Читать книгу François-Joseph Navez : sa vie, ses oeuvres et sa correspondance - Louis Alvin - Страница 10

Оглавление

VII

Table des matières

I. FIN DU SÉJOUR A PARIS.

Table des matières

La première restauration avait laissé David à son atelier et à ses nombreux élèves; mais, après Waterloo, la réaction royaliste s’était accentuée et la position des conventionnels était devenue périlleuse. Une loi du 12 janvier 1816 prononça l’exil contre tous ceux qui avaient voté la mort de Louis XVI. David, qui avait reçu du roi de Prusse les offres les plus brillantes. préfera à Berlin la ville de Bruxelles, où il acheva sa carrière.

Navez l’y suivit. Les progrès qu’il avait faits sous la direction de l’illustre maître sont constatés par un certificat portant la date de 1815, à la fin des cent-jours, au moment où le jeune Belge, voyant l’empire s’écrouler, songeait à rentrer dans sa patrie, qui échappait à la domination étrangère. Les termes de cette pièce sont si honorables; elle émane d’ailleurs d’une autorité tellement respectable, au point de vue de l’art, que je crois devoir la reproduire en entier:

C’est avec un extrême plaisir que je m’empresse de rendre la justice qui est due à M. Navez, mon élève: il n’est pas croyable les progrès qu’il a faits sous moi depuis une année qu’il reçoit mes leçons. C’est une justice aussi que je me plais à rendre à ceux de sa nation sur les heureuses dispositions en général qu’ils apportent pour cette partie des beaux-arts: ils sont tous coloristes, mais malheureusement ils sont retardés dans leur course par le manque de fortune, c’est ce qui arrive à M. Navez! S’il peut trouver des moyens qui le retirent de cette position, je ne crains pas d’affirmer qu’il est destiné par la nature à augmenter la liste des grands peintres qui ont illustré la Flandre.

Le chev. DAVID,

Membre de l’Institut de France, des Académies de Rome. de Vicence, de Florence, et off. de la Légion d’honneur.

Dans les notes qu’il nous a laissées, Navez résume ainsi les résultats matériels de son séjour à Paris: «Du 19 juin 1813 au 19 janvier 1816, j’ai terminé plusieurs copies aux musées. J’ai fait plus de 150 études peintes. Pendant cette période, j’ai gagné 1,183 fr. J’ai fait deux portraits en pied, quinze portraits en buste et quatre tableaux d’histoire.»

II. ÉPISODE LITTÉRAIRE.

Table des matières

Au séjour de Navez à Paris, se rattache un fait littéraire qui n’est pas sans intérêt. Un des amis du jeune peintre lui écrit pour lui demander un service; cet ami est M. J.-J. Coomans qui cultive, à Gand, non sans succès, la muse française; il n’y a pas lieu de s’en trop étonner: c’était vers le temps que Philippe Lesbroussart produisait son poeme les Belges. Le correspondant de Navez a en portefeuille une tragédie: c’était la mode alors et elle n’a duré que trop; tout écolier, en sortant de rhétorique, avait au moins une tragédie à placer et elles n’étaient pas toujours d’une facile défaite; on n’avait pas encore imaginé d’obliger le théâtre de la Monnaie à représenter des pièces du cru. Force était donc de s’adresser à Paris. Or, voici le raisonnement que se fit notre auteur et qu’il exposa tout au long dans une lettre au peintre son ami: «Si je vais à Paris me présenter aux sociétaires du Théâtre-Français, ma tragédie à la main, annonçant que j’arrive de Gand, en Flandre, je serai bien certainement évincé : quel Parisien pourrait supposer qu’un Belge, un demi-sauvage, suivant la galante expression d’un J. Janin du temps, est en état de produire une œuvre littéraire supportable? Il faut donc que je m’entoure de mystère: mon ami, le jeune peintre, ira porter la pièce à la Comédie-française et dira que l’auteur veut garder l’anonyme.» Ce poëte était un homme de précaution; il inventa une petite fable qui avait pour but, sinon de duper son compatriote, du moins de s’assurer, pour un temps, de l’entière discrétion de celui-ci. Il lui conta donc que la tragédie était l’œuvre d’un de ses voisins, et les lettres du tragédien, d’abord anonymes, confirment le dire du correspondant ostensible. Je dois ajouter que cette petite supercherie ne m’est pas complétement démontrée; elle me parait probable, tout en me laissant quelque doute. En effet, il se pourrait que réellement M. Coomans ne fût pas l’auteur de la tragédie et que ce fût l’œuvre, par exemple, de M. Lespirt, poëte aussi, et dont l’ami de Navez devenait le gendre dans le même temps.

Ce qui me confirme pourtant dans le soupçon énoncé plus haut, c’est que ce même M. J.-J. Coomans, ayant publié, en 1837, une tragédie de Don Carlos, qu’il avait vainement essayé de faire représenter sur le théâtre de Bruxelles en 1833, explique, dans sa préface, les causes qui ont mis obstacle à l’apparition, sur la scène, de son ouvrage, accepté cependant par le comité de lecture. Une phrase de cette préface nous apprend que l’auteur avait la tragédie, depuis plus de seize ans,en portefeuille.

Mais ici se présente une nouvelle difficulté qui complique l’affaire. Dans le cours de la correspondance que j’ai sous les yeux, l’auteur d’abord anonyme d’Alcméon (c’est le titre de la tragédie qui nous occupe) se fait connaître, signe ses lettres du nom d’Alexandre et donne même son adresse, rue de l’Hôpital, n° 571. Il est vrai que c’est aussi l’adresse à laquelle M. J.-J. Coomans se fait envoyer ses lettres. Ajoutons que l’auteur d’Alcméon annonce qu’il a en portefeuille une seconde tragédie et que, si la première est acceptée et réussit, il enverra aussi celle-là à Paris.

Les événements politiques sont venus se mettre à la traverse des négociations que Navez avait entamées avec le Théâtre-Français et notamment avec le célèbre Talma. Or, dans la préface de Don Carlos, M. Coomans insinue, en 1837, qu’il y a déjà seize ans, son ouvrage a subi le jugement du comité de lecture du Théâtre-Français. Peut-on conclure de ces faits que l’auteur d’Alcméon et celui de Don Carlos ne sont qu’une seule et même personne? C’est une question dont je laisse la solution aux érudits qui s’occupent de l’histoire de notre littérature nationale.

M. J.-J. Coomans est un poëte qui mérite qu’on ne l’oublie pas absolument: le plus grand défaut de son Don Carlos, c’est d’avoir été publié seize ans trop tard. Il n’est pas d’ailleurs le seul poëte dramatique belge qui doive être rangé dans la catégorie des attardés: c’est un compagnon d’infortune dont on ne saurait être qu’honoré.

François-Joseph Navez : sa vie, ses oeuvres et sa correspondance

Подняться наверх