Читать книгу Pascarel. Ouida - Jules Girardin - Страница 10
VI
MATER DOLOROSA.
ОглавлениеCependant j’avais atteint ma quinzième année; j’étais grande et bien développée pour mon âge: mais au fond je n’étais qu’une enfant.
Raffaelino grandissait rapidement.
Ses parents songeaient à le faire entrer dans les ordres.
A vrai dire, ils ne savaient que faire de lui: il n’avait aucun goût pour les métiers manuels; il ne quittait pas les églises; dans l’opinion de sa mère, qui était une personne pieuse, il n’y avait pas au monde, condition plus belle et plus heureuse que de vivre dans le silence des cloîtres de marbre et dans le calme profond de Certosa ou des Camaldules.
Mes trois frères étaient morts, comme je l’ai raconté plus haut. Mariuccia et moi, nous étions donc seules désormais dans le monde. Elle ferma les grandes chambres, et nous passâmes l’hiver, qui fut très-rude, dans une sorte de réduit voisin de sa cuisine.
Nous n’avions pas eu de nouvelles de mon père, depuis la semaine sainte de l’année précédente.
Deux ou trois fois, par l’entremise de l’écrivain public, Mariuccia avait envoyé des lettres soit à Florio, soit à son maître. Je suppose qu’elle ne désirait guère me mettre dans sa confidence, puisqu’elle n’avait jamais recours à moi pour lui écrire ses lettres.
Deux ou trois fois, Florio répondit et envoya un peu d’argent, comme s’il en avait été chargé par mon père. Mais j’ai de bonnes raisons de croire que mon père n’était pour rien dans ces envois et que le pauvre Florio se privait pour l’amour de nous. De mon père, directement, nous ne reçûmes pas un mot.
L’hiver était horriblement sombre et triste.
Mariuccia se faisait vieille et pleurait plus que jamais la perte de «ses garçons».
Elle avait tout fait pour eux, et voilà quelle était la récompense de ses efforts et de ses sacrifices: c’était vraiment bien dur. Souvent ses lèvres tremblaient pendant qu’elle filait à la clarté de la lampe; elle priait pour eux la Mère de Douleur.
Un jour, je lui demandai pourquoi elle nous était restée si fidèle. J’avais des remords en songeant à l’énormité de la dette que nous avions contractée envers elle. Je lui dis donc:
«Pourquoi êtes-vous restée avec nous? Vous avez eu la vie dure; nous n’avons été qu’un embarras pour vous, et nous vous avons bien mal récompensée!»
Elle me jeta un regard ferme, empreint d’une émouvante tristesse, et me répondit avec simplicité:
«Il faut bien que l’on aime quelque chose.»
Cette parole me donna sérieusement à réfléchir.