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LETTRE III.

Table des matières

CHARMANTE A MERVEILLE.

Bordeaux, 1er décembre.

Enfin, chère amie, je peux répondre à tes deux aimables lettres, te remercier, te parler de moi!

Que cette séparation a été cruelle! Te souviens-tu de mes pressentiments, de mes confidences nocturnes, lorsque nous attendions notre sort chez Giroux? Ta gaieté, ta philosophie, ne pouvaient apaiser mes craintes sur l’avenir. Maintenant, plus de doute: j’ai quitté Paris, je suis en province, à Bordeaux, belle ville, j’en conviens; mais ce n’est pas la capitale! J’avais rêvé une autre destinée; surtout depuis le jour où je faillis me trouver dans les bras d’une jeune princesse, que sa mère appelait Ziunia. Je ne sais quoi me disait que j’aimerais cette enfant, qu’elle serait bonne et gentille pour sa poupée.

Que mon sort eût été différent!

J’appartiens à la fille d’un riche négociant de Bordeaux; elle aime peu l’étude, elle aime encore moins à travailler pour moi. Mon trousseau a été fait par une brave négresse, qui ne voit jamais les roses de mon teint sans soupirer d’envie. La bonne négresse me protège: «Petit mamzel. dit Zoraïde, pas gentil ça laisser poupée toute seule.» Alors Thérèse me prend, me raconte toutes les histoires de ses amies; c’est un esprit de commérage qui me va peu. J’espère avec le temps m’habituer à ma triste position.

Nous avons eu une assez jolie dînette, (Page 25.)


Zoraide.


Nous avons eu une assez jolie dînette le jour de mon arrivée, mais mal servie, dans un ménage de fer-blanc: de la garbure, de la salade et de la bouillie de maïs. Je suis bien sûre que la huitième merveille du monde est mieux traitée et que le premier ortolan lui sera servi.

Quant aux équipages, je n’ai rien à désirer. Nous avons des chevaux anglais, qui vont comme le vent. L’heure de la promenade n’est pas sans charme: je suis déjà connue aux Chartrons, beau quartier de Bordeaux. On s’arrête pour me voir passer. Je crois même avoir été saluée hier par la poupée de la fille du préfet.

Mon nom, Merveille! Oh! c’est un nom qui n’a pas coûté un grand effort d’esprit: Thérèse, en souvenir d’un certain prince Charmant, a voulu m’appeler Charmante. C’est bien simple, comme tu vois.

Adieu, ma Merveille chérie, relève mon courage, dis-moi des tendresses: c’est la meilleure morale que tu puisses me faire.

Adieu. Ton amie désolée,

CHARMANTE.

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