui-même une représentation allégorique de la bataille: les pièces de viande, le gibier quadrupède etc, représentent la cavalerie; les oiseaux représentent l’infanterie; les pâtés et les tourtes sont des forteresses ou des batteries. Le laurier fourni par les schakos des soldats qui ont monté une garde d’honneur à la porte de la maison où le festin a lieu, est employé à parfumer un immense plat de crême; (car c’est de laurier-cerise que les Anglais se servent en guise de laurier de victoire.) Cette crême, ainsi que les vins qui circulent sur la table, représentent les ruisseaux, les lacs ou les rivières qu’on a eu à franchir sur le champ de bataille.

A la fin du repas, la victoire est toujours aux Anglais. Il est bien évident que des guerriers, ayant bon appétit et armés de couteaux et de fourchettes, doivent toujours rester maîtres du champ de bataille et anéantir les ennemis qui osent s’y présenter.

L’anniversaire du18juin sera, selon toute apparence, fériée dans tous les siècles futurs de l’empire Britannique: outre les souvenirs qu’il réveille, il fournit à l’élite de l’armée l’occasion de signaler sa vaillance gastronomique. Celle-ci a l’avantage d’être toujours à l’abri des chances qui faillirent de convertir l’anniversaire glorieux en un anniversaire de désolation et de deuil

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