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IV

Table des matières

SÉJOUR A PARIS.

En arrivant à Paris, Navez n’était pas décidé sur le choix du maître dont il fréquenterait l’atelier. Il commença par peindre au musée, et c’est un tableau de Rubens, le portrait de Sneyders et de sa femme, qu’il choisit pour cette étude: cette copie est aujourd’hui chez M. de Hemptinne, à Molenbeek-Saint-Jean. Il eut pour correspondants, à cette époque, quelques amis de Charleroi, son maitre M. François, le secrétaire de la société des Beaux-arts, l’architecte Louyet, le peintre Stevens et M. Bosschaert .

Par lettre du 7 juillet 1813, M. Picard avait notifié à Navez la décision de la commission de la société. La pension, qui devait être de 1,200 francs, avait, après de longs débats, été réduite à 1,000 francs, payable à Paris, de trois en trois mois et par anticipation, à dater du 1er juin.

Le 8 juillet 1813, la pièce officielle ci-après était signée par le vice-président de la commission directrice de la société pour l’Encouragement des beaux-arts.

Le recteur de l’Académie, membre de la Légion d’honneur et vice-président de la commission;

A Monsieur Navez, peintre, pensionnaire de la société, rue Saint-Jacques, n° 75, à Paris.

Bruxelles, le 8 juillet 1813.

Monsieur,

Je vous informe que la commission a résolu, dans sa séance du 6 du courant, de vous faire une pension de mille francs par an, payable jusqu’à révocation, de trois en trois mois, et par anticipation, à prendre cours le 1er juin dernier.

Le trésorier de la société est chargé des dispositions nécessaires pour que vous puissiez toucher cette pension à Paris, sur le pied ci-dessus, et vous indiquera le banquier où vous pourrez vous adresser.

La commission espère, monsieur, que vos progrès seront assez rapides pour en faire bientôt jouir la société et que vous saurez prouver, par les divers morceaux que vous enverrez au salon de 1815, que ses sacrifices ont été bien placés.

Recevez, monsieur, l’assurance de ma parfaite considération.

CH. VAN HULTHEM.

Il est assez curieux de voir de quelle sollicitude l’association bruxelloise entoure son pensionnaire à Paris. Elle procure au jeune homme les meilleures recommandations, lui fournit toutes les indications qu’il peut désirer sur la conduite qu’il aura à tenir, les démarches qu’il devra faire. La correspondance de M. Picard est, sous ce rapport, d’un intérêt assez grand pour que je lui emprunte de nombreuses citations.

Je vous adresse, mon cher ami, toutes vos pièces authentiques. J’espère que les écus n’éprouveront dans leur rentrée aucun obstacle, et je crois que, si nous avons la paix, vous pouvez compter sur trois ans de pension, ce qui peut-être ne serait pas le cas dans une autre hypothèse.

Vous ferez bien d’exécuter, l’année prochaine, une grande composition historique pour la société, en l’envoyant en 1815. assez tôt pour que nous puissions la faire encadrer avant l’exposition. Le port serait, comme de raison, à nos frais. Un tel cadeau intéresse toujours les souscripteurs et la commission en faveur de l’artiste. Tâchez aussi de prendre le sujet dans l’histoire de notre pays; par exemple, Geneviève de Brabant ou tout autre du même genre. Si vous le désirez, je vous en enverrai plusieurs à choisir.

Stevens vous fait ses compliments et n’oublie pas que vous devez lui faire son portrait. Vous verrez, par le programme ci-joint, qu’il a remporté les prix.

Nous avons à Paris différents personnages chez qui vous ferez bien de vous présenter avec votre patente, pour réclamer leur protection au besoin, tels que:

M. le comte Lambrechts, sénateur, souscripteur de notre société ;

M. Olbrecht, membre du corps législatif, élu par Bruxelles; il vous recevra très-bien, j’en suis sûr.

Et encore ceux-ci, lorsqu’ils viendront à Paris:

M. le duc d’Arenberg, sénateur et membre de notre société ;

M. le comte de Lannoy, sénateur et membre de notre société.

N’oubliez pas non plus M. Denon, quoiqu’il ne soit pas Belge: il est directeur du Musée impérial.

Parmi les artistes de ce pays à voir pour vous faire des connaissances, il y a:

Les deux MM. Van Spaendonck;

Les deux MM. Redouté, de Saint-Hubert;

M. Van Brée et M. Berré, d’Anvers tous deux.

Vous avez aussi M. Claessens, graveur d’Anvers, M. Picot, qui vient de remporter le prix, M. Gassies, qui l’a remporté il y a deux ans. N’oubliez pas que les bonnes connaissances amènent quelquefois des protecteurs précieux et que dans Paris on en a aussi besoin qu’ailleurs (Bruxelles, 12 juillet 1813.)

Navez se décida pour l’atelier de David, et il entra le 9 août chez le grand artiste.

Il avait écrit à son maître une lettre par laquelle il lui faisait connaître les motifs qui avaient décidé sa détermination, et M. François lui avait répondu:

Vous avez bien fait de vous décider pour l’école de David. Profitez, pendant que vous y serez, de ses conseils ainsi que de tous les moyens d’avancement dont jouissent ses élèves. L’exercice de peindre d’après le modèle (il est ici question du modèle vivant) peut vous être très-avantageux: cela vous apprendra à manier la brosse et les couleurs. Mais quant au coloris, je n’en ai jamais rencontré dans un homme qui la plupart du temps est grelottant de froid, et dont la peau n’a jamais été exposée aux impressions de l’air. Imitez-le cependant, parce que la nature, quoique souvent imparfaite, a toujours quelque chose à vous apprendre et que l’on chercherait vainement dans son imagination. Vous trouverez ensuite, en étudiant les travaux des grands maîtres, la manière de mettre en œuvre vos études particulières qui sont les matériaux avec lesquels vous bâtirez. Je conçois, mon ami, que vous devez avoir quelque crainte de la lutte pour le grand prix de peinture, cela demande en effet de très-grands efforts de tout genre; mais que cela ne vous décourage pas; au contraire, travaillez toujours comme si vous étiez décidé à concourir . (20 octobre 1813.)

La résolution qu’il avait prise d’entrer à l’atelier de David reçut également l’approbation du peintre C.-F.-J. Stevens, non toutefois sans quelque réserve.

J’ai reçu votre lettre du 21 juillet; j’y vois avec plaisir votre enthousiasme pour l’école flamande: ne la perdez jamais de vue pour le coloris. Votre projet d’aller chez David pour le dessin me paraît bon; mais auparavant, consultez bien vos amis: il y en a qui prétendent que Guérin ou Vincent sont préférables pour l’attention qu’ils ont pour leurs élèves. Enfin, mon cher, travaillez bien, mais pas avec trop de feu: chi va piano va lontano, dit l’Italien; avec les dispositions que vous avez, vous devez aller loin; vous êtes en bon chemin, tenez-vous-y; ne vous laissez pas égarer par de soi-disant amis qui, par envie ou jalousie, voudraient vous détourner. Je parle par expérience, vous le savez. Je suis fâché que vous n’ayez pas concouru pour Anvers, vous deviez l’emporter; vous auriez triomphé avec peu de gloire, à la vérité, car le concours a été faible: quatre tableaux médiocres, des fantasmagories, des friperies, etc. Les paysages valaient beaucoup mieux: c’est Van Regemorter qui l’a emporté, ainsi que le prix de genre. Coene avait concouru, mais on n’a pas admis son tableau; c’était un sujet tiré d’un conte de Lafontaine, l’Hermite. Sa devise était: Tout homme est homme et les moines surtout. Le fanatique Anversois a été scandalisé et a rejeté le tableau. Fayens a le prix de sculpture; par conséquent, Huygens a eu le sort de Pletinckx à Bruxelles. Van Brée a mis un grandissime tableau au jour; c’est une belle composition et d’une exécution plus belle que de coutume. L’exposition n’était pas nombreuse, mais assez brillante:Ommeganck, le jeune Van Brée, Van Assche, Cels se sont distingués. Il vous reste, mon cher, une besogne plus forte et une entreprise plus grande: vous devez remporter le grand prix à Paris, et je ne doute pas que cela ne soit un jour. Pour lors, vous irez voir un pays qui vous inspirera, et où vous trouverez plus de facilité pour vos études: ce sont les désirs de tous vos amis. (Bruxelles, le 28 août 1813.)

M. Bosschaert avait déjà insisté auprès du pensionnaire sur la question du coloris et cherché à le mettre en garde contre les séductions des écoles étrangères.

Il lui écrivait vers la même époque:

Quel immense champ d’instruction, mon cher Navez, que ce musée de Paris, pour un artiste comme vous, plein de zèle et d’activité ! L’imagination s’enflamme à la vue de tant de richesses. Je ne doute pas que vous n’ayez déjà fait le choix de l’école qui aura offert le plus de charmes à vos dispositions. Comme je présume par votre lettre que cette école sera celle de Rubens, ne vous laissez pas séduire par les artistes qui chercheraient à vous dégoûter de marcher sur les traces de ce grand homme. La fougue de son génie lui a fait faire des écarts, mais il les a effacés par tant de beautés que la mémoire de Rubens triomphera toujours. Ce n’est pas à un servile imitateur que ce discours s’adresse, c’est à vous, mon cher Navez, à un jeune artiste qui à l’amour de l’art unit le jugement nécessaire aux progrès de sa profession.

Nous avons vu plus haut que Navez se disposait à affronter les chances du concours; mais à peine depuis quelques jours au milieu des élèves de David, il crut reconnaître à ses nouveaux camarades des talents supérieurs aux siens: il en éprouva un certain découragement dont il fit part à un ami de sa famille, M. Huart, de Charleroi. La franchise et le bon sens des conseils que cet excellent homme donne au jeune artiste leur méritent une mention.

Savez vous, mon cher Navez, que votre extrême modestie vous nuira beaucoup! Comment se fait-il que vous ne sachiez pas vous apprécier? Vous trouvez à l’atelier des anciens plus forts que vous: cela ne doit point vous étonner ni vous décourager. Avez-vous oublié qu’en arrivant à Bruxelles, vous avez aussi trouvé des camarades plus forts que vous et que vous les avez tous surpassés? Et vous osez me dire que vous ne savez rien.... Parce que vous ne voyez pas les progrès que vous faites, il vous paraît que votre vie ne suffira pas pour atteindre le but que vos premiers succès vous ont fait entrevoir. Détrompez-vous: il en est de votre art comme de la musique. Dans cette étude, on avance comme par bonds; il y a certaines périodes pendant lesquelles on reste dans l’inertie, puis tout à coup on fait un grand pas en avant, puis après un nouveau sommeil vient un nouveau progrès. Vous sommeillez, mon cher Navez, et je vous attends au réveil. Ce sommeil cependant n’est pas léthargique, pendant que vous vous croyez endormi, il se forme une masse de connaissances dans votre cerveau, et vous ne les pourrez employer que lorsque l’ensemble en sera bien coordonné, et qu’il n’y manquera aucune partie; alors seulement vous enfanterez et vous pourrez être content de vos productions. Mais pas de découragement, la lâcheté est sa compagne; c’est par de grands efforts et par une volonté constante que vous atteindrez le but désiré. Croyez-en un ami qui vous a prédit tout ce qui vous arrive; il vous a classé au rang que vous devez tenir et que vous tiendrez . (Charleroi, le 26 octobre 1813.)

François-Joseph Navez : sa vie, ses oeuvres et sa correspondance

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