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IX

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Rendons au ciel de sincères actions de grâces: les criminels que nous avons assistés à leur heure dernière n’ont point été du nombre de ces aveugles obstinés que ni les supplices des hommes ni la crainte des jugements de Dieu, plus redoutables encore, ne peuvent faire fléchir et qui meurent dans l’endurcissement et l’impénitence. Sans doute nous aurions voulu plus, nous aurions souhaité surtout ne pas voir reparaître chez quelques-uns d’entre eux ces faiblesses persistantes, ces misères obstinées, qui venaient trahir leurs meilleures dispositions. Sans doute que des médecins spirituels, praticiens des âmes, plus habiles, plus expérimentés, plus que nous agréables à Dieu, auraient obtenu. davantage. Nous le regrettons vivement, et nous nous humilions dans le sentiment intime et douloureux de notre insuffisance, ars artium regimen animarum.

Cependant Dieu nous a fait une part de consolation bien précieuse. Comme on le verra, nos condanmés ont donné tous, plus ou moins, des témoignages extérieurs de leur retour à de meilleurs sentiments.

Fieschi, brûlé de haine contre la société qui l’avait justement chassé de son sein, ivre de vanité, devenu fanatique par son idolâtrie de lui-même et par l’importance qu’on lui avait donnée, ne se dissimulait pas néanmoins la scélératesse de son acte. Il s’avouait criminel. Son repentir avait bien quelque chose de théâtral; mais enfin c’était du repentir, et il ne s’est jamais démenti. On ne le vit point faire parade, lui, qu’on avait appelé le fanfaron du crime, de cette déplorable fermeté, de ce triste courage d’impiété cynique, d’un si fâcheux exemple en un pareil moment. Alibaud, après avoir avoué sans hésitation comme sans remords la pensée du meurtre qu’il avait nourrie pendant plusieurs années, et dont il se glorifiait, lui qui avait refusé d’abord le ministère d’un prêtre, voulant, disait-il; aller seul à l’échafaud, réclame bientôt le ministère de ce prêtre, qu’il appelle son ami, son père; il veut qu’il soit à ses côtés. Il prononce, il est vrai, d’affligeantes paroles qu’il n’aurait jamais proférées, nous en avons la conviction, s’il eût été possible d’épargner à cette imagination qui s’enflammait au contact de certains mots et de certaines idées, qui s’élevait et retombait comme le pouls d’un fiévreux, une dernière et trop dangereuse épreuve: la lecture de sa sentence faite à haute voix. Mais aussitôt il donne un démenti à ces paroles dont, nous l’espérons, il n’avait pas eu conscience, par ce cri sorti de son cœur: Je me repens! Puissent ce dernier regret qu’il exprime, son dernier regard qu’il attache sur le crucifix, et son dernier mouvement par lequel il y imprime ses lèvres, témoigner de la sincérité de sa résipiscence! Puissent tous ceux que nous avons de même assistés avoir accepté et subi, dans un véritable esprit de pénitence, les dernières et cruelles épreuves de leur supplice, comme ils ont paru le manifester publiquement! Dieu les a jugés!...

Pour nous, témoin du changement visiblement salutaire qui s’est opéré en eux, nous avons consacré ces pages à le constater.

Quoi de plus utile et de plus profitable pour la société qu’un pareil amendement reçoive une éclatante notoriété ? Il est dû à l’intervention de la religion, dont le triomphe, même humainement parlant, est ici un bienfait. Un forfait proclamé en face de l’instrument du supplice, avec le cynisme de l’orgueil, avec le scandale de la jactance, exerce toujours de pernicieuses influences. La morale publique a bien moins à souffrir des crimes suivis d’un repentir avoué, car elle voit ses droits, son autorité reconnus par une éclatante réparation. La religion elle-même ne parait-elle pas plus auguste et plus vénérable quand il est impossible de ne pas reconnaître qu’elle seule prévient et empèche alors la glorification si contagieuse du crime, cette prédication dernière pleine d’impudence et de forfanterie, qui, du haut de l’échafaud, ne descend jamais sans danger sur la multitude?

Quand il en est ainsi, l’attentat est puni, mais il n’est pas désavoué, il n’est pas expié. Le supplice produit un effet tout contraire à celui qu’on en attend. Il excite et affermit d’effrayantes sympathies, entretient de sacrilèges préjugés, qui font regarder comme des héros et des martyrs ceux qui ont rendu à leur opinion homicide le témoignage du sang.

La prison du Luxembourg sous le règne de Louis-Philippe: Impressions et souvenirs

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