Читать книгу La prison du Luxembourg sous le règne de Louis-Philippe: Impressions et souvenirs - Louis-Jean-Joseph Grivel - Страница 10
VI
ОглавлениеOh! qu’il nous soit loisible de parler de tout cela, sans qu’on puisse croire qu’il entre dans notre œuvre le moindre calcul de revendication personnelle. Car, que sommes-nous, faibles instruments? et qu’avons-nous à prétendre ici? Un homme ne convertit point un homme. Tout est l’ouvrage de Dieu et de la grâce, ce remède souverain fait avec le sang de Jésus-Christ. La grâce seule peut transformer et convertir les criminels les plus obstinés. Flamme régénératrice, elle change les inclinations au crime en principes de vertu. L’esprit et le cœur de ceux que nos raisonnements n’ont pu convaincre ni toucher s’amollissent et cèdent aux influences de sa douce chaleur. Comme dans les entrailles de la terre et dans la profondeur des plus hautes montagnes sont cachées des veines d’or, de même dans les cœurs en apparence endurcis et glacés peuvent se trouver de bons sentiments; mais la grâce seule nous les découvre et nous fait suivre leurs précieux filons.
Que le nom de ces coupables forcenés soit noté d’infamie, qu’il soit justement flétri, qu’à leur crime s’attache loute l’indignation qu’il doit inspirer. Mais en nous, ministres de miséricorde et de réconciliation, l’homme doit se défendre de ses propres impressions, maîtriser les sentiments de répulsion naturelle qu’il peut éprouver. Ne sommes-nous pas les représentants et les envoyés de Jésus-Christ, qui a répandu son sang pour sauver les criminels et qui veut que personne ne périsse. N’est-ce pas pour sauver les âmes souillées que coulent toujours encore avec tant d’abondance les fontaines du Sauveur? Pourrions-nous ne pas faire d’incessants efforts pour recueillir toutes les gouttes du sang rédempteur, et n’en laisser perdre aucune? Seuls dépositaires de l’espérance et de la consolation, nous devons toujours faire naître l’espérance et apporter la consolation. Notre patience ne doit pas plus se lasser que la miséricorde de Dieu; notre code pénitentiel est tout médicinal. Il ne veut point détruire l’homme, mais le péché, dit saint Augustin, afin de préserver le pécheur des peines éternelles, qui sont sans remède.